Chapitre 3

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J'essaie de me dégager. Il me laisse sortir du lit en me souriant de toutes ses dents. Ses yeux brillent. Cette lueur dans ses yeux me fout la frousse. Il sort à son tour du lit et me suit du regard. Je recule d'un pas. Il avance. Je recule une deuxième fois. Un troisième fois. Une quatrième fois. Ma tête cogne contre le placard. Un autre sourire se dessine. J'avale ma salive.

- Karim..

- T'en as pas marre de m'appeler ? demande-t-il à quelques centimètres de mon visage.

- Karim..

- Mia..

Je sens qu'il va le faire. J'ai peur. J'ai pas envie. Je veux pas. Ma main s'en prend à sa joue.. Un réflexe. Ses yeux s'écarquillent. Son regard change. Ses traits se plissent. Il est énervé.. je lui ai flanqué une gifle.. il..

Il sort de la chambre en trombe.

Je l'ai blessé.

Je suis assise sur le fauteuil du salon, toutes les lumières éteintes. Je me retrouve entre l'obscurité et la solitude. J'écoute les bruits ; j'écoute les pas des uns montant les escaliers de l'immeuble, des autres claquant la porte. Ça me permets de me vider la tête. Ressentir l'absence au plus profond de ma chair m'a toujours aidé à relativiser, et à ne pas commettre l'irréparable ; parfois, j'ai des envies noires qui me traversent l'esprit ; ça paraît bizarre d'aimer être seule avec ce genre d'idées qui défilent mais je suis un oxymore à moi toute seule. La seule personne qui me dissuade à faire n'importe quoi, juste en pensant à lui, c'est mon père. Je me demande à chaque fois ce qu'il deviendrait si j'en finis.

Le tic-tac qu'émet l'horloge m'irrite. Je ferme les yeux pour me concentrer sur le bruit de l'extérieur. Je suis à quelques étages en dessous des teneurs de murs. Le cliché des jeunes de banlieues.  Encore et toujours. Ras-le-bol de voir les mêmes choses circuler sur ce milieu, mais malheureusement, c'est ça. Ça change pas beaucoup. Ils discutent, non pillaient, plus justement. Leurs voix portent tellement que même un sourd peut les entendre.

Un moteur gronde. Une moto. Son maître le fait grincer d'une manière, qu'il doit en souffrir, le pauvre. Cette manière de faire fonctionner une moto me rappelle Malik. Il avait l'habitude de faire hurler son engin à lui en tordre le moteur. Il n'avait aucun scrupule. C'est une manière comme une autre de s'amuser disait-il. Mais l'amusement peut très vite finir en enterrement. Il oubliait Mamad et tous les autres morts à cause de leur amusement.

Encore une fois je pense à lui. C'est un poison.

C'est fou comme une odeur, une musique, un endroit, un déjà-vu peut rappeler une personne. Qu'il ait été bon ou mauvais, c'est inévitable.. quand les sens s'activent, les souvenirs font surface.

Je souhaite me débarrasser de ces moments. Vraiment, si je pouvais ne serait-ce que choisir la partie de mon cerveau possédant ses souvenirs et le brûler, je le ferais sans hésiter. Il m'empoisonne la vie depuis trop longtemps.

Karim, qui rentre toujours avant moi, n'est pas là. Depuis la scène d'il y a maintenant une semaine, il ne m'envoie pas de messages, il me parle à peine, il rentre tard. Mon comportement envers lui me répugne.  Il a pris tout le packaging ; la femme et la conne de service qui n'en fait qu'à sa tête. Il s'est pas marié pour devenir mon souffre-douleur. Il faut que je le comprenne ça ! Je suis sa femme et il a des droits, que je ne lui octrois pas. J'ai honte.. j'ai honte de moi même. Il subit son propre mariage..

Mon téléphone sonne.

- Allô. 

- Mia ?

- Ouais.

- Arrête d'être froide avec moi.

- Pour une fois que j'ai rien fais, tu commences..

Malik : ScarificationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant