Fall in love

Fall 1

I

AMBRE

Paris

- Dépêche Lila on va être en retard !

Aujourd'hui, c'est enfin le grand jour. Le résultat de nos cinq longues années d'études. Dans quelques heures nous serons officiellement diplômées en communication et à nous la belle vie...

Enfin, c'est ce que je croyais avant d'avoir envoyé une centaine de CV dans des agences de communication sur Paris. Seulement huit réponses, toutes négatives. Toujours le même motif : nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à notre entreprise. Malgré vos nombreuses qualités, vous ne disposez suffisamment d'expérience pour répondre à nos attentes. Et blablabla...

Si Lila n'avait pas été dans le même cas que moi, ça ferait longtemps que mon corps serait envahi d'énormes plaques de stress. Mais là, on était deux et nous avions la ferme intention d'unir nos forces pour rester dignes.

J'ai rencontré Lila en seconde lors de notre première année de lycée et nous ne nous sommes jamais séparées. Incertaine dans mes choix depuis l'enfance, elle a toujours été ma bouée de sauvetage, ma confidente, celle avec qui j'ai fait les traditionnelles bêtises d'ado. Elle était là pour mes premières fois : mes premières cigarettes, mes premières cuites et mes premiers chagrins d'amour. C'est donc tout naturellement que je l'ai suivie lorsqu'elle a exprimé le souhait d'intégrer une école de communication. Je ne savais pas quoi faire de ma vie et je ne voulais pas risquer de la perdre, il ne me restait qu'elle. Et Max. Mon beau-père qui ne m'avait pas abandonné après la mort de ma mère dans un accident de voiture lorsque j'avais 8 ans. Paniquée à l'idée de me retrouver dans un de ces établissements que j'avais vus à la télé, sa décision de m'adopter m'avait à la fois soulagée et touchée. A cette époque je le vénérais, c 'était mon héro, je l'appelais « papa ».

Mamie Jeanne, sa mère, s'occupait beaucoup de moi, elle trouvait toujours le mot qu'il fallait pour me faire rire et on passait des heures à cuisiner ensemble. Elle tenait sincèrement à me transmettre les secrets de ses recettes pour que je puisse le faire à mon tour, avec mes futurs enfants. Des enfants. On n'y était pas encore. Un jour. Peut-être.

Trois années plus tard mamie Jeanne partait, elle aussi. Suite à cette nouvelle tragédie Max avait littéralement flanché. Adolescente, je devais souvent m'occuper de lui. Les quelques verres qu'il avait l'habitude de boire s'étaient transformés en bouteilles. Il rentrait du travail avec cinq grammes d'alcool dans le sang - il tient un bar ultra branché dans le marais le « SAYEN » en référence à son héro de manga préféré. Il s'en voulait à chaque fois le lendemain et me disait que c'était la dernière fois. Mais il recommençait et me comblait de cadeaux pour se faire pardonner. Je lui en ai longtemps voulu mais il souffrait et c'était sa manière à lui d'oublier. Ces derniers mois, Max avait changé. Il cherchait régulièrement à me voir. Il passait chez moi s'assurer que je n'avais besoin de rien. Nous enchainions restaurants et cinéma. Notre complicité ressuscitait. Et ca faisait du bien. J'avais décidé de lui pardonner. Après tout, lui aussi avait vécu des moments difficiles. Il restait mon papa. Un papa qui ne m'avait pas abandonné. Un papa que j'avais tant aimé. Et un papa que j'aime toujours.

Partie dans mes pensées, je n'ai pas entendu mon téléphone vibrer.

Trois appels manqués, deux de Lila - j'aurais pu m'en douter - et un de Max. Je le rappellerai plus tard. A coup sûr, il va encore me proposer de travailler dans son bar. C'était plutôt sympa mais nous avions déjà eu de nombreuses discutions à propos de ça. Je ne souhaitais pas être embarqué dans la spirale du monde de la nuit, j'avais besoin de stabilité. Être entourée d'alcool, de gens bourrés et de tout autre chose malsaine chaque soir n'était donc pas la meilleure des idées. Je sortais assez souvent pour savoir comme ça se passait.