A tire-d'aile (complet)

Chapitre 1

« 30 Août 2012,

   Cela fait deux ans aujourd’hui. Une sorte d’anniversaire macabre. Deux années qui sont passées très vite mais qui en même temps m’ont paru une éternité ! Ce jour me hantera toute ma vie.

   Je me repasse cette journée encore et encore, heure après heure, minute après minute, en espérant trouver un indice, un signe … Quelque chose qui me permettrait enfin de comprendre. A 17h30, je venais de rentrer du collège, quand on sonna à la porte. L’inspecteur Davis se tenait là, sur mon perron, le visage sévère. Je sus immédiatement qu’il y avait un problème.

   On avait retrouvé la vieille Ford de mes parents, dans le lac à une trentaine de kilomètres de notre maison. Un vieux pêcheur l’avait signalé à la police, il repartait chez lui lorsqu’il l’avait aperçue. Mon père serait mort sur le coup, sans souffrance selon lui. Le corps de ma mère, quant à lui, n’a jamais été retrouvé. Au bout d’une semaine, les autorités décidèrent d’arrêter les recherches ; ma mère était officiellement disparue. Du coup, je dus mettre en terre deux cercueils dont l’un complètement vide.

   Les circonstances de l’accident restèrent inexpliquées … »

 

    Elisabeth revint sur le titre de son article et tapa rageusement :

« 30 Août 2010 : le jour où ma vie bascula »

    Enfin satisfaite, elle le mit en ligne sur son blog et referma son ordinateur. Ce blog, elle l’avait commencé il y avait maintenant un mois. Une idée de sa psychologue, Stacy. Selon elle, exprimer ses sentiments serait la clé magique qui lui permettrait de tout arranger. Autant d’optimisme la rendait perplexe, mais bon si ça pouvait rassurer son entourage sur sa santé mentale alors pourquoi ne pas jouer le jeu. Faire des choses normales pour redevenir une adolescente normale, l’idée paraissait séduisante.

    A 17 ans, Elisabeth allait pour la première fois mettre les pieds dans un lycée. Après l’accident, elle avait dû déménager chez sa grand-mère, à Lake’s Birds, une petite bourgade de l’Idaho. Jusque là sa grand-mère, Betsie, lui avait permis d’étudier à domicile mais demain tout allait changer car elle avait décidé de reprendre sa vie en main. Résolution N°1 : avoir une vie sociale et pas seulement via les réseaux sociaux si nombreux sur internet.

   La veille du jour J, elle alla prendre sa douche, puis vérifia pour la troisième fois que tout était à sa place dans son sac. Et finalement posa les vêtements qu’elle avait choisit de porter, soigneusement pliés sur le coin de sa commode. Après de nombreuses heures de réflexion, elle avait finalement opté pour une tenue simple, passe-partout, qui lui permettrait de se fondre dans la masse. Un jean slim bleu, qui selon la vendeuse mettrait ses longues jambes en valeur, un top noir avec des bretelles en dentelle et la vieille veste en jean de sa mère. Elle prépara également une paire de ballerines bleues marines, et compléta sa tenue par un collier pendant, relique de son ancienne vie, qui se résumait en une longue chaîne en argent avec un camée bleu. Elle se mit enfin au lit à 23h avec son ordinateur :

« Renouveau ?

   Peut-être suis-je folle d’espérer mieux ?! Je suis en bonne santé, j’ai de bonnes notes, une grand-mère aimante ; alors pourquoi vouloir plus ?

   Mais au fond de moi je sens un vide immense que rien n’arrive à combler. J’ai peur, bien sûr, d’ailleurs des milliers de papillons s’amusent à virevolter dans mon estomac ! Mais en même temps j’ai de l’espoir !