Le bon moment

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Se taire, se taire, se taire...Se fondre dans le décors, ne pas intervenir. Imaginer que l'on est incapable de tout ; d'utiliser des mots, de lire sur les visages, de penser...

Tout se mélange pour finir dans le néant. Tout est absurde, si absurde que ça en devient réel. Tout est flou, tout se dilate... Pourtant je vois, je comprend chaque détail. Tout es si clair maintenant, si limpide que ma raison me souffle de mettre un terme à l'absurde.

Attendre le bon moment. Faire comme si tout cela était nouveau pour moi. S'attendre à pire encore que les images qui hier me coupaient le souffle. Ne pas souffrir en voyant ces souvenirs douloureux. Comprendre que même si ma mémoire les a effacés, ils faisaient parti intégrante de ma personne.

Les images s'arrêtent. Je rouvre difficilement les yeux malgré la douleur lancinante dans mon crâne. Sentir la panique de certains que commence à poser mon silence face à ce qu'ils m'infligent.

La femme me regarde, plus curieuse que jamais, et me repose cette question, son attention redoublé par mon absence de réaction  :

- Savez-vous pourquoi vous êtes ici.

Mes yeux parcourent la pièce et se repose sur elle. Mes lèvres laissent passer un rictus mauvais et s'exprime avant même que je n'ai conscience de ce qu'elles disent.

- Je crois que vous le savez aussi bien que moi.

Elle s'approche, je ne la regarde pas. Je fixe le mur droit devant moi en écoutant le rythme fiévreux des battements de coeurs de ses deux acolytes à coté du fauteuil.

La femme saisi mon menton d'une de ses mains gantées et me force à la regarder. Elle a un sourcil levé et inspecte mon visage d'un air septique.

- Je ne répéterais pas ma question, dit-elle les dents serrées par l'exaspération.

Je me lève à mon tour et me retrouve à sa hauteur. Mes yeux plongent dans les siens. Ma main attrape son poignet caché par la longue manche qui le couvre et sa respiration s'accélère sous le coup de la peur qui commence à naitre en elle.

- Et moi je vous redirais ces mots autant de fois qu'il le faudra, lui dis-je en articulant chaque syllabe. Vous savez aussi bien que moi la raison de ma présence ici.

Elle se dégage vivement et me pousse vers le mur de béton. Le choc me coupe le souffle et je tombe à la renverse. Le temps que je reprenne mes esprits, la femme va chercher Léonard qui était jusqu'ici prostré dans un coin de la pièce, comme à son habitude.

- Le problème étant, commence-t-elle avec un sourire effrayant gravé sur le visage, que si vous ne me dites pas clairement ce que vous sous-entendez, vous ne vous relèverez jamais après cette journée.

Je vois le jeune homme secouer la tête et jeter un regard suppliant à celle que je considère maintenant comme son ancien bourreau. Je sens la panique envahir la pièce tandis que les deux hommes du fond se dirigent vers la sortie.

- J'avais d'abord opté pour une méthode plus adapté à votre résistance mais mes supérieurs m'ont expressément ordonné de ne prendre aucun risques qui vous dépossèderait de certaines capacités. Seulement, continue-t-elle sans quitter son sourire radieux en secouant la tête, vous ne me laissez pas le choix.

Elle se tourne vers Léonard qui inspecte chaque recoin de la pièce, cherchant un endroit où il pourrait se cacher ou sortir. Il dégage une étrange odeur d'angoisse et de culpabilité à la fois.

Quand elle le voit secouer la tête en lui jetant un regard suppliant elle l'attrape par le col et lui souffle quelque chose à l'oreille avant de lui donner un coup de poing dans le ventre qui le fait tomber à terre.

Mon regard va de l'un à l'autre. Lorsque Léonard relève la tête, les larmes aux yeux, je comprend. Il est trop tard pour retourner en arrière. Je me lève et veux me jeter sur la femme, mais une souffrance atroce dans ma jambes droite m'arrache un hurlement de douleur. Cette douleur se propage dans tout le bas de mon corps et je m'écroule sur le sol.

Mon souffle tremble convulsé par les élans de brûlures que me provoquent ce supplice. J'essaie de stopper les sons qui sortent de ma bouche mais mon souffle se coupe si j'y parviens. J'ai beau me rouler dans tous les sens, serrer mes jambes jusqu'à en broyer mes os, la douleur ne s'efface pas. Des larmes coulent sur mes joues déjà imbibées de transpiration.

- Stop, ordonne-t-elle.

La douleur s'arrêtent mais mes jambes tremblent tant mes muscles étaient crispées. J'essaie d'expirer d'un souffle stable mais mon corps se balance d'avant en arrière, victime du réflexe que sa souffrance a provoqué. J'essaie de reprendre mes esprits mais elle s'apprête à lever la main, signe d'une nouvelle crise intolérable pour mon organisme.

Je ravale ma salive et inspire en sentant les larmes qui coulent sur ma joue.

- J'ai tué mon père...

Elle sourit aux anges en entendant les mots qui sortent de ma bouche.

- Avouez Tina, que cette méthode vous convient beaucoup mieux. Amène la dans le bureau, dit-elle au jeune homme qui fermait les yeux, pour ne pas laisser sortir l'eau qui menaçait de couler sur son visage. Nous devons la lui présenter.

Elle se retourne et s'apprête à sortir mais elle s'arrête en entendant mon rire noir lorsque je me relève sans vraiment tenir sur mes jambes :

- Soyez prudente. J'ai baissé la garde, mais un incident ne se reproduit pas deux fois. Vous souffrirez tout autant que moi en lâchant vos dernier soupirs.

Des pensées qui meurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant