La Traque

VIII

John Corwin

Sa source anonyme lui avait annoncé avoir reconnu sa cible d'après les affiches collées dans la rue et l'avait appelé aussitôt.

Cette source anonyme lui avait indiqué une adresse dans le Queen's où elle disait avoir vu son voisin lui fournir un refuge.

L'adresse indiquée était un de ces immeubles si cher à New-York c'est-à-dire vieux, délabré et couvert de graffitis. Sachant pertinemment que son temps était compté, John cogna contre la porte de la conciergerie en priant intérieurement pour que le concierge soit là. Après quelques minutes d'attente, il crocheta la porte et entra furtivement.

La moquette de l'appartement miteux était maculée d'hémoglobine, formant des marques noires au sol. Posant la main sur sa toute récente arme, il explora lentement le logement en étant constamment sur le qui-vive. Les traces de sang formaient des traînées conduisant à la véranda mais aucun cadavre n'était en vue.

John compléta son inspection en visitant la chambre et la cuisine cependant il ne trouva pas d'indice. Retournant donc à la véranda, il ouvrit cette dernière et inspecta le jardin. Seul des empreintes de pas prouvaient que quelqu'un était passé par là et le sang était encore humide sous ses doigts. Il huma ce dernier et en conclut que cela faisait à peine une heure que le forfait avait été commis.

Il rentra dans l'appartement tout en réfléchissant à la logique des évènements.

D'après les marques sur le sol, quelqu'un ou quelque chose de blessé avait été déposé devant la vitre. Des empreintes de pas en taille 38, que John devinait être celle de la concierge puisque les chaussures dans l'entrée correspondaient, avait traîné le corps jusqu'à la porte.

Le détective fronça les sourcils. Cela signifiait donc que soit la concierge avait effacé les traces derrière elle ce qui, au vue des circonstances, supposait qu'elle était peu soucieuse de la victime ou que cette dernière était morte; soit qu'un complice avait effacé les preuves les plus évidentes du crime. Mais pourquoi alors ne pas avoir aussi nettoyé l'intérieur ?

Soudain le détective entendit des bruits de clefs puis le grincement caractéristique d'une porte. Le lourd pas d'un homme résonna dans le couloir de l'appartement.

John se plaqua contre un mur et attendit que l'intrus s'avance. Ce dernier déboula dans le salon, un flingue à la main. Le détective sentis son sang se glacer dans ses veines.

Au moindre faux mouvement il se retrouverai à la morgue avec du plomb en plus dans la cervelle.

Silencieusement il passa derrière son adversaire, profitant de la moquette pour étouffer le bruit de ses pas. Il attrapa rapidement le revolver puis tordit le bras de l'intrus. Ce dernier rua et frappa le détective à l'entrejambe. Un hoquet de douleur échappa les lèvres de John mais il maintînt sa prise. Avec un grognement bestial son adversaire le fit basculer sur son dos puis le balança au sol.

Sonné, John ne réagit pas immédiatement et l'autre lui enserra la gorge de ses deux mains afin de l'étrangler. Suffocant le détective vit danser des taches noires au bord de sa vison lorsque soudainement il se rappela du revolver. Il rassembla ses dernières forces pour un ultime coup et lorsqu'il fut au bord de l'évanouissement, cogna violemment l'arrière du crâne de l'intrus. John sentit la masse qui pesait sur sa gorge s'affaiblir et donna un coup de pied dans le corps mou pour se dégager.

Encore un peu sonné, il se releva en s'appuyant sur le mur.

Bien que chancelant toujours sur ses deux jambes, ses réflexes de détectives prirent le dessus et après avoir trouvé une corde solide près du lave-linge, il attacha sa victime.

Il fit aussi l'aller-retour entre la cuisine et le salon afin de ramener deux chaises en vue du prochain interrogatoire.

Enfin, le détective déposa son paquet ficelé sur une d'entre elles et put s'asseoir sur l'autre tout en s'allumant une cigarette avec un soupir de bienheureux malgré ses muscles fourbus et ses bleus douloureux.

Il regarda sa montre puis fixa son attention sur l'homme évanoui qui lui faisait face.

Il ne lui restait plus qu'à attendre.