Démoniaque

* Dis toujours *

- Tu peux m'expliquer ce qui t'arrive ?

La voix douce et grave de mon meilleur ami m'arrive. Je ne lui réponds pas et continue de manger. Il m'insupporte à un point depuis ce matin, toute ma rancœur envers lui sort sans que je ne puisse l'expliquer. Et je ne vois pas pourquoi je lui répondrais d'ailleurs.

- Tu peux au moins me regarder quand je te parle ? Et je vais te dire pourquoi tu dois me répondre.

Je me sens de plus en plus agacée en sa présence, pas vous ? J'ai une soudaine envie de meurtre. Ou non, l'enterrer vivant sera beaucoup plus divertissant.

- Tu pourras m'enterrer vivant après m'avoir répondu, s'il te plaît ? Il demande, lassé.

Je me retourne vers lui, surprise. Comment il sait ça lui ? D'accord, je commence à trouver ça bizarre. Il me prend le bras et me sort de la cafétéria. La personne qui me sert de meilleur ami me lacère le bras jusqu'à ce qu'on arrive dans une classe vide. Il ferme la porte et me claque contre celle-ci en mettant ses mains de part et autre de ma tête. Ma répartie a l'air d'avoir disparu d'un coup.

- Où est-ce que tu as eu ça ? Il me demande en me montrant la bague.

- Si je te le disais tu ne me croirais pas.

- Dis toujours.

Je prends une grande inspiration en fermant les yeux puis les rouvre pour ancrer mon regard dans le sien.

- Le Diable.

Il me regarde avec stupéfaction et je m'attends à ce qu'il me rit au nez mais il fait carrément l'inverse. Il serre les poings et les balance dans le mur. Il prend sa tête entre ses mains et commence à respirer fortement. Je ne l'ai jamais vu comme ça... Il répète en boucle « il a osé » et sort une dernière fois cette phrase dans un cri limite bestial. Je sursaute après son cri tandis qu'il fixe la fenêtre en respirant assez fort. Je m'approche de lui et pose une main sur son épaule. Une sensation de chaleur s'agrandit dans mon cœur et se dirige vers ma main. Cette étrange sensation se repend sur l'épaule de Théo et celui-ci se stoppe immédiatement. Je souris faiblement mais il ne me le rend pas. Il me prend par les épaules avec un air plus que sérieux.

- Clara. Tu es en danger, je ne rigole pas. Tu ne peux plus rester ici indéfiniment sans qu'on remarque ta bague et tu ne peux pas l'enlever, je me trompe ?

Je secoue la tête.

- Je ne suis pas celui que tu crois et je dois réparer quelque chose que j'ai provoqué. Je sais que tu as peur et que tu ne comprends pas ce qu'il t'arrive mais il faut que tu viennes avec moi et que tu me fasses pleinement confiance.

- Où ? Je demande, perdue.

- Tu verras, mon ange.

Il me prend dans ses bras et la sensation de chaleur et de bien-être réapparaît. On se sépare et il me fait un baiser sur le front. Pourquoi mes émotions sont aussi contradictoires en sa présence, à un moment j'ai envie de le tuer et à un autre je ne peux pas me passer de lui.

- Prends un sac, le minimum vital. Je t'attends devant chez toi à vingt heures, d'accord ?

Je hoche la tête une nouvelle fois et il sort de la classe en me laissant en plan contre le mur. Je reste immobile et repasse en boucle ce qu'il vient de se passer. Est-ce que je devrais vraiment venir avec lui ? Mais oui espèce d'idiote ! C'est ton meilleur ami ! Pourquoi est-ce qu'il te mentirait ? C'est vrai, je le connais très bien, même trop bien et je sais qu'il était sérieux tout à l'heure. Mais une de ses phrases revient d'un coup « Je ne suis pas celui que tu crois ». Il m'a donc caché quelque chose depuis le temps qu'on se connait ? En y repensant, je ne sais pratiquement rien de lui : il n'aime pas parler de sa vie même avec moi. Je sors de la classe vide et rentre chez moi en oubliant les cours de cet après-midi.

***

Il est dix-neuf heures trente. J'angoisse comme une malade alors que je n'ai rien fait. J'ai l'impression d'avoir été accusé d'un crime que je n'ai pas commis et d'attendre mon jugement. Dylan est parti chez des amis comme ça je n'aurai pas à justifier mon départ et mes parents n'ont pas à le savoir. Je monte dans la chambre et prends mon sac de sport. Il est assez grand pour contenir quelques affaires. Une fois mon sac fait, je vérifie que j'ai mon téléphone, mon ordinateur, mon chargeur et tout ce qui va avec. Je descends et regarde l'heure et vois à travers la fenêtre que la voiture de Théo est là. Je sors de la maison en fermant bien la porte à clefs et rentre dans la voiture. Mes mains deviennent moites et ma langue sèche.

- Prête ?

- J'ai vraiment le choix ?

Il ne répond pas mais me sourit et démarre la voiture. Le paysage défile à une vitesse hallucinante. Je crois qu'on a déjà dépassé la ville depuis un moment et c'est à ce moment que je me rends compte de la situation. Je viens de quitter l'endroit où j'ai grandi, où je suis née, où j'ai rencontré Théo, et aussi où mon calvaire est ancré. Repenser à tout ça fait dévaler des perles salées sur mes joues. Je me retourne quand je sens une main sur ma cuisse.

- Arrête princesse. Tu te fais du mal.

Il passe sa main sur ma joue en signe de réconfort. Je souris en retour et il se reconcentre sur la route. Je pose ma tête sur la vitre et m'endors sous le son du moteur.