Chapitre 2

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30 juillet 1892

Ce fut une nuit relativement calme. Le lit était très confortable et Célia ne se rendit même pas compte qu'elle était pourtant dans un train.

Vers six heures, elle se réveilla comme à son habitude. La jeune femme releva les stores et regarda à travers la fenêtre. Le jour venait juste de se lever, laissant une lumière bleutée sur le grand désert que le train traversait. Elle prit le temps de s'habiller et de se coiffer convenablement. Puis, elle mit une jolie jupe bleue, un chemisier écru et une veste en laine. Il ne faisait pas extrêmement chaud à ce moment. Enfin, Célia sortit de sa cabine.

Elle alla, dans un premier temps, vers celle de son père à l'arrière du train pour voir s'il était réveillé, mais l'entendit ronfler à travers la porte. Il faut dire qu'il était vraiment très tôt, or elle avait pris l'habitude de se lever avec les poules pour s'occuper de l'entreprise Campbell quand elle était encore à Londres.

Ne voulant pas déranger son repos, Célia fit marche arrière et avança à travers le long couloir désert. Elle se dirigea vers le restaurant pour y prendre son petit déjeuner. Il fallait pour cela qu'elle passe par un autre wagon. Passant devant l'une des chambres, elle entendit de drôle de bruits. Plus Célia s'en approchait et plus elle comprit qu'un couple était en train de forniquer à l'intérieur. Visiblement, la femme appréciait, car elle beuglait littéralement comme une truie.

Célia haussa les épaules, les déboires amoureux des autres clients ne la regardaient pas, bien qu'elle soit curieuse de connaître les propriétaires de cette cabine. Toutefois, les personnes l'ayant louée devaient être très riches, car elle était visiblement très grande. Alexander avait la sienne juste à côté de la leur et Célia ne put s'empêcher de sourire quant à la réaction de ce dernier s'il venait à entendre les cris de la femme. C'était un homme tellement coincé.

Arrivée dans le wagon, elle ne rencontra que quelques serveurs. L'un d'eux vint à sa rencontre. C'était un bel indien à la peau mate qui devait être à peine plus âgée que Célia.

« Bonjour, Miss Campbell, avez-vous bien dormi ? demanda-t-il.

— Très bien merci. Puis-je prendre mon déjeuner ?

— Je suis désolée madame, mais le service commence à six heures trente. »

On entendit la femme dans le wagon d'à côté crier de plaisir. Le serveur rougit devant Célia qui s'en amusa.

« Cela ne fait rien, dit la jeune femme je vais patienter. Puis-je fumer en attendant ?

— Bien sur Madame », répondit le serveur en lui montrant une table avec son bras.

Célia se plaça sur la chaise et sortit son étui à cigare.

Les femmes qui fumaient étaient très mal vues, pourtant elle s'en moquait. C'était une femme d'affaire imposante et avait pris cette mauvaise habitude lors des négociations commerciales avec ses directeurs. Harold n'était pas friand de son nouveau péché mignon, mais étant également un grand amateur de tabac, il l'avait finalement laissé faire, contre l'avis d'Alexander qui voyait cela comme une ultime débauche.

Se dirigeant vers elle, le jeune serveur tendit à Célia un briquet et alluma son petit cubain. Elle tira une bouffée et se relaxa sur le siège confortable pendant quelques minutes.

De là où elle était, et à cause de l'agencement des wagons, elle ne pouvait pas apercevoir le couloir où le couple faisait l'amour. Pourtant, la curiosité malsaine de la jeune femme qui essayait de déterminer qui étaient les clients de cette cabine fut bientôt payante : elle vit arriver dans le restaurant, la belle Miss Lewis en chemise de nuit, l'air très satisfait imbriqué sur son visage agréable.

Tea & Coffee : Le Crime du Darjeeling-Express (livre I)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant