Maitenant ~5

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Je lisais sans vraiment lire un des magazines lorsque la porte s'ouvrit sur mon infirmière.

-Rebecca, ta camarade de chambre est arrivée.

Mon cœur s'accéléra. J'aurais voulu que le temps s'arrête pour que je me prépare à la voir.
Car j'avais peur de ce que j'allais voir. De qui j'allais voir. De lire dans ses yeux la même chose que ce que les miens exprimaient quand je me regardais dans un miroir. De voir dans son corps la même souffrance que la mienne.

La voix de mon infirmière fit taire mes angoisses:

-Tu peux entrer. Installe toi, je passerais te voir plus tard dans la journée.

Le temps que je pose mon magazine, la jeune fille est entrée.
Je lève les yeux.
Elle aussi.
Je la vois.
Elle me voit.

Moi qui voulait que le temps s'arrête, c'est chose faite.
Son corps... Peut on appeler ça un corps? Ces jambes sont si maigre que je me demande comment elle peut tenir dessus. Quand je regarde ses bras, j'ai l'impression que sa peau est aussi fine que du papier sur ses os.

Ma gorge se noue tellement que j'ai l'impression que je vais étouffer. J'ai l'impression de me voir dans un miroir... De me voir lors de ces cours instants quand je me postais devant la glace, où j'avais l'impression de voir un squelette, juste avant que mon reflet semble s'élargir jusqu'à ce qu'il redevienne celui d'une grosse.

Mon regard se porte alors sur son visage. Elle est si pâle... Ses joues sont creuses, ses cheveux châtains semblent capable de tomber d'un instant à l'autre.
Et ses yeux... Ancrés dans les miens, je vois son regard vide. Fade, comme si en perdant ses kilo, elle avait perdue son âme. Mes je vois d'un coup une lueur de haine s'allumer au fond de ses pupilles.
Je la reconnais cette haine. C'est celle que j'ai moi même adressée à toute les personnes qui me regardait d'un air scandalisé en me disant que j'étais trop maigre, que j'étais en danger. Cette haine que je dévouait à ceux qui me regardait avec dégoûts ou pitié en disant que je faisais n'importe quoi.

Je me rends compte que je fais la même chose que tous ces gens avec elle. Je la regarde de la même façon. Car elle me fait peur . Elle semble si fragile... Pas que son corps, tout son être. Tout en elle ne tiens qu'à un fil... Je sais ce que c'est. Je le vis à chaque instant.
Mais ce n'est pas qu'elle qui me fait peur. C'est le fait que je sois dans le même état qu'elle.
Que je souhaite depuis tous ce temps d'être maigre. D'être comme elle. Sans me rendre compte...

Tout en me crachant toute cette haine à travers ses yeux, elle va s'asseoir sur le lit qui a été installé pour elle le matin même, sans un mot.

La réalité me frappe, mais j'essaye encore de l'éviter.
Parce que ça fait presque un an maintenant que je tente de le convaincre que ce que je fais est bien.
Je me suis raccroche à cette volonté de maigrir, jusqu'à ne plus penser qu'à ça, je plus vivre que pour ça.
Je me demande alors que, si on m'enlevait cette volonté, ce seul fil directeur de ma vie qu'est mon anorexie, est ce que je ne perdrais pas le semblant de vie qu'il me restait?

*

Une heure s'était écoulée, et je n'osais pas parler à ... Je ne savais même pas son nom, en fait.
J'avais peur de ce qu'elle pourrait me dire. Car moi, lorsque j'étais arrivée ici, j'aurais été capable de dire les pires horreurs à quiconque m'adressait la parole, parce que j'avais honte que ma maladie soit officielle et qu'on me définisse comme "l'anorexique", comme pour réduire le peut d'identité qu'il me restait à néant.

Je tourne la tête et voit la fille dormir. Elle est dans un tel état qu'on dirait une morte.
L'horreur de la situation me frappe. Et dire que mes parents et ma soeur m'ont vu dans le même état...

Parce que tu crois que tu es maigre comme elle? Avoue que tu aimerais Reb n'est ce pas? Parce qu'au fond de toi tu sais que tu es toujours grosse... Toujours...

Je réfrène des larmes. Parce que cette voix qui me hantent depuis un an, je n'arrive pas à me convaincre que c'est une maladie. Pour moi, c'est simplement la voix de la vérité, celle qui dis ce que je pense vraiment...

Je n'arrive plus à faire la différence entre anorexie et pas anorexie. Je n'arrive d'ailleurs pas à totalement reconnaître que je suis malade.
A certains moments je le sais que je suis malade, que ce que je vis n'est pas normal, mais à d'autre, tout recommence et que retourne dans mon obsession de maigrir...
La lunatique de l'horreur.

-Tu va me regarder longtemps ou quoi?

Je sors de mes pensées, surprise à l'entente de la voix faible et pleine d'agressivité de la fille.
Mais elle ne me laisse pas le temps de répondre qu'elle enchaîne:

-Tu me trouves trop maigre c'est ça? Tu penses que je suis folle? Je te dégoûte ? Pas la peine de me dire que ce que je fais est mal et tout le tra la la je le sais déjà.

Ces mots me piquent au plus profonde de moi.
Parce que se sont exactement ceux que je suis capable de dire, ceux que je pense en voyant mon infirmière me regarder de la même façon chaque matin.

Mais voir cette fille ainsi me bouleverse dans mes certitudes. Je ne suis plus certaine que ce que je pensait est vrai maintenant...

-Je ne te le répéterais pas, on me l'a assez répéter à moi aussi. Tu ne me dégoutes pas, car selon moi, la plus dégoûtante ici, c'est moi.

Ces mots là, je suis certaine de les penser. Mais je ne sais pas dans quel sens...

La fille ne répond rien.

-Sinon, c'est quoi ton nom?

Elle me regarde suprise. Moi aussi d'ailleurs je le suis, ces mots m'ont échappés.

-T'a pas plus banal comme question pour engager une conversation débile? fit elle sarcastique.

-Tu vois, la banalité, j'ai pas trop connu ces derniers temps. J'ai envie de me sentir normale. Pas toi?

Je me surprends de plus en plus. J'ai l'impression que mes paroles ne sont pas les miennes, mais celle de quelqu'un qui dort en moi depuis longtemps.
Depuis un an.

-Même si tu t'en fiches, moi, c'est Rebecca. Comme ça, tu le sais.

Voyant qu'elle ne répondrait sûrement pas, je décide de continuer la lecture de mon magazine, bien que ça ne m'intéresse pas, la culture des algues en Pyrénées-Maritime m'aidait à oublier où j'étais.
Et ce que j'étais.

J'en étais à un passage ou Bernard Delrieu racontait les bien fait des algues pour la santé lorsqu'un souffle brisa le silence:

-Moi, c'est Angèle...

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Chalut chalut!
Voilà le nouveau chapitre posté! Spécial pour ton retour de l'internat ma Elo240 alias fan de banane xD
Breeeef, j'espère que mon histoire vous plaît toujours autant! Que pensez vous de tout de l'arrivée de Angèle et de son caractère? Y'a t'il des améliorations à faire dans l'écriture ou la façon de raconter? Ce n'est pas trop longuet et pénible à lire?

J'espère que ça vous aura plus, merci encore de vos votes et commentaires, je le dis pas assez mais même si vous êtes pas nombreux je m'en fiche car ce que vous me dites me touche vraiment et me motive à écrire comme jamais!
Bisous et bonne lecture ^^❤️

Ma lutte contre moi-mêmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant