8.

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Qu’y avait-il de pire que d’être aimée d’un vampire ?

Avoir un de ces ignobles buveurs de sang allongé sur son canapé, occupé à débiter des fadaises ?

Oui, c’était pire.

Il allait être fou de rage quand le sort cesserait de faire effet. Qu’éprouverait-il en comprenant qu’il avait été forcé de tomber amoureux de la sorcière qui avait failli le tuer ?

Ravin ferma les yeux et baissa la tête pour laisser l’eau glisser sur son cou. La blessure n’était plus douloureuse,
mais elle était encore sensible — comme un souvenir de sa stupidité.

Elle avait déjà été mordue par un vampire avant la nuit précédente — bien des fois. Les romans avaient beau décrire cette expérience comme quelque chose de sensuel, c’était atrocement douloureux.

Mais c’était la première fois que le vampire qui l’avait mordue avait survécu plus de trente secondes à son geste. Ce n’était pas pour rien que les vampires appelaient le sang de sorcière « le cocktail de mort ».

Mais comment tuer un vampire immunisé contre son sang ? Il n’y avait qu’une solution : le coup de grâce. C’était bien plus charitable que de le laisser souffrir à cause d’un philtre d’amour.

Drake était-il aussi immunisé contre le sang des autres sorcières ? Mmm…

Ravin ne vivait à Minneapolis que depuis six mois. Elle n’avait pas rencontré d’autres sorcières — mais elle n’en avait pas non plus cherché. Comme les vampires, son espèce n’était qu’une minorité.

Un pieu ferait certainement l’affaire. Il suffisait de l’enfoncer entre deux côtes et de le tordre pour lui déchirer le cœur. Si elle l’abîmait suffisamment, le vampire mourrait.

Mais elle connaissait mal les phénix. Il avait réussi à renaître de ses cendres ? Cela paraissait incroyable. Pourrait-il survivre à un pieu dans le cœur ? Pourtant, d’après les cicatrices qu’elle avait aperçues dans son cou, il n’était pas encore complètement guéri.

Et cet idiot enamouré ne pensait qu’à s’excuser du mal qu’il lui avait fait… A quel point serait-il déloyal de le tuer en pleine déclaration d’amour ? De le laisser l’embrasser en cachant un pieu derrière son dos ?

Déloyal, mais efficace. Il ne verrait pas le coup venir.

Après tout, n’était-elle pas une chasseuse qui ne laissait jamais de répit à ses proies ?

Ravin se savonna les cheveux en se maudissant pour avoir laissé le vampire seul dans son salon pendant qu’elle se déshabillait. Il était encore dans son appartement… Qu’elle était stupide ! Heureusement, il y avait une dague, une barre de fer et une croix à pointe de sang dans la salle de bains. Ravin prenait la question de la sécurité très au sérieux. En fait, le cabinet de toilette contenait tout un arsenal de pieux et de revolvers.

Elle n’invitait personne chez elle à la légère, pas même ses proches. De toute manière, son travail lui interdisait d’avoir beaucoup d’amis. Après deux siècles d’existence, elle pouvait compter sur les doigts d’une main les gens en qui elle avait vraiment confiance.

Mais même eux ne restaient jamais seuls chez elle. Il y avait des tas de choses qu’ils auraient pu toucher et casser, des armes, des sorts de protection… Elle était réservée et n’avait pas envie que ça change. Elle n’entretenait pas de relations suivies et ne tombait pas amoureuse, parce qu’elle n’avait ni le temps ni la patience pour cela.

L’amour était fait pour les gens capables de se soucier des autres.

Elle secoua la tête sous le jet d’eau chaude et se retourna pour poser les mains sur le mur carrelé. Le shampooing parfumé à la noix de coco avait chassé l’affreuse odeur de la potion. Comme elle aurait aimé rester là toute la journée, sans penser à rien, sans communiquer avec le monde extérieur…

La Morsure De La PassionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant