Chapitre 6- Les Suédois et les Norvégiens

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«Hey salut! Bah qu'est-ce que tu fais là toute seule? me demande Hugo qui enlève un écouteur pour entendre ma réponse.

C'est vrai que je dois faire un peu pitié, assise toute seule à ma table. On dirait que je viens de me faire larguer par mon copain imaginaire.
Je réfléchie à un mensonge, puis finis par sortir:
-J'attends quelqu'un.
-Cool, je peux m'asseoir?»
Sans attendre de réponse, il tire la chaise en face de moi et s'asseoie. Il n'a même pas entendu ce que je viens de dire, ou peut-être qu'il s'en fout tout simplement.
Aussitôt Fabrice s'approche de nous, tel un chasseur de Pokémons qui aurait repéré un Mewtwo sauvage sur sa terrasse.
«Il te faut quelque chose jeune homme?
Pendant un instant, Hugo jette un coup d'oeil à ma boisson pour voir ce que j'ai pris. Ça a l'air de lui plaire puisqu'il commande la même chose.
-Un café s'il-vous-plaît.
-Ça marche.»
Fabrice repart avec sa serviette sur le bras, sifflant comme à son habitude.
Je l'observe partir. Il me fait un petit singne de la main comme pour dire "ok" et un mouvement de tête en direction d'Hugo.
Pas la peine d'en dire plus, j'ai compris. Fabrice le trouve top, et pense que c'est quelqu'un de bien pour moi. Il doit penser que nous sommes ensemble. Que c'est étrange de dire ça.
«Tu as l'air de venir souvent ici, dit
Hugo avec un petit sourire en coin.
-Fabrice nous fait le café à 1€. Et j'ai même le code de la wifi ici. C'est pas le paradis?»
Il sourit, attrape mon portable et observe attentivement son reflet. Il passe la main dans ses cheveux décoiffés, ses sourcils bruns froncés comme jamais, et le repose sur la table, apparemment satisfait de sa coiffure.
J'étouffe un petit rire et il n'a pas l'air de comprendre pourquoi je rigole.
«Tu fais tout le temps ça? je demande, curieuse.
-De quoi me recoiffer? Bien sûr, si je veux entretenir de si beaux cheveux, dit-il sûr de lui.
Mais quel gars narcissique !
-Mais j'aime bien tes cheveux comme ça, ils sont beaux aussi décoiffés.
-Oui je sais. C'est pour cela que je ne met pas de gel, et aussi pour ne pas les abîmer.
Ce gars a vraiment l'air d'énormément tenir à ses cheveux. C'est vrai qu'ils ont l'air doux.
Mais quand même je trouve qu'il exagère.
-Tu sais que t'es pas banal comme gars?
-Oui je sais. On me le dit souvent. Tu remarqueras que j'ai aussi un petit côté exotique, dit-il.
-C'est vrai que tu as la peau très typée, je remarque.
-Oui je sais.»
Ça a l'air d'être sa réponse préférée, ce "oui je sais". La vraie réponse d'un gars qui a une haute estime de lui et qui croit tout savoir. C'est fou, moi qui pensait tout connaître sur lui, j'étais à peine au début de mes surprises.

Je sors une cigarette de mon paquet et l'allume avec mon briquet. La fumée s'échappe par ma bouche tandis qu'Hugo prend un air répugné.
«Qu'est-ce qu'il se passe? je demande alors en voyant la tête qu'il fait.
-Rien. Seulement je ne savais pas que tu fumais.
Il a l'air contrarié de l'apprendre. Je me dépêche de finir ma clope et la jette par terre. À ce moment là seulement il pose les yeux sur moi, car il ne l'a pas fait du temps que je fumais.
Comme si la simple vu des gens qui fument lui était insupportable.
-Tu ne fume pas? je demande.
-Non. Je ne vois pas ce que ça apporte. D'ailleurs qu'est-ce que ça t'apporte, hein? Tes cheveux vont griser, tes ongles vont arrêter de pousser, tes dents vont jaunir, tes poumons vont noircir. Tout ce qui faisait de toi une belle femme sera détruit à jamais. Et tu vas mourir. Comme tout ces gens qui ont fumer avant toi. Tu mourras certainement du cancer, ou pire encore. As-tu déjà réfléchie à toutes les conséquences du tabac sur ton corps? Il va t'empêcher de faire du sport, te ralentir, jusqu'à ce que tu devienne accro. Et là il sera trop tard pour arrêter. Tu seras devenue une toxico, car oui le tabac est une drogue, même si on l'oublie parfois car elle est moins efficace que le cannabis, par exemple. Je ne suis pas comme tout ces gars qui révéraient de voir leur copine fumer. Moi je trouve ça ridicule. Si on aime vraiment une personne, alors on doit essayer de la protéger par tout les moyens. Et la faire arrêter de fumer en est un. En plus ça coûte vraiment cher, et je préfère m'acheter des kebabs plutôt que d'acheter cette merde.
-Les kebabs c'est pas ce qu'il y a de mieux non plus pour ton corps tu sais», je dis pour détendre l'atmosphère.
Je ne m'attendais pas à un tel discours venant de lui. Je ne savais pas qu'il détestais cela à ce point.
Je range le paquet et le briquet dans mon sac. Je ne veux pas qu'il recommence à s'énerver. J'ai compris qu'il n'aimait pas cela. Cela me donne même envie d'arrêter de fumer. Mais je sais que ça ne durera pas longtemps. Les vacances d'été, les terrasse de café, les soirées entre amis, le soleil. Tout cela me donne envie de fumer. On a un fumeur dans la famille, c'est mon père. Il fume depuis qu'il a mon âge et se porte encore plutôt bien, alors je ne vois pas pourquoi je devrais m'inquiéter.
Néanmoins je devrais arrêter de fumer devant Hugo, du moins jusqu'à ce que sa phobie lui passe.
Hugo reprend mon téléphone et recommence à se regarder dedans.
«On ne sait jamais à quel point on s'aime» me dit-il.
Il se lève et va régler Fabrice sans que je dise mot. Je prend les verres et les ramène sur le comptoir comme à mon habitude.
« Merci les tourtereaux »
Hugo et moi rigolons à sa blague, mais au fond je trouve ça touchant. Les gens pensent que nous sommes ensemble. C'est vrai que nous ferions un beau couple. Nous sommes grands tout les deux, nous aimons les mangas tout les deux...Attends, est-ce qu'il aime les mangas au fait? J'hésite à lui poser la question car il va me trouver bizarre. Je garde ma question dans un coin de ma tête pour plus tard. En attendant, j'ai autre chose à lui demander. Charlène. L'anniversaire.
Je ne sais vraiment pas comment aborder le sujet.
On marche en silence pendant les premières minutes ce qui est assez gênant. L'un de nous doit se décider à parler. Comme on dit, le silence pèse plus que les mots.

On longe maintenant une vieille école toute taguée. Sur la façade, un message est écrit: "T'es l'sang"
«C'est comme ça qu'ils se disent je t'aime, dans le Sud, je dis.
-Ils sont vraiment cons ces Suédois.

Je le regarde un moment, perplexe. Il n'a pas l'air de comprendre.
-Et dans le Nord, ce sont des Norvégiens? je demande.
-Hahaha, c'est bon j'ai compris, ça va il y a pas mort d'hommes.
-Si il y a mort d'hommes justement. Tu sors vraiment de ces conneries des fois. Que dirais-tu de venir à l'anniversaire d'une pote le mois prochain ?

J'ai lâché ça comme ça. Les mots m'ont manqués et je ne savais plus quoi dire. Trop tard. Mais je suis soulagée de l'avoir dit. Même s'il ne vient pas, je ne serais pas déçue car au moins j'aurais essayée.
-Ouai d'accord. Elle habite où ta pote?
-En fait c'est pas chez elle qu'on le fête. Mais je te donnerais l'adresse t'inquiète.
-Tiens prend mon numéro.»
Je note ce qu'il me dit, et nous reprenons la route en marchant.

Je ne sais pas pourquoi, mais cette journée du 10 octobre m'auras été très profitable...

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