4. Wishes

57 15 4
                                        




Depuis qu'on a vu Ivy, on est là, dans le cimetière. Steve est assis sur une tombe et je fais les cents pas. Je commence à m'impatienter, j'ai l'impression que ça fait des siècles que je suis ici à attendre avec lui.

Son regard va et viens un peu partout dans l'endroit. Je ne l'ai jamais vu aussi excité, ça me fait presque tellement plaisir que j'arrive à en oublier que je suis là à me faire chier depuis si longtemps.

On attend qu'elle revienne, on s'est dit qu'elle finirait bien par revenir parce que n'importe qui serait retourné là s'il avait vécu un truc pareil, enfin c'est ce qu'on aurait fait, nous.

Épuisée du silence qui dure une éternité, je marche jusqu'à la hauteur de Steve et engage la conversation normalement.

-Je n'en reviens pas qu'elle nous ait entendu

-Moi non plus. Je pense que c'était mon vœu le plus cher. Je ris en entendant ces mots, retombant dans mes souvenirs, encore.

Les vœux, c'est ce qu'on fait depuis qu'on se connaît, demander à l'autre quels vœux il voudrait faire si il pouvait en faire un là, maintenant. C'est comme ça qu'on s'est rencontré, nos parents voulaient qu'on joue ensemble mais il était beaucoup trop timide et ne parlait pas.

Lorsqu'on devait aller l'un chez l'autre, on passait la plus part du temps en silence, un silence inconfortable, je n'étais pas timide, mais je ne savais pas quoi lui dire, a part lui parler du temps alors je lui ai posé cette question "-Si tu pouvais faire un vœu, là, maintenant, tu ferais quoi?" Et c'est à partir de cette simple question que tout a commencé.

Dès que l'un d'entre nous n'allait pas bien, on jouait aux vœux et il faut croire que la perspective d'avoir tout ce que l'on souhaitait nous rendait un peu plus heureux.

On ne souhaitait jamais la même chose, en fonction de nos humeurs, de la journée qui venait ou allait s'écouler nos vœux changeaient, mais depuis que je suis coincée ici avec lui, mon vœux n'a pas changé.

-Mon vœu le plus cher, là, maintenant, c'est de pouvoir retrouver les sensations que j'avais avant. Il me regarde en réfléchissant, il le faisait toujours lorsqu'on jouait à ça.

Il ne pouvait pas se contenter d'hocher la tête ou d'approuver, il réfléchissait toujours aux raisons qui ferait que mon vœux ne serait pas drôle, ou qu'il finirait par me rendre encore plus malheureuse si il se réalisait.

Il le faisait toujours, il réfléchissait.

J'agissais et il réfléchissait, j'étais le corps et il  était la tête, j'aurais dû voir plus tôt à quel point on était fait pour s'entendre, j'aurais aimé le voir plus tôt.

Peut-être que si je l'avais fait, on n'en serait pas là tous les deux.

-Oui mais c'est impossible, puisque tu es morte, alors que de la voir, c'est possible. Il finit par me répondre après de longue secondes de réflexion.

-Depuis quand un vœux doit absolument être réalisable ? C'est beaucoup plus drôle si ça ne l'est pas.

-Je ne suis pas d'accord, vouloir quelque chose qu'on sait qu'on aura jamais ce n'est vraiment pas une bonne idée.

-Tu as raison, mais imagine. Je lui donne toujours raison lorsqu'on s'emporte dans des avis différents tous les deux. Je n'aime pas qu'il me contredise et je préfère encore lui dire qu'il à raison plutôt que de l'écouter essayer de me faire changer d'avis. -Imagine ce que ce serait si on ressentait encore les choses, le vent qui souffle, le soleil qui chauffe. Je m'emporte dans mes envies, dans mes rêves alors qu'il coupe court à mes pensées.

-Imaginer que je ressente encore ces frissons partir de ma nuque jusqu'en bas de mon dos rien qu'en te voyant sourire? Je lève le regard, surprise. Tout en sentant mon cœur se briser lorsque je me rends compte que tout ça n'est que du vent, que tu ne t'intéresse, et ne t'intéresseras jamais à un gars comme moi? Non merci.

Il ne regarde plus le portail, ni le cimetière mais le sol. Ses yeux sont emplis de rage et sa tête est figée. Je pense que j'ai touché un point sensible en parlant de... ça.

C'est rare quand il s'emporte, rare quand il réagit comme ça, ça ne lui ressemble pas, ça me fait presque un peu peur de voir un regard dur remplacer le sien.

Il pense que c'est du vent, mais je n'aurais jamais pensé que tomber amoureuse de lui serait actuellement un de mes vœux les plus cher, et pourtant...

-un garçon comme toi? J'enlace mes doigts au siens, mais il ne le sens pas. Il est trop concentré sur ses pensées, sa rage envers moi, je suppose pour même regarder ce que je fais.

J'écoute sa respiration et attends qu'il me réponde, ce qu'il finit par faire, après avoir lâché l'emprise de ma main sur la sienne.

-Comme le voisin, celui qui n'est sorti qu'avec une fille ou deux, qui ne s'habillait pas chez Abercrombie ou autres marques à la mode, celui qui n'avait pas 14593 amis au lycée, celui qui avait moins de 100 j'aime sur sa photo de profil Il s'arrête, pour reprendre son souffle, mais finis par continuer lentement, réfléchissant à chaque mots avant de les prononcer. -Celui qui t'aimais, sans jamais oser te le dire de peur de te perdre, et qui pour a finir prit son courage à deux mains, pour... Enfin je ne vois pas pourquoi je me fatigue, tu connais la suite.

Je déglutis. Je déteste l'entendre parler de cette nuit-là, l'écouter sous-entendre que c'est de sa faute. C'est loin d'être de sa faute, c'est uniquement de la mienne, rien que de la mienne, si on est mort ce soir là.

Je ne peux pas le laisser penser qu'il est comme ça, le laisser se rabaisser si loin, le voir perdre toute confiance en lui, je ne peux même pas envisager qu'il pense que je le considère comme ça

- Je pensais plutôt à celui qui a pu me faire rire durant toutes ces années, Celui qui me consolait lorsque "tous les mecs sont des connards!", Celui qui ne m'a jamais jugé, Celui qui m'a permis de me rendre compte de mon erreur, même si il a fallu que la mort m'ouvre les yeux. Je marque une pause dans mes paroles, pour reprendre mon souffle à mon tour, mais Steve me coupe.

-Ton erreur? Il me fixe, le regard à la fois inquiet et intéressé par ce que je m'apprête à dire, oui, mon erreur.

-je n'aurais pas dû fuir. Je baisse les yeux, cherchant le courage pour la suite de ce que je vais lui dire. -Ce n'est pas de ta faute, c'est Il commence à parler, sans même me laisser m'expliquer mais je m'énerve.

-Laisses-moi finir, je t'en prie. Je pose ma main sur sa bouche et il se tait, décidé à m'écouter.

-Ce soir-là, je ne voulais pas de toi, tu ne m'intéressais pas, sois disant. J'avais tout faux. J'avais juste peur, je pense. Peur de m'engager dans une vraie relation, avec le risque de perdre mon meilleur ami, peur d'ouvrir les yeux, peur d'affronter la véritable personne que j'étais.

J'ai envie de pleurer tellement la situation est désolante, moi, m'excusant sur ce que j'ai fait étant vivante, je ne sais pas si j'ai envie de pleurer ou de rire, en fait, la situation est plutôt comique en fait, moi m'excusant alors que de toute façon je suis morte, et que de toute façon personne n'est la pour me pardonner.

Pourtant je continue à radoter et vide mon sac jusqu'au bout, sous son oreille attentive. - Je pense que je regrette de ne pas t'avoir embrassé ce soir-là, de ne pas t'avoir pris dans mes bras pour sentir nos cœurs battre en synchronisation. Au jour d'aujourd'hui, c'est ce que je veux le plus, je pense. Pouvoir revenir en arrière, non pas pour vivre à nouveau, mais pour sentir tes lèvres s'écraser sur les miennes, juste une seconde.

Il ne s'attendait pas  à mes aveux à en voir sa tête. J'ai l'impression qu'il veut parler mais aucun mot ne sort de sa bouche.

Je regrette peut-être un peu avoir été aussi direct mais il fallait que je lui dise, il fallait que je me vide, que je l'empêche de croire qu'il n'a aucune importance à mes yeux.

-WivineL

Beyond the life.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant