Une bataille acharnée entre Gorille et Malik éclate. Ce dernier lutte comme un barjo. Des voitures s'arrêtent pour admirer le spectacle et personne ne réagit. Des hommes s'arrêtent à l'écart et filment la scène. Je cherche l'humanité que j'ai vu ses derniers jours en Karim, en ces personnes. Rien. C'est répugnant !Quand ça ne touche pas notre dignité, l'ignorance prévaut sur l'intelligence.
La violence du geste a été d'une telle portée que j'ai sursauté. Gorille est à terre. J'ai rien vu venir. La détermination dans son regard répond à ma question. Comment peut-on en venir à frapper son frère ? Il aurait donné sa vie pour ce garçon et vice-versa. Aujourd'hui, il lève la main sur lui. Sa respiration s'intensifie. Un monstre. Tout simplement.
Il se présente à moi.
Pendant une semaine, tout mon être pourrissait à cause de lui. Je me suis enfermée avec la peur au ventre. Des cauchemars à la chaîne, un noctambulisme froissant, une humeur à fleur de peau à m'en rendre malade... tout ça à cause de son foutu retour. Je vois sa détresse mais ne voit-il donc pas le mien ?
Il porte sa main tremblante à sa nuque. Il se la malaxe. Il n'est plus maître de lui-même, c'est qu'une espèce de zombie. L'instabilité à l'état pur.
Il s'approche de moi en essayant de me toucher. Mes larmes sont devenues une force que je ne soupçonnais pas. Je lui fais face comme j'aurais dû faire en le voyant la première fois. Une gifle lui tombe dessus. Du tac au tac le Diable a pris le dessus sur lui... dans ses yeux c'est le mal absolu. Il lève la main au ciel pour me rendre mon coup en émettant un cri de rage avant de s'arrêter comme stopper par une prise de conscience. Je lui crève les yeux avec mon regard. Je n'en démords pas. Son regard à lui, n'est pas noir, non ! il est d'un rouge sang. Sa veine sur le front est de sortie. Il est effrayant.
- Rends pas fou Mia ! cri-t-il... Divorce et viens avec moi, tu le regretteras pas, dit-il d'un ton plus doux. ( il essaie de poser sa main sur ma joue mais s'en empêche ) On vivra bien tous les deux, par Allah, on sera bien ensemble... t...
Gorille est derrière lui et lui fait une clef de bras. Tout comme moi, ce qu'il est devenu lui échappe.
- Mia reste pas là ! Il y a un bus là, prends-le ! Mia ! casses-toi ! me hurle-t-il en toussant.
Son cri a raisonné dans ma tête. J'ai pressé le pas pour attraper le bus. Terrifiée, je jette un dernier coup d'œil à cette personne qui ne ressemble plus à rien. Le monde vient de s'écrouler sous mes pieds. Je le regarde crier sa rage à travers la vitre du bus. Du sang coule de son nez... mon cœur se compresse. J'épie la main qui a osé levé la main sur lui. En levant les yeux, tous les regards des passagers du bus sont posés sur moi. Je baisse la tête. On dépasse plusieurs stations. Mon esprit s'est arrêté dans l'altercation entre Malik, Gorille et moi. Je m'interroge intensément sur ce qui a pu lui arriver pour qu'il en arrive à s'en prendre à tout le monde.
La prison. J'en ai entendu parlé de diverses façons.
Certains « grands » du quartier étant passés par là s'en vantent. Il loue cet endroit comme si c'était un sanctuaire pour renaître de ses cendres. Ils se prennent pour des Phoenix. Les éloges ont fusé à gauche à droite jusqu'à entrer dans les oreilles des plus jeunes entre dix et seize ans. Ils ne veulent pas devenir des astronautes ou des fonctionnaires. Ils veulent se faire un nom dans le « milieu » ; À travers des grands, ils voient la réalité comme un film. Un film d'actions où ils baignent entre armes, drogues et nanas.
L'univers des guns et de l'héroïne, pour moi c'était un mythe, jusqu'au jour où j'ai vu de mes propres yeux, Saïd et Clément, deux anciennes « figures » connu de tous les habitants de la cité, comme étant des caïds, se faire arrêter. Ils « travaillaient » ensemble. Ils faisaient partis de la branche des Phoenix invincibles.