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Je lis le journal du jour, dans ma chambre d'hôpital. A ma gauche, ma machine reliée à mon coeur bipe toutes les minutes. C'est lassant. Mais elle me garde dans un état stable... J'aimerais tellement retrouver ma liberté.

Je fais partie de tous ces gens dont la vie est insufflée à un autre. Sauf que la plupart du temps, ce sont des vieux, qui donnent leur vie. Moi je suis encore jeune ! J'avais fini mes études, une longue carrière m'attendait.

Mais elle ne viendra pas, cette fabuleuse carrière.

Mais rien ne sert de se lamenter...

Ma vie est foutue.

Et c'est ainsi.

À moins que les miracles n'existent, ma lente et triste fin se rapproche.

Les médecins savent à qui je donne ma vie. Mais ils ne me le disent pas.

Avant, sur demande, on le savait. Mais il y a eut des cas de meurtres, des hommes désespérés qui tuaient celui à qui ils offraient leur vie. Le pire, c'est que ça fonctionnait ! Une fois leur "vampire" mort, ils allaient mieux ! C'est pour éviter de nouveaux meurtres qu'ils ne le disent plus.

Imaginez un instant que ma vie soit offerte à un futur dangereux criminel ! Je serais en train de mourir pour un criminel ! C'est horrible ! Je ne veux pas !

Mais mieux vaut ne pas penser à ça...

On appelle les gens comme moi les Insuffleurs. Et ceux à qui on insuffle de la vie, on les a gentiment baptisé les Destinataires. Je dis gentiment, parce que si le choix du nom m'était revenu, je les aurais nommé "sangsue" ou "vampire ! Pour simplifier, on dit simplement Insu et Desti.

Oh, au fait, je m'appelle Exedan. Ça se prononce "Egzedanne". Ça veut dire "celui qui durera" en je sais plus quelle langue. Ce prénom me semble tellement ironique maintenant ! Maintenant que je sais que je mourrai dans moins de dix ans !

Je tombe sur un article intéressant dans le journal. Il paraît qu'on a trouvé un moyen de délier les Insus et les Destis. Le projet aboutirait dans deux ans. Serais-je encore là dans deux ans ? Ou est-ce que mon Desti m'aura déjà pompé tout mon reste de vie.

Cette vie qui n'est plus saine. Cette vie qui ne me sert plus à rien. Cette vie qui attend d'être sauvée, qui a l'espoir d'être sauvée !

Mais rien n'empêche les Insuffleurs d'exister. C'est la nature qui a créé tout ça... Et rien n'entrave les actes de Dame Nature. Rien.

Avec tout mon temps libre, j'ai pu me renseigner sur ces couples liés par des liens naturels, invisibles à l'œil nu. Depuis le début, vous devez vous demandez ce que c'est !

Les Insuffleurs, avant d'être rangé dans cette catégorie, sont des êtres normaux. Ils ont une vie, des amis, un travail. Et d'ailleurs, ce sont des Destinataires, jusqu'à leurs vingt ans. J'ai aussi été Desti. Tout le monde a déjà été Desti ! Puis vers leurs soixante, soixante-dix ans, un enfant naît, un Desti. Et eux, ils deviennent des Insus. Et ils insufflent à ce nouveau Desti.

Pour faire simple, dès qu'un enfant naît, il capte la vie d'un autre. La vie d'un vieux. C'est pour ça que les vieux meurent de vieillesse. Parce qu'ils offrent (contre leur gré) leur vie.

Sauf que pour on ne sait quelle raison je suis devenu Insuffleur à mes dix ans, alors que j'étais encore Destinataire ! Merci Dame nature...

Et depuis le temps que les Insus et Destis existent, ce n'est qu'en 2060 qu'ils l'ont découvert ! Grâce à une drôle de machine. Une sorte d'IRM, qui capte des ondes infimes. Ces ondes sont toutes uniques. Par leur fréquence, leur longueur d'onde, et les couleurs dont elles apparaissent à l'écran. La mienne est orange, s'émet toutes les minutes (d'où ma machine qui bipe toute les minutes) et à une longueur d'onde très élevée. Et elle est reliée à un inconnu. À ce fichu inconnu qui me vole ma vie.

Jamais je ne saurais qui il est. Sauf si le destin s'en mêle.

J'en suis à cette pensée, quand on frappe à ma porte. Une infirmière me dit que ma chambre va accueillir un nouveau patient. Ce nouveau arrive, allongé dans son lit.

Il s'appelle Juhin, il a quinze ans, et à son entrée, je me suis senti extrêmement bien.

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