La Traque

XIV

John Corwin

A cet instant John aurait pu tout abandonner. Il aurait pu rentrer à son agence et attendre patiemment un nouveau client en comptant machinalement l'amont de factures impayées qui noyaient son bureau. Il aurait pu.

Mais cela aurait été sans compter sur son acquisition datant du matin même.

En effet, un téléphone ancré dans sa main, John suivait inlassablement la piste de sa cible.

Il avait eu le temps de coller sur sa nuque une minuscule pastille qui contenait une balise GPS, une de ses balises qu'affectionnait la C.I.A.

Ce genre de gadgets était quasiment introuvable en magasin et il fallait patienter plusieurs semaines avant d'un recevoir un après avoir commandé en ligne cependant la boutique qu'il avait visitée se spécialisait dans le stock d'introuvables justement.

Ce gadget lui avait coûté une petite fortune, malgré tout il les valait.

Le détective grogna lorsqu'il eût constaté que la pastille le conduisait dans le labyrinthe de venelles du Bronx.

La technologie lui épargnait d'avoir à arpenter les artères de la ville mais l'obligeait tout de même à fouiner dans chaque recoin.

De plus, ce genre de quartiers était régulièrement modifié sans que les autorités soit informées.

John appela donc un taxi et lui avait donné assez d'argent pour qu'il ne rechigne pas à suivre des indications imprécises ou contradictoires.

Après des tours, des détours et des retours à travers New-York, le taxi s'arrêta devant Central Park.

Le détective referma la portière du taxi avec le portefeuille plus léger. Cette enquête commençait à lui coûter cher.

Il porta son regard d'acier sur la frondaison et sentit l'adrénaline de la traque courir dans ses veines. Malgré les plus de trois cents hectares, le GPS ne serait pas assez précis et cela reposait désormais sur ses talents d'enquêteur.

Alors qu'il commença à arpenter l'étendue verdoyante, John ne pût s'empêcher de savourer le moment présent.

Il avait toujours préférer la traque, la lutte d'esprit à esprit qui l'accompagnait.

Certes l'esprit contre qui il luttait perpétrera ses meurtres si il ne l'arrêtait pas et sa fille comptait sur lui, mais cela ne faisait que rendre la chasse plus passionnante.

Il inspectait le sol depuis un quart d'heure déjà et guettait des traces dans les buissons lorsque un éclair roux fila face à lui. Aussitôt il se rua à sa suite, son esprit en alerte et enregistrant chaque détail l'entourant.

Sa cible bondit par dessus un buisson et bifurqua vers un sentier plus fréquenté. Le détective ne ralentit pas, se contentant d'esquiver l'obstacle.

L'autre traversa le chemin de terre, bouscula un promeneur à vélo et attira John plus profondément dans la forêt. Ce dernier dut brusquement freiner car il n'y avait plus aucune trace de sa cible de l'autre côté du chemin.

Alerte il observa les alentours. Un sapin proche était barré d'une trace de griffes et ses branches côtoyaient celle d'un noisetier voisin. Le détective leva les yeux et aperçut de nouveau sa proie. Serrant les dents, il n'essaya pas de grimper et le poursuivit depuis le sol.

Guidé par le roux qui contrastait violemment avec le feuillage printanier, il continua sa traque effrénée.

Soudain les deux adversaires arrivèrent près d'un des cours d'eau qui traversait Central Park.

Le détective comprit que l'autre cherchait à le perdre. Faisant fi des lois, il sortit son revolver et tira en l'air pour effrayer son opposant.

Ce dernier, inquiet, s'arrêta un seconde par réflexe. C'était assez.

John saisit cette opportunité et bondit à son tour dans l'arbre, s'agrippant à la branche la plus basse pour se hisser à la hauteur de sa cible.