Chapitre 1 ~ Nox

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J'étais assise sur un fauteuil confortable. Les genoux amenés à mon menton, mon ordinateur sagement posé à mes pieds.

"Nox. Écoute moi..."

Je tournais le regard vers ma tante en secouant la tête de gauche à droite. Je refusais d'écouter ce qu'elle avait à me dire, car je savais ce qu'elle m'imposerait de faire. Elle prit place au pied de mon lit qui grinçait sous son poids.

"C'est juste une journée. Les filles seront heureuses de passer du temps avec toi."

Je me redressais, plongeais mon regard dans le sien et secoua de nouveau la tête.

"Ce n'est pas ça le problème mais... Oriana et Opaline sont fantastiques, bien sur, mais elles sont bruyantes et j'ai besoin de calme pour...

-Écrire ton bouquin ?" me coupa-t-elle en imitant ma voix d'un air hypocrite.

Et c'est partit...

J'aimais énormément ma tante et je compatissait avec elle: étant mère de deux petites terreurs et interne dans le même hôpital que ma mère avec des horaires pas très flexibles: elle n'avait pas la vie facile surtout avec son récent divorce mais elle m'en demandait toujours trop. Ce n'était jamais un plaisir de s'occuper de ses filles de 6 et 12 ans plus de deux fois par semaine. Elles étaient insupportables. La plus jeune réclamait toujours plus d'attention et cassait tout ce qui avait le malheur de trainer sur son passage et l'autre voulait toujours s'habiller comme moi, faire tout comme moi. Et puis, il y avait ma tante. Depuis qu'elle était tombé sur une page d'une histoire que j'entreprenais d'écrire, elle me rabâchait chaque jour que je ne serais jamais romancière.

"Parce que si tu crois vraiment pouvoir écrire un bouquin... dit-elle en se levant

-Non. Je voulais travailler. Enfin, faire un CV et me présenter un peu partout. Ce que je veux dire c'est que je ne pourrais pas garder Oriana et Opaline tout le temps, j'ai besoin d'un travail."

Ma tante me gratifia d'un regard lourd, j'entendais déjà son long discours qu'elle allait me sortir sur l'esprit de famille et l'égoïsme.

"Désolé, mais ce sera non. insistais-je

-Tu es égoïste. Moi aussi j'ai besoin de travailler mais je ne peut pas prendre un second travail. Quand ma famille a besoin d'aide, je me plie en quatre pour lui en offrir.

Elle essayait de me faire pitié, je connaissais bien ce regard.

"Pourquoi ne pas demander à quelqu'un d'autre ? proposais-je

-Pour payer une babysitteur incompétente ? Non merci."

Heureusement, avant que notre conversation ne dérape, ma mère débarqua. Elle sortait tout juste du travail et portait toujours sa blouse. Ses cheveux bruns détachés rapidement et sa grande silhouette se tenait toujours aussi droite. Son regard se posa sur sa sœur et elle fronça les sourcils.

"Bonjour Sandra. Eh... J'ignore ce qu'il se passe ici mais Nox... J'ai trouvé quelque chose qui pourrait t'intéresser."

Elle posa sur mon bureau le journal du jour puis elle se gratta le nez.

Il s'agissait de notre signe. Celui que nous utilisons quand nous voulons signaler un problème ou simplement demander si tout allait bien. À mon tour je me grattais le nez en regardant ma tante qui ne se doutait de rien. Ma mère devait comprendre qu'elle voulait me refiler ses filles une fois de plus, alors elle vient à mon secours.

"Il faut qu'on ai une conversation importante. Entre filles. Nox."

Je voyais qu'elle se pinçait la lèvre en se retenant de rire et je m'attendais au pire.
"Tu sais, maintenant que tu fréquente ce garçon là..."

Elle alla près de moi, posa ses mains douces sur mes épaules pour me pousser à m'asseoir sur le lit.

Je voyais où elle voulait en venir.

En effet, ma tante détestait ce genre de conversations gênantes. Elle nous avait avoué un jour de ne jamais à avoir à faire cela avec ses filles. Elle allait donc vite repartir.

"Je ne me souviens plus de son prénom. Mais quel gentil gars." commença ma mère

J'ignorais de qui elle parlait, mais je rentrais dans son jeu.

"Oui...

-Et bien, maintenant qu'il passe ses nuits ici..."

Ma mère leva son regard vers sa sœur et d'un coup, leur ressemblance me frappa. Même si ma tante était plus vieille, elles avaient le même visage doux à regarder.
Ma mère hocha tristement la tête en regardant sa sœur qui avait un air ahuri face à cette révélation.

"En effet, j'ai surpris son petit ami trainer dans la salle de bain... Il était tôt... Et... En caleçon."

Je regardais ma mère avec un faux air de fille offensé d'entendre cette révélation, mais au fond, j'étais surprise de son imagination débordante.

Alors, je compris... Elle jouait le tout pour le tout. Peut être qu'en me faisant passer pour une de ces adolescentes qui tournent mal, ma tante me confira plus jamais ses filles.
Après tout, ce qu'elle cherchait était un modèle pour ses filles.
Alors j'acceptais ce mensonge en rajoutant des détails croustillants.

"Il s'est présenté tout de même. dis-je à l'égard de la tante qui n'osait rien dire.

-Bien sur ! Il a même fait le petit déjeuner. Il est revenu la nuit suivante, toujours par sa fenêtre. C'est devenu un rituel entre eux. Bon, bref. Je voulais juste lui dire de faire attention."

Elle se tourna vers moi, afin de sourire.

"Tu te protège hein ?"

Je faillis m'étrangler de rire.

"Bien sur. Bien sur...

-Tant mieux. Bon, si tu as besoin, tu peut me le dire, j'irais acheter ce qu'il faut... Avec toutes les vacheries qui trainent il faut être prudent."

Ma tante faillit perdre équilibre. Elle se racla la gorge et dit:

"Je crois que je vais y aller. Je... Je te tiendrais au courant si je trouve quelqu'un d'autre pour garder les filles, Nox."

Et elle partit en fermant la porte si rapidement que je n'eut pas le temps de la saluer.
Ma mère me regarda un long moment en riant silencieusement. Nous finissons alors par éclater de rire sur mon lit une fois persuadées que sa voiture avait quittée notre allée.

Ma mère se leva en ressuyant des larmes dans le coin de ses yeux tout en hoquetant de rire.

"Ah... Un jour je t'apprendrais à mentir comme une championne. C'est difficile de se débarrasser de ce genre de personnes. dit-elle

-Maintenant, elle doit me voir comme...

-Une fille qui fait sa crise d'adolescence ? Oui, sans doute ! Mais au moins, tu n'aura plus à supporter ses filles."

Je souris en hochant énergiquement la tête.

"Enfin..."

Ma mère alla prendre le journal qu'elle avait laissé sur le bureau en souriant.

"Bon, plus sérieusement, j'ai trouvé des petites annonces pour travailler le week-end. Tâche d'y jeter un coup d'œil.

-Bien sur. Merci..."

Elle s'apprêta à partir quand elle se retourna.

"Et... Je vais mettre les choses au clair: aucun garçon ne passe par la fenêtre ici -ou même par la porte-, sans que je sois à quelques mètres et que je le connaisse.

-T'inquiète pas. Je ne suis pas comme ça.

-À ramener des garçons en cachette ? J'espère..."

Et pourtant, j'allais la surprendre (moi par la même occasion)

Alek & NoxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant