Chapitre 4

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A cet instant, l'univers s'arrêta. Le village, les passants, les magasins, le ciel, les étoiles, la galaxie, les légendes, les danseurs, n'existaient plus. La foudre, bien que le temps se soit calmé, frappa juste devant l'entrée de la grotte. Des flocons apparurent, instantanément liquéfiés par un soleil brûlant, qui disparu rapidement pour se cacher derrière un grossier nuage. Les saisons se mélangeaient et se battaient en duel mais nos héros n'en avaient cure. Il n'y avait plus qu'eux deux. Connor et Petra. Ou plutôt, Petra et Connor, si on voulait être grammaticalement correct, et gentleman de surcroît. Le sens de la politesse ramena Connor sur la terre qu'il n'avait jamais quitté. La nuit reprit possession des lieux. Il se détacha à contre coeur des douces lèvres qu'il avait avidement saisi et contempla sa bien-aimée des yeux. 

Elle avait l'air complètement déboussolée. Son teint légèrement rosé, ses cheveux un peu ébouriffés et ses lèvres légèrement enflées témoignaient de sa gêne affective et de sa surprise. Mais ses yeux larmoyants et son souffle saccadé précurseurs d'une crise de larmes alarmèrent le jeune homme plus que tout.

- Dieu Petra, t'ais-je blessée ? s'écria-t-il en reculant, effrayé et honteux par ce qu'il venait de faire 

- Je te croyais mort...

Tout d'abord, Connor pensa qu'ils étaient observés depuis le début et qu'une tierce personne venait de rompre ce dialogue. Il se retourna plusieurs fois sur lui-même mais ne vit personne. Le murmure reprit, entrecoupé par des sanglots, plus fort cette fois. Il provenait de... Petra !? Les larmes ruisselaient à présent sur ses joues mais elle souriait légèrement, malgré les tremblements qui secouaient ses frêles épaules. Elle tendit une main et la posa délicatement sur la joue de Connor, qui éberlué, venait d'entendre pour la première fois la voix de la jeune fille. 

- Encore, demanda-t-il d'une voix rauque

- Je te croyais mort, répéta-t-elle plus assurée 

- Mais... comment... ta voix ? 

- J'ai tellement de choses à t'expliquer Amour mais avant, embrasse moi encore une fois...

- Que dis-tu ? Pourquoi pensais-tu à ma... mort ? déglutit-il perdu

- Connor, s'il te plait... Fais-moi confiance, je te promets la vérité en échange. 

Connor ne se fit pas prier et ne chercha pas à comprendre. Il aurait ses explications en temps voulu. Elle l'avait appelé Amour... Elle parlait... Sa voix, claire et limpide, était telle qu'il se l'imaginait. Par quelle magie... ? Il la serra fort, ne remarquant pas, encore une fois, la lumière d'une pleine lune qui éclairait à présent la grotte toute entière. Cette fois, ce fut Petra qui le repoussa gentiment, ses iris brillant d'un sentiment nouveau. Elle lui prit la main et l'entraîna hors de la grotte. L'air n'était plus aussi frais que lorsque Connor était arrivé et la lune conférait des reflets irisés à la mer qui chantait pour les amoureux sa mélodie aquatique. Ils s'essayèrent au bord de l'eau et Petra planta son regard dans celui du jeune homme.

- Connor, crois-tu en la magie ? demanda-t-elle le plus sérieusement au monde 

- Après le miracle que je viens de voir, je veux bien croire en tout ! se mit à rire doucement, tu parles ! Je ne pensais pas que cet handicap était réversible... 

- Il ne l'est pas, reprit Petra les yeux assombris par un voile mélancolique de souvenirs anciens, je ne suis pas née muette. On m'a privé de ma voix.  

- Comment est-ce possible ? s'exclama Connor 

- Mon peuple a été défait par un autre lors d'une bataille mythique. En guise de butin et de punition suprême, ils nous ont exilé et ont volé la voix de nos jeunes filles. Ils ont également privé nos guerriers de leurs valeureux atouts et ainsi pris possession de nos terres et de nos biens. 

Connor ne sut comment réagir à cette déclaration. Devait-il exploser de rire, fuir à toute vitesse de cet endroit ou au contraire croire au discours de son interlocutrice ? Il laissa le doute s'installer entre eux et se perdit dans ses réflexions. Tout cette histoire était grotesque. Depuis le départ, il ne s'était laissé guidé que par ses émotions à l'égard d'une inconnue, avait fui de chez lui pour la retrouver et l'embrassait comme s'il la connaissait depuis toujours. Depuis toujours... Ce lien qui semblait les unir n'était sûrement que le fruit de son fantasme. Il ferait mieux de potasser ses examens comme toute personne ordinaire et censée, au lieu d'écouter des histoires à dormir debout au beau milieu de la nuit. 

Mais voilà, Connor McFlynn n'était pas une personne ordinaire. Et encore moins quelqu'un de censé. Connor McFlynn était un Irlandais de pure souche, un Celte. Il avait été bercé par ces légendes sur le petit peuple et vivait avec les mythes de son pays dans la peau. Alors, il prit la décision d'écouter ce que cette jeune femme avait à lui dire. Que ce ne soit qu'un tissu de mensonges ou une éclatante vérité, il l'écouterait jusqu'au bout, honorant par cet humble geste la tradition celte, qui veut que lorsqu'un voyageur parle et ce, même jusqu'au bout de la nuit, l'hôte l'accueille et l'écoute jusqu'au bout de la nuit s'il le faut. 



Les HéritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant