Une visite prématurée

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Autour de moi, tout le monde dort malgré l'odeur nauséabonde de la peur. Je voudrais faire de même, et réussir à récupérer l'énergie inutilement perdue, mais ma conscience m'en empêche. Mon esprit est à l'affut du moindre mouvement dans la pièce et mes yeux en parcourent chaque centimètre carré avec une vitesse infatigable.

Ma vision se floue, je ne vois plus que des ombres sur le sol. Je ne veux pas fermer les yeux, je ne veux plus plonger dans mon être, je ne veux pas me souvenir... Avec ces images revient un sentiment de culpabilité, d'incompréhension. Je ne peux plus faire comme avant et m'enfuir dans mes rêves, ils sont maintenant remplis de ce que j'ai vu dans cette pièce.

Pendant longtemps j'arrive à  rester éveillé mais mes paupières se font lourdes de reproches et ma tête leur ordonne de tomber. Ce que je vois finis par disparaitre dans le néant. À peine mes yeux se sont-ils fermées que j'entends des petits cris, certains d'apeurement, d'autres de surprise.

Mais ce n'est pas ça qui me fait rouvrir les yeux, non, c'est l'effluve d'arrogance qui me brûle les narines. Je me recroqueville un peu plus sur moi même, serrant fort mes jambes contre ma poitrine. Deux hommes fouillent la pièce du regard.

Comme les cris dans la cellule continuent, un des deux hommes sort quelque chose de sa poche et tire sur la personne la plus près  de lui. Son corps s'effondre comme une masse morte. Tout le monde se tait. Satisfait de sa belle entrée, le tireur annonce avec un rire noir:

- Le premier qui la rouvre, il se réveillera avec une irrésistible envie de mourir.

Cette envie, nous la connaissons tous. Ces gens utilisent un sédatif mélangé à un produit qui, en plus de modifier notre perception visuelle, entraine d'épouvantables migraines. En se réveillant d'une crise, la douleur est telle que tout les moyens pour y mettre un terme sont préférables. Plus d'un avait périt à cause de cette substance.

Le tireur chuchote quelques mots à son collègue et enjambe tout le monde jusqu'à arriver vers... MOI! Sous le regard ébahit des autres prisonniers (ainsi que du mien) les deux hommes me tirent et m'entraînent en enfer.

Non, ne me ramenez pas là-bas, pas toute suite ! Laissez moi le temps de guérir, comme toutes les autres fois ! Emmenez quelqu'un d'autre. Beaucoup de personnes n'y sont plus allées depuis des jours... Ces mots ne franchissent pas mes lèvres mais mes gestes les traduisent. J'essaie tant bien que mal de leurs échapper. Mais ils arrivent à m'entrainer vers leur "salle d'audience". Pourquoi est-ce encore moi qu'ils emmènent si tôt ? Que vont-ils me faire subir?

J'obtiens vite ma réponse. Ils m'obligent à m'asseoir sur le tabouret qui n'a surement pas  aperçue d'autre personnes que moi pendant les dernières 24h. Juste en face de moi, la femme se lève et me dit avec son plus beau sourire :

- Quel plaisir de vous revoir, Tina May!

Des pensées qui meurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant