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Il

La grand-mère ne m'avait pas mentie, elle m'avait effectivement gavé de plats meilleurs les uns que les autres.

Quel délice pour mes papilles après mon morne quotidien de conserves aseptisées ! Ah que de régal....mais cela ne suffisait pas à contenter mon autre faim, plus vorace et plus sanglante.

J'observais la grand-mère à travers mes yeux mi-clos et affalé sur son canapé. Devait-elle vivre pour m'avoir nourri ou mourir pour son inconscience ?

Je méditais sur la question tandis qu'elle s'activait dans sa cuisine lorsqu'un aboiement résonna dans le couloir. Immédiatement je bondis du divan.

-Ah, te voilà de retour mon chéri ! déclara la grand-mère en se dirigeant vers la porte d'entrée.

Une voix d'homme lui répondit :

-Je te ramène ton chien. Le véto a vérifié, il a rien.

-Merci de l'avoir emmené, je m'inquiétais pour lui ! Je te dois combien ?

-Rien de tout maman, c'est pas grand chose, lui répondit il la voix en étant cette fois-ci chargée d'affection.

-Oh mon petit ! Je te rembourserai ça d'une façon ou d'une autre, tu verras. J'attrape mon sac et je suis prête à partir.

-Très bien, je vais démarrer la voiture.

J'entendis des bruits de pas s'éloigner puis la grand-mère se rapprocha de mon emplacement une horreur canine au bout de la laisse qu'elle tenait dans sa main droite. Cette dernière m'aperçut et glapit brusquement, accompagnant ce son disgracieux de bonds effrénés. Ses yeux fous et sa bave écumante me firent reculer, mes poils se hérissant face à cette menace.

-Ne t'inquiètes pas, je m'en vais seulement quelques heures. Je te laisse un peu de compagnie, termina t-elle en détachant la laisse.

Aussitôt le chien bondit dans ma direction. Un cri autoritaire de sa maîtresse l'immobilisant en pleine action. Elle le gronda furieusement pendant que je me repliais vers le jardin. Quelques instants plus tard la porte claqua, m'indiquant la disparition de la grand-mère. Comme libéré de ses chaînes, le canin s'élança à nouveau dans ma direction.

Je soufflais pour supporter cette odeur pestilentielle. Une seule idée me rasséréna, celle de mon choix de mort. La grand-mère allait vivre mais pas son chéri à quatre pattes.

Je le laissai s'approcher en dégainant mes griffes. Lorsque le chien fut à moins d'un mètre, j'ouvris sa gorge d'un geste. Je m'écartais de son chemin, évitant que le sang ne m'éclabousse. Je le contemplais de haut, notant que le mobilier de jardin était taché. J'espérai que la grand-mère ne m'en voudra pas trop.

De toute façon, il me restait quelques heures avant qu'elle ne revienne.

Le chien aurait le temps de souffrir.


La TraqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant