Chapitre treize ; Septième jour.

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Il était parti. Encore. Marley avait tenté de le rattraper pour qu'ils s'expliquent mais elle n'avait jamais eu l'occasion d'en placer une. Harry continuait de dire qu'il avait mal et qu'elle s'était bien foutue de sa gueule. La blonde courrait à présent derrière lui, ayant du mal à respirer à cause du froid. Mais même lorsque sa respiration s'accéléra, il n'arrêta pas. Il n'arrêterait jamais. Pas tant qu'elle n'aurait pas compris. Et d'un ultime souffle, elle lui demanda :

- Explique-moi.

Deux mots qui le stoppèrent net. Expliquer quoi ? Ce qu'était l'amour ? Ce sentiment si magnifique lorsqu'il est partagé ? Ce sentiment de joie intense qui s'éprend de son c½ur à chaque fois qu'il se trouve avec l'être aimé ? Ou alors, la partie plus sombre que l'on évoque rarement publiquement. Cette douleur. Intense. Invivable qui nous détruit jusqu'au plus profond de nous-mêmes, qui nous aspire chaque joie que la personne chérie avait réussi à mettre dans notre coeur. Et puis, il y avait ce manque. Insupportable. Cette absence qu'aucun mot ne pouvait qualifier. C'était ça qu'il était censé lui expliquer ? Parce que Marley ne connaissait finalement rien des choses de l'amour.

- Explique-moi pourquoi tu ne me laisses pas parler ? Pourquoi tu me fuis ? Pourquoi tu as réagit ainsi avec tes cousins ? Pourquoi tu n'étais pas content de me voir chez toi ? Pourquoi tu m'as défendu de mon propre jugement vis-à-vis de ta grand-mère et pourquoi est-ce que tu m'as abandonné aussi lâchement ? Parce que c'est ce que t'es Harry : Un lâche. Oui, un homme qui se tire dès qu'il en a l'occasion, lorsqu'il est approché de trop près et qu'il a peur.

Le chanteur ne bougeait pas. Il entendait chacune de ses paroles, les analysait, les interprétait, les enregistrait sans parvenir à répondre. Que dire ? « Tu m'as abandonné » Qu'attendait-elle de lui ? « Un lâche » Et qu'était-il en mesure de dire sans trop se livrer « Un homme qui se tire dès qu'il en a l'occasion » mais finalement, la seule chose qui expliquait son comportement était « Peur ». Elle venait de pointer la vérité du doigt sans vraiment s'en rendre compte. Alors, Marley continua sa tirade, plus désespérée que jamais :

- Dis-moi ce que tu attends de moi... Elle cria  au bon milieu de la rue : Dis-moi ce que tu attends de moi !

Mais il lui tourna le dos et entama le début de sa descente aux Enfers...

***

Harry avait bu. Toute la nuit, il était passé de pub en pub à la recherche d'un barman assez fou pour lui servir de l'alcool malgré son état d'ébriété. Et pour cela, il avait une excuse idéale : La fille que j'aime m'a laissé tomber ce soir. Alors, le bouclé avait rejoint le banc des célibataires largués le jour d'une fête, à côté de celui des hommes qui ont trompé leur femme et non-loin de ces pères alcooliques qui avaient prétendus être en réunion, ce soir. Le châtain avait trouvé refuge à Liverpool dans un bar qui hébergeait exceptionnellement quelques personnes ayant trop bu pour prendre la route, comme c'était visiblement le cas du jeune homme. Sauf que lui avait dans l'intention de rentrer à Holmes Chapel. Dans la nuit. A quatre heures. Malgré ses deux degrés d'alcool dans le sang. C'était de la folie. C'était l'amour. Les deux premières bières furent bues en l'honneur de sa mère qui s'inquiétait toujours autant pour lui. La troisième fût pour sa grand-mère qui semblait avoir accepté Marley – à l'inverse de sa mère, visiblement. La quatrième, la cinquième et la sixième furent pour ses cousins qui avaient tout gâché, ce soir. Et enfin, les huit whisky-cola qu'il s'était enfilés étaient pour sa vie. Aussi déprimante et désespérante, soit-elle. C'était pour la blonde qui l'avait laissé au moment où il avait le plus besoin d'elle. C'était pour leur voyage en France qui lui laissait une saveur amère dans la bouche. C'était pour cette nuit à Paris où il avait embrassé ses lèvres avec violence et qu'il avait senti le venin de la belle s'immiscer dans ses veines. C'était pour ses caresses, maladroites et assurées, qu'elle lui avait donné. C'était pour lui.  Lui et sa vie merdique. Lui et son incapacité à avancer dans la vie. Lui et son côté lunatique. Lui et sa solitude qui le bouffait, ce soir. Et au milieu du bar, il avait craqué. Complètement. Pour une fille. Pour la fille. Marley. Ses grands yeux gris, ses longs cheveux blonds, sa frange jamais bien coiffée, sa bouche si bien dessinée, ses grains de beauté dans le cou, son accent écossais, ses mains suaves, son coeur blessé qu'il avait réussi à briser. Le barman c'était rendu vers lui pour retirer son verre. Il ne retrouverait pas la femme qu'il aime au fond de l'alcool. Il l'avait emmené hors du local et lui avait demandé de prendre l'air quelques minutes. Harry lui obéit sans vraiment savoir pourquoi. Il ne se sentait pas mieux ici. Il avait seulement froid en plus du reste. Il voyait le visage de Marley de partout où il posait son regard. Même entre ses mains qu'il avait déposées devant ses yeux. Il n'en pouvait plus. Il était à bout. Il ne se comprenait plus. Elle était venue. Marley avait fait le premier pas et il gâchait tout à cause des blagues de ses cousins. Il y était habitué pourtant, à ces plaisanteries de mauvais genre, mais pourquoi, tout d'un coup, cela le détruisait ? Pourquoi, à l'entente de leurs mots, il avait cru perdre Marley ? Machinalement, le chanteur extirpa son cellulaire de la poche de son jeans. Il sourit bêtement fasse au cliché du couple qu'affichait son fond d'écran. Un couple. Harry et Marley. Pourquoi cela sonnait-il si faux, désormais ? Il réussit à entrer dans son répertoire et parcourut les numéros jusqu'à celui qu'il cherchait. Marley. Il ne la trouva pas au milieu des « M » et, un instant, il se maudit de ne pas l'avoir appris par c½ur. Quel idiot ! Comment pourrait-il la joindre, maintenant ?

Mend your heart.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant