Démoniaque

* C'est la mienne *

- Ça va ?

Je secoue la tête pour reprendre mes esprits tandis qu'Alia me caresse lentement l'épaule. Je sens la colère monter en moi ; une colère démesurée et effrayante. Il m'aurait donc amené ici pour se servir de moi comme d'une poupée de chiffon ? Je ne peux pas y croire, je connais trop bien Théo pour qu'il me fasse ça. Mais d'un autre côté, je ne sais toujours pas ce qu'est cet endroit et ce que je fais ici. Et l'idée qu'il m'ait emmenée dans ce lieu lugubre pour m'utiliser comme un vulgaire objet me met hors de moi. Je me lève du lit et descends les escaliers en quatrième vitesse. Alia essaye de me rattraper en disant qu'elle va tout m'expliquer et qu'elle s'est mal exprimée mais c'est trop tard. Je veux juste entendre les explications de Théo et personne d'autre : il est temps qu'il me dise enfin ce qu'il se passe. Je retrouve le salon facilement et me plante devant lui en essayant de me calmer, même si c'est perdu d'avance.

- Tu m'expliques ? Je questionne, la respiration saccadée.

Il me regarde avec incompréhension en regardant autour de lui, puis un regard effrayé. Il se lève, ses muscles contractés essayant de se contrôler pour ne pas dire de bêtises.

- Attends Clara, je ne sais pas ce que tu as appris mais...

- Ah non, pas ton excuse à la con ! Depuis toute petite, je pensais que tu étais là pour me protéger, et même plus parce que tu m'aimais, mais en fait c'était juste une histoire de compagne !

- Clara, s'il te plaît...

- Non, tu ne m'as jamais aimée, c'est ça ? Si tu m'as amenée ici, c'est juste pour m'utiliser comme un simple objet et pas parce que tu tiens réellement à moi. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tu m'aimes !

- Clarabelle stop !

Je me fige. Il n'a pas osé ? Je déteste ce prénom à cause de mes parents, et il le sait très bien vu que c'est lui qui m'a proposé de m'appeler "Clara". Il se rend compte de son erreur, puisqu'il a un regard désolé. Je serre la mâchoire. Tout le monde nous regarde et quelques raclements de gorge retentissent pour combler ce silence gênant. Soudain, Devil prend la parole.

- Tu peux nous expliquer Théo ? Ne me dis pas que tu es retourné sur Terre pour aller la chercher ?

Il ferme les yeux et prend une grande inspiration. Il attend bien une minute avant d'ouvrir la bouche en même temps que ses yeux. Je sens mon cœur dans mes tempes tellement l'énervement s'empare de moi.

- Si, c'est pour elle.

J'ouvre la bouche, incapable de faire ou dire quoi que ce soit. Je suis un simple objet c'est ça ? Je ne suis rien d'autre pour lui après toutes ces années ? La stupéfaction me cloue sur place et je ne peux rien faire d'autre que le regarder avec les yeux écarquillés.

- Mais après toutes ces années à tes côtés j'ai compris que tu comptais énormément pour moi et je ne voulais plus te laisser seule sur terre en sachant le calvaire que tu vivais là-bas, il rectifie en me prenant par les épaules. Tu es l'une des personnes qui me maintiennent en vie à présent, qui me donne envie de vivre. Je sais que j'aurais dû te parler de tout ça, de cet endroit avant mais je n'en ai jamais eu l'occasion. Et pour ce qui est de la bague que tu portes, elle n'est pas à moi. J'ai pris peur en la voyant alors ça m'a encore plus convaincu de te ramener avec moi.

En entendant ce qu'il vient de me dire, je me radoucis légèrement. Mes épaules retombent mais un courant électrique passe dans mon annulaire gauche, me faisant grimacer. Je frotte mon doigt et demande.

- Si elle n'est pas à toi, qui m'a donné cette bague ?

- C'est la mienne.

Je me tourne vers lui. Devil ? Sérieusement ? J'ai des doutes sur ce qu'il dit. Il a les yeux vides et il a parlé machinalement avant de se reprendre d'un coup et me fixer comme si de rien était ; ses yeux sont beaucoup plus sombres que depuis que je l'ai rencontré. Ma tête tourne à cause du surplus d'informations. J'ai qu'une envie c'est de me réveiller. Je ne sais pas qu'elle est cet endroit, je veux qu'on me réponde à chacune de mes questions qui commencent à me rendre folle. J'ai envie de crier, hurler sur Théo qu'il m'a trahie et que je ne veux plus le voir. Mais au fond, je n'en ai pas la force et l'énergie commence à me manquer. La pièce devient floue au fur et à mesure que je réfléchis à tout ça. Je ferme les yeux en priant pour ne pas tomber quand je commence à manquer d'air. Génial ! Je fais une crise d'angoisse maintenant.

- Il faut que je prenne l'air.

C'est la seule phrase que j'ai réussi à sortir de façon audible. Je passe le porche et avance sous la pluie battante quand je vois deux hommes devant moi qui fixent ma bague. Je vois que les nouvelles se répandent vite. Je suis déjà poursuivie ici. Ils me fixent et je vois que leurs pupilles sont rouge sang. L'un des deux hommes chuchote à l'oreille de son partenaire. Mon ouïe surdéveloppée semble être revenu tout un coup.

- ... La jeune humaine qui est arrivée dans la soirée. On l'a trouvée.

Comment ils peuvent savoir qui je suis ? Ils s'avancent vers moi d'un pas menaçant quand je combine toute la colère en moi pour la regrouper en un regard. Le premier homme apporte ses mains à son cou, tombe à genoux et commence à cracher du sang tandis que l'autre commence à s'étouffer. Je sens qu'on me prend le bras mais je continue de regarder les deux hommes agonisant sur le sol. J'entends qu'on m'appelle à plusieurs reprises mais je ne réponds pas ; je continue de regarder les deux inconnus mourir devant moi sans avoir la moindre envie d'arrêter ça. Soudain, une douleur me fracasse la tête. Je hurle de douleur en prenant mon visage entre mes mains. Je regarde la bague instinctivement et vois mes veines ressortir noires comme si de l'encre coulaient dans celles-ci. Je suis recroquevillée sur le sol sous la pluie battante. Les larmes coulent sur mes joues mais se mélangent avec la pluie. Théo le voit, commence à paniquer et appelle Alia.

- Qu'est-ce qui se passe ? Elle demande.

Mais quand elle me voit et regarde ma bague, elle soupire et s'assoit en face de moi. Tout devient flou et des taches rouges commencent à apparaitre dans mon champ de vision.

- Ma belle, regarde-moi. Ce sont tes pouvoirs qui prennent le dessus sur toi. Tu ne dois pas te laisser faire. Calme-toi.

Mais ce qu'elle fait ne sert à rien, ça à même l'air de s'empirer. Les larmes salées de tout à l'heure se transforment en larmes brûlantes coulant le long de mes joues. Je passe une main et la ressort ensanglantée. Je pleure des larmes de sang ?! Alia le remarque et commence à s'inquiéter.

- On est en train de la perdre. Devil, Va chercher la dague.

Mais Théo se met en travers du chemin de Heaven quand il me prend dans ses bras. Celui-ci ne l'écoute pas et me porte jusqu'au salon. Il me pose sur le canapé quand j'entends Alia et Théo se disputer. Les larmes de sang se sont arrêtées mais la douleur qui scie mon crâne en deux a doublé en intensité.

- Hors de question que je vous laisse faire ça, explose Théo.

- Tu as une meilleure idée ? C'est soit ça, soit elle meurt.

Devil revient au même moment avec un poignard. Je commence à paniquer et à me recroqueviller sur moi-même. Je répète « non » en boucle et le supplie du regard. Il a un regard compatissant ; on voit bien qu'il n'a aucune envie de faire ça. J'ai envie de lui crier de me laisser tranquille, d'éloigner ce poignard de moi mais je n'en ai pas la force et la douleur occupe tout mon esprit. Il se tourne vers Théo qui a sûrement envie de le tuer sur le champ.

- Tony, sort Théo du salon. Je n'ai pas envie qu'il m'arrache la tête quand je vais le faire.

Tony accepte et pousse mon meilleur ami à l'étage avec difficulté. Il se débat en criant mon nom mais Tony est un peu plus fort que lui et arrive à l'emmener en haut. Une fois qu'un bruit de porte qui claque a retenti, Devil s'accroupit pour se mettre à ma hauteur. Il essaye de me caresser la joue mais je recule. Il me regarde avec la main en suspens en attendant mon approbation. Je lui fais un petit sourire malgré la douleur lancinante et il avance sa main.

- Je suis vraiment désolé, princesse. Si je pouvais faire autrement, je n'hésiterais pas.

Le fait qu'il m'appelle comme ça ne me gêne plus, ça me rassure un peu dans un sens. Je fixe le poignard d'un regard apeuré et recommence à pleurer. Je le supplie une dernière fois du regard mais il secoue la tête et plante le poignard dans mon ventre. Je crie de toute mon âme tellement la douleur est insupportable. Je pense que tout l'enfer m'a entendue et à ce moment je ne pense qu'à une seule personne qui aurait pu l'entendre : Théo. J'appuie ma tête contre l'épaule de Devil tandis qu'il passe son autre bras dans mon dos en le caressant doucement. Je sens comme si on me vidait de l'intérieur et qu'on m'arrachait chaque organe un par un quand il tourne la dague dans la plaie, m'arrachant un autre hurlement. Quand il la retire, j'ai l'impression qu'on m'a fait avaler une dizaine de somnifère. Mes paupières s'alourdissent et je m'endors dans les bras de Devil.