Maintenant ~1

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C'est des fois quand l'on est dans notre pire état que les mots sortent le mieux.
Là, maintenant, je me dis que ma situation peut difficilement empirer. Alors je décide d'écrire ces mots qui me hantent et qui ont besoin d'être couchés noir sur blanc.
En face de moi, un mur blanc. Ces derniers jours, j'ai passé tant de temps à le regarder que je pense que je pourrais me visualiser chacune de ses imperfections les yeux fermés.
Car les imperfections, ça, ça me connaît! Je crois que mon être en est constitué. Tellement que je dois être l'icône de l'imperfection à moi seule.
J'ai passé ma vie à créer des défauts. Aussi bien à moi qu'aux autres. Ce que je croyais ne pas être parfait, je le transformais, à un tel point que cela devenait souvent un défaut encore plus grand qu'à l'origine.
C'est ce que j'ai fais à mon corps. Je voulais qu'il atteigne une perfection impossible.
Mais j'ai compris ce que je ne voulais pas comprendre.
La perfection est inateignable car elle aura toujours un défaut: celui de ne pas exister.
Quand on ne la trouve pas chez soit, on la cherche chez les autres. On se créer des idoles, des personnes que l'on admire, qui sont les reflets de nous même dont on a gommé ce qui ne nous plaisait pas.
Allongée sur ce lit, je sais que j'ai tellement tenté d'effacer tous ce qui ne me plaisait pas chez moi que je me suis effacée tout entière.
Je me sens faible et vide. Vide de volonté et d'énergie. Personne n'est là pour m'en donner. Je n'ai eu qu'une visite de ma famille ou ma mère  pleurait, en m'adressant de faux sourires et de faux espoirs pour me dire que je vais m'en sortir. M'en sortir de cette maladie comme ils l'appellent. Mais cette maladie, c'est moi. Ce n'est pas un virus ou une cellule dégénérente qui l'a déclenché. C'est mon dégoût de moi même, de mon corps.
  Ce matin, mon psy est venu me voir dans l'espoir vain que je me confie à lui. Il s'est assis en face de moi et m'a posé les questions d'usage ridicule du genre "Comment vas-tu?" qui dans mon cas sont encore plus absurbes puisque tous ce que je dégage montre que je vais au plus mal. Quand il me parle, ça sonne faux, on sent qu'il est comme en train de réciter une leçon qu'il a appris par coeur avant de venir. Il s'attend à que je sois sensible à des mots qui ne le touche même pas luimême. Alors je le laisse parler en regardant juste au dessus de ses yeux, de façon à ce qu'il croit que je l'écoute attentivement. En vérité, pendants ces moments, je divague avec des pensées qui n'ont ni queu ni tête. Mon psy n'est pas dupe, même si il souhaite que je guérirai un jour. Au fond de moi, je l'espère aussi, même si je ne veux pas le formuler directement car j'en ai marre de m'illusionner.
Je ne vois aucune issue au gouffre de mon anorexie.
Il m'a dit en partant d'essayer de méditer ce qu'il m'a dit, qu'il est sûr que si j'y crois, je m'en sortirai, même si ça devrait être long et difficile.
Je ne lui ai rien répondu car je ne ressens pas en moi cette force de me battre. Je n'ai plus rien. Je me demande d'ailleurs comment il est encore possible que je me réveille chaque matin alors que je sens ce vide en moi -teinté de la seule émotion que je peux encore ressentir: le désespoir- près à m'engloutir à chaque instant.
Et moi qui pensais tout contrôler... Ma vie est devenue comme une poignée de sable qui me glisse entre les doigts. Dans ma paume, il ne reste plus que quelques grains: mon anorexie et tout ce qui tourne autour.
Je ferme les yeux. Juste le temps d'essayer d'oublier ce qui m'arrive. Mais je ne peux pas, dès que je rouvre les yeux, tout m'éclate à la figure. Je n'ai aucune idée du temps qui s'écoule, je sais simplement que ça fait trois jours que je suis ici et que nous sommes en début d'après-midi. C'est mon psy qui me le dit lors de ses visites quotidiennes. Quand j'en parle, on dirait que ça fait une éternité que je suis là! Pourtant, on est jeudi, et c'est durant la nuit de lundi à mardi, alors que je descendais boire, que je me suis évanouie. Ce n'était pas la première fois que cela arrivait, mais jamais je ne le suis restée aussi longtemps sans me réveiller toute seule. Mes parents ont dû appeler les urgences, c'est ainsi que je me retrouve ici, avec mon anorexie éclatée au grand jour. Demain, je vais commencer à suivre une thérapie, et j'ai peur de ce que cela me réserve, j'ai peur que ça n'aboutisse pas, j'ai peur que ça empire... Pour moi, de simples paroles avec ma famille et un thérapeute ne pourront guérir ce mal qui s'enracine en moi depuis presque un an.
Des larmes coulent sur mes joues qui ont beau être creuses au premier regard sont en vérité énormes. Non...je dois arrêter de me dire ça... Je sais que je suis malade mais... Je me sens si grosse et si l'aide... Je me hais. Je hais ce que je suis et ce que je fais.
Voilà pourquoi je suis malade. Car mon corps me fait comprendre que je ferais mieux de disparaître, je n'ai rien à faire dans ce monde qui est trop bien pour moi. La preuve: mes amies et les membres de ma famille sont très heureux, leur seule source de malheur, c'est moi.
Comment font-ils pour éprouver autre chose envers moi que de la haine? Je suis incapable de le comprendre, ils sont trop bon pour moi...
Dans les toilettes à côté, il y'a une infirmière qui s'affaire à je ne sais trop quoi. Elle est là pour me surveiller, être sûre que je ne boive pas trop d'eau et mange ce qui est pour elle un minimum mais pour moi une masse énorme de calories qui me terrifie. Elle sait comment me faire mal, et je le mérite.
Mais j'aimerais tellement pouvoir boire ne serait-ce qu'un verre d'eau... Ca me purifie et détruit toute cette graisse dont je suis faite. J'ai besoin de bouger et d'évacuer toute cette masse graisseuse dont je suis faite. Mais allongée là, je ne peux rien faire, c'est atroce. J'ai l'impression que toute ma graisse remonte et m'alourdir.
J'ai envie de partir en courant, mais je je m'en sens pas la force. Je suis faible... Laide et faible...
C'est dingue que je puisse me sentir si mal alors que ces derniers temps je me sentais si bien. Ce qui embêtait bien mes "amies". Je me souviens encore de ce jour où j'ai été tellement en colère... Toute ma haine envers moi même s'était retournées contre elles...

Ma lutte contre moi-mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant