De la... pitié ?

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- Je vous en supplie, dis-je la voix noyée de larmes. Arrêtez...

Ma tête tourne. Je la revois, je les revois tous. J'ai une famille qui m'aime, que je fais souffrir. Il ne me prennent jamais dans leur bras, il ne me sourient jamais.

Non en fait je me trompe, ils me haïssent. Ils veulent m'abandonner, se débarrasser de moi, me laisser seule au fond d'une pièce avec cette femme.

Je ferme les yeux en me remémorant tout ça. Les muscles de mon visage se crispent et ma respiration est secouée de sanglots. Ma tête me fait horriblement mal. Tout ce qui m'entoure devient comme recouvert d'un film plastique qui atténuerait les sons à mes oreilles. Je n'entend plus rien à cause de la douleur que ce film provoque dans mes tympans.

Je pose la paume de mes mains sur mes yeux, tentant en vain de bloquer ces souvenirs. J'ai le visage complètement crispé et j'entend le sang qui bat dans mes veines. Je m'étrangle de chagrin tant ma gorge se noue. La douleur dans ma tête est insupportable.

J'arrive à décoller mes lèvres malgré la force que mettait ma conscience à les garder fermées et j'implore toutes les personnes présentes dans la pièce de mettre un terme à ce qui va littéralement faire exploser mon cerveau.

J'ai le visage baigné de larmes et je hurle tant la douleur et grande. Tout ce qu'ils m'avaient fait n'est rien comparé à ce que j'éprouve aujourd'hui. Ils ne me touchent pas et pourtant la douleur est multipliée au centuple. J'ai l'impression que quelque chose se glisse dans ma tête et m'oblige à voir ces images, à me rappeler d'elles et à devenir esclave de ma propre douleur.

Soudain quelqu'un s'exclame :

- Ne la touches pas, s'écrit la femme.

Tout cesse d'un coup dans mon esprit. Je rouvre mes yeux rougis et découvre Leonard qui se fait tirer vers l'arrière. La femme me jette un regard sévère et empoigne le jeune homme en le plaquant contre le mur.

- Es-tu devenu fou ou as-tu simplement perdu la raison. Il me semblait pourtant avoir été très clair : aucun contact physique, et surtout pas quand elle est dans cette état ! Maintenant je te félicite, lui dit-elle la voix emplie de rage, tu viens de mettre fin à une heure de travail. Je croyais pourtant que tu comprendrais la quantité d'énergie nécessaire à une session. J'espère pour toi qu'elle aura les réponses à nos questi...

- Madame, la coupe un des hommes qui m'a introduit ici.

Il me désigne d'un geste de la tête. Leur chef relâche Léonard d'un geste retenu et s'assoit. Léonard est blême, il a peur et souffre d'un mal que ses compères ne connaissent pas.

Ils sont tendus et c'est ma présence qui les rend nerveux. Mais Léonard n'est pas nerveux, il se masse les tempes et reste adossé à la surface lisse et froide. Je ne suis pas en état de faire une analyse approfondie, mes paupières sont lourdes et la résistance que j'exerce me fait souffrir, mais il semble peiner à rester debout.

La femme pose ses deux bras sur les accoudoirs et laisse sortir un long soupir de sa bouche.

- Ma question est la suivante, commence-t-elle en fronçant les sourcils, savez-vous pourquoi vous êtes ici .

Ces mots résonnent dans ma tête. Ceux-là même que l'on me pose depuis des jours, des mois ou même des années.

Ma réponse n'a pas changée et ne changera jamais. J'ouvre la bouche mais un sursaut me parcoure le corps et mon souffle se coupe. Je tente en vain d'inspirer mais le manque d'oxygène ajouté à ma migraine me fait voir l'issue d'une fin proche.

Je tombe de mon tabouret. Les deux hommes qui m'avait amené ici recule de frayeur, ils ont peur de ma proximité. Mais la femme, elle, ne bouge pas d'un poil.

- Léonard, dit-elle en enfilant des gants, dois-je te rappeler les termes de notre contrat ?

La femme me tire vers le mur du fond et m'y adosse. Elle contemple le fruit de ses maigres efforts en ma faveur et retourne satisfaite s'asseoir sur son fauteuil.

Le jeune homme semble sortir d'une transe et éprouve une grande tristesse en posant les yeux sur moi. Enfin, de la pitié. Je ne connais pas bien ce sentiment, mais mon esprit lui en est convaincu. Comme s'il connaissait déjà cette sensation ou qu'il l'avait déjà vu.

Ici, personne ne fait pitié à ces gens, et ce n'est pas aujourd'hui que cela commencera. Mais Léonard n'est pas comme eux. J'en suis sûre. Il a peur, mais une peur toute autre que celle des autres. Il a peur pour moi.

Des pensées qui meurentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant