Blandine venait de trouver l'ingrédient qui avait manqué à chacun de ses chefs d'œuvre auparavant : l'amour. La motivation que ce sentiment générait en elle aurait pu lui donner la volonté de cuisiner des milliers de gâteaux s'il le fallait. Heureusement elle n'en avait besoin que d'un seul mais son caractère perfectionniste ne l'aida pas. Il lui fallut trois longs jours et de nombreux essais infructueux pour enfin obtenir le résultat qu'elle désirait.
Elle sourit alors devant son œuvre : une belle tarte au citron brillante avec une crème chantilly légère et bien crémeuse.
Bien qu'elle méritait une pause après tant de labeur, Blandine ne put se résoudre à attendre une seconde de plus et se mit directement en route. Elle recouvrit soigneusement le gâteau d'un chiffon et ne prit même pas la peine de retirer ses vêtements tâchés de farine et de pâte.
Elle traversa Bonbourg d'un pas décidé, tenant son œuvre à bout de bras. Seulement, une fois à l'entrée de Belleville, elle se stoppa net en réalisant qu'elle n'avait pas la moindre idée d'où habitait Gaston.
Bien heureusement pour elle, Gaston était connu de tous dans le petit village. Un passant lui indiqua de prendre la gauche et de traverser un petit pont. Elle le remercia et partit en trombe, ne s'occupant même pas de connaître la suite de l'itinéraire.
Elle trouva facilement le pont en pierre et s'y aventura tête baissée, les yeux rivés sur son gâteau. Si bien qu'elle ne vit pas la charrette qui arrivait face à elle.
Un hennissement retentit et Blandine sursauta, laissant le gâteau glisser de ses mains. Elle le rattrapa juste à temps pour l'empêcher de tomber dans la rivière. La charrette passa à quelques centimètres d'elle, continuant son chemin, et Blandine soupira de soulagement. Puis elle se remit en marche.
Elle croisa le chemin de jeunes filles qui pouffèrent en la voyant arriver si mal habillée. Blandine, dans sa naïveté, ne le remarqua même pas et vint vers elles pour leur demander le chemin. Quand elles comprirent que la pauvre cherchait le fameux Gaston, elles échangèrent un regard. D'un commun accord, elles lui indiquèrent un petit chemin.
« Surtout ne déviez pas du chemin, peu importe les obstacles, ou vous risqueriez de vous perdre. »
Blandine suivit leur conseil et se dirigea vers le petit chemin tortueux sans entendre les rires derrière elle. Il était pourtant clair que les jeunes filles voulaient garder le beau Gaston pour elles seules.
La petite pâtissière manqua de tomber à plusieurs reprises dans le sillage terreux. Mais ce n'était pas grand-chose comparé à ce qui apparut en plein milieu du chemin.
Suivant à la lettre les instructions des jeunes filles, Blandine avança droit devant elle. Sans dévier, elle entama la traversée de l'immense étendue de boue qui se présentait à elle. Elle glissa et tomba sur les fesses, luttant pour tenir le gâteau hors d'atteinte de la terre visqueuse. À mi-chemin de la flaque de boue, elle commença même à s'enliser.
Elle se débattit sans grand succès sous les rires. Les filles venaient d'arriver par un autre chemin, plus long mais moins dangereux.
« Excusez-moi, déclara Blandine à leur attention. Vous voudriez bien m'aider ? Je crois que je suis coincée.
— C'est vraiment dommage ! répondit l'une d'entre elles. On peut lui apporter le gâteau à ta place si tu veux. De toute façon, ça m'étonnerait qu'il l'accepte si c'est toi qui l'apporte. Gaston n'aime pas les mochetés dans ton genre. Est-ce que tu t'es déjà regardée ?
VOUS LISEZ
Le gâteau parfait
RomanceLes rumeurs allaient bon train dans le petit village de Bonbourg où il se disait qu'une sorcière résidait. Jour et nuit, quiconque passait devant sa maison pouvait entendre des bruits étranges s'en échapper. Que pouvait-elle bien faire ? Personne...