Chapitre IV

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Alison

La ville sous mes pas. La redécouvrir de nouveau. Deux gardes m'accompagnent à la demande de mon père. Il veut s'assurer que je ne sois pas importuner par des curieux ou des fans envahissants. Je n'ai pas vraiment compris sa requête, je ne suis personne. J'entends par là que je ne fais pas régulièrement la une des magasines, ni sur les réseaux sociaux. J'aime ce statut d'anonymat. Les feux des projecteurs, très peu pour moi. Courir dans les rues ensoleillées, respirer l'air salé, profiter de cette liberté. Un régal pur. Mes escortes respectives ont moins de la trentaine et une parfaite condition physique. Évidemment, ils ont de l'endurance et sont de bonnes compagnies. On court même sur la plage, et la banalité de cet instant me fait sourire comme jamais. Je me surprends à exercer le free running en leur présence, et je suis agréablement surprise quand le plus petit des deux têtes brunes, joue le jeu. Après quelques figures et quelques sauts, nous reprenons tranquillement le chemin de la maison. Larry nous attend dans la voiture, son journal et son thermos de café en guise de compagnie. Ses tempes grisonnantes et ses rides sont aussi rassurantes que son sourire, que je lui rend avec plaisir. Je suis partie à l'aube, évitant le défilé de petites culottes de mon frère et des membres de son groupe. Merci, mais non merci. Si Angus est un tombeur, je suppose que le autres doivent être pareil. Je me fais peut-être des idées, je ne les connais pas. Je suis partie avant que son groupe soit fondé. Alors, je les jugent peut-être un peu vite. Je connais Greg, par contre. Quand j'étais plus jeune, il était la seule personne de notre entourage qui me considérait comme Alison, et non pas comme «  la fille de  » ou «  la sœur de  ». Non, j'étais moi. Alison. La fille un peu timide et réservée, la fille avec ses kilos en trop et mal dans sa peau. Il me connaît moi. Et c'est peut-être pour ça qu'il fut mon premier véritable coup de cœur. Peut-être bien que j'en été amoureuse aussi. Il était tellement parfait, tellement normal, que je faisais tâche. Maintenant, il est encore plus beau que dans mes souvenirs, et je ne suis plus la même sur bien des points, tout en étant exactement pareille sur bien d'autres. Serai-je capable de passer ce cap  ? Liam m'avait offert mon premier baiser à mes treize ans. Et c'était horrible. Autant pour lui que pour moi. De vrais novices. On ne savait pas comment s'y prendre, maladroits et gauches. Il en a résulté un amas de salive et plus l'envie de recommencer. Je crois qu'on était légèrement écœuré par le french kiss par la suite. À l'époque, je voulais m'exercer pour Greg et Liam pour Cristal. Il en était fou amoureux avant de se rendre compte qu'elle ne le considérait pas du tout de la même manière. Cristal a toujours été attiré par des hommes, ceux de notre âge ne lui font ni chaud, ni froid. Je suis presque sûre qu'elle a fricoté avec mon frère, qui est, tout à fait son genre. Mon dieu on a tellement changé depuis. Cristal toujours aussi jolie mais complètement délurée, Liam un parfait tombeur, et moi moins sauvage et tellement rêveuse. J'étais la pessimiste de la bande. La vision de la vie toujours sombre et mon look gothique en était le parfait exemple. J'exécrai le monde parce que c'était de sa faute si je ne me sentais pas bien dans ma peau. Il m'avait fait naître et je le haïssais pour ça. Rien ne tournait rond dans ma tête et ça n'allait certainement pas s'arranger.

Tallahassee regorge d'endroits que j'affectionne, notamment le Lake Talquin. Ses sentiers, son côté sauvage avec ses alligators et ses écureuil et j'ai bien l'intention d'y aller très vite. Je m'y sentais bien à l'époque, j'espère que j'apprécierai tout autant. Parce que s'il faut savoir tourner la page, il faut parfois revenir sur ses pas pour affronter ses failles. La guérison passe par l'acceptation, et le passé est le plus difficile à assumer. J'étais partie éteinte, je reviens avec de la lumière à revendre. Le chemin a été long et douloureux, mais j'y suis arrivé. Et je compte garder cette envie et cette exaltation, en faire ma force. Nous sommes arrivés à destination. Je salue mes compagnons de jogging et les remercie. J'embrasse la joue de Larry, qui fait semblant de râler parce que je transpire.

Délictueux [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant