«Bonjour à tous! s'exclame M.Teyssier en entrant dans la salle.
-Bonjour monsieur !
-Comme vous le savez, nous sommes à une semaine de la fin des cours, autrement dit nous n'avons pas une minute à perdre avec vos bavardages! Pas vrai Simon? (À moi) Oui, tu as quelque chose à me dire Mélanie ?
-Je dois aller voir M.Marvel.
-Bien, Anissa prendra les cours pour vous. À tout à l'heure.»
...
«Et qu'est-ce qu'il t'a dit? redemande Hugo avec une tête d'abruti.
-Qu'il essaierait de m'aider.
-Mais comment ?
Cela va bientôt faire dix minutes que j'explique à Hugo pourquoi Marvel voulait me voir dans son bureau. M.Marvel est l'assistant social du lycée où nous sommes. Je ne l'avais jamais vu, jusqu'à il y a trois jours. Seulement depuis, il demande à me voir tous les jours, pendant une heure afin de lui parler de mes problèmes. Je ne sais pas à quoi cela sert exactement, mais d'après l'infirmière qui me connait bien, cet homme pourrait m'être utile. Avant j'aimais bien parler de ma famille à l'infirmière du lycée, mais à mon plus grand regret, elle est partie en congé maternité la semaine dernière. Du coup, elle m'envoie voir M.Marvel histoire de "compenser".
-Mais j'en sais rien moi! Ce qui m'énerve le plus, c'est qu'il s'y prenne maintenant à seulement deux semaines du bac. À cause de lui je rate tout mes cours de français avec M.Teyssier!
-Tu l'aimes ce prof, pas vrai?
-Ouai, de fou.
-C'est parce qu'il est prof de français, c'est ça ? insiste-t-il.
-Ouai.
Hugo me regarde et me dévisage comme si j'étais venue d'un autre monde.
-Tu n'aurais pas un autre but dans la vie, un truc complètement dingue dont tu rêverais ?
-Si, il y en a bien un.
S'il s'attend à ce que je lui sorte la disquette de la famille unie, du chalet dans la montagne et des trois enfants, il se met le doigt dans l'œil le pauvre.
-Et qu'est-ce que c'est? demande-t-il avec curiosité.
-...me faire enfermer dans un grand magasin la nuit, genre Monop ou Auchan tu vois. Il faut vraiment que ce soit grand pour qu'il y ait pleins de choses à faire.
-Ah oui, bah là je peux rien faire pour toi, dit-il en faisant mine de parler à une folle.
-T'es pas drôle.
-Et toi, tu en demande trop.
-Tu as dit "truc complètement dingue" c'est bien ça? Et bah voici mon rêve.
-Je pensais plus à un truc facile à faire, genre un cinéma par exemple!
-Trop ringard.
-Bon d'accord, t'es pas normale comme fille.
-Pourquoi ça?
-Toutes les filles rêveraient d'aller au cinéma avec moi. Pas toi. Tu es super bizarre, un vrai mystère.
-Bravo! T'es un petit peu long à la détente par contre.
-Mais du coup tu serais pas vraiment "enfermée", puisque c'est toi qui rentrerais par effraction ?
-Plus ou moins, disons que je n'ai pas encore réfléchie à un plan.
-Tu risquerais la prison.
-Attention tu risquerais de me faire peur.
Hugo soupire longuement.
-Décidément tu es têtue!
-Et toi ton rêve ?
-Fonder une famille.
-Trop mignon. Et je veux un gros chien aussi.
-Hééé, moi aussi !
-...et un ours, et un lion, un DRAGON!!!
-Mélanie ? dit Hugo qui croit m'avoir perdue.
-Oui je suis là.
-On paye et on y va ?
-Allez.»
J'adore notre petit rituel avec Hugo. Dès qu'on sort de cours, on s'appelle et on se rejoint à un endroit. Ensuite, on part en quête d'une arène ou d'un bon café placé juste à côté d'un pokéstop. Et là, on attend. L'un de nous met un module leurre, et à nous les rondoudous!
«Je vais te faire un test, okay ? je dit tandis que nous marchons pour regagner le lycée.
-Un test? Test de quoi ? demande Hugo qui semble perplexe.
-Tu verras. Bon, concentre toi. Je vais te dire des phrases avec des objets dedans et tu vas essayer de visualiser ce que je te dis, d'accord ?
-Okay, acquiesce-t-il.
-Bon. Tu es dans le désert, okay ? Maintenant, imagines un cube. De quelle taille est-il ce cube ?
-Il est plutôt grand.
-Si tu devais le comparé à quelque chose qui fait à peu près la même taille, ce serait quoi ?
-Ça, dit-il en pointant son doigt vers l'immense cathédrale au-dessus de nous.
-Bien, maintenant, imagines-toi une échelle. Où est-elle par rapport au cube? Est-elle contre le cube? Au-dessus ?
-Contre le cube je dirais.
-Bien. Maintenant, imagine un cheval non loin du cube et de l'échelle. Ça va jusque là ? Okay. Est-ce qu'il porte quelque chose en particulier style selle, tapis, ou autre chose?
-Non, rien.
-Bien. Continuons.
Hugo fixe un point par terre. Son corps a beau être ici avec moi, son esprit lui est très loin, perdu dans le désert avec un cube, un cheval et une échelle...
-Maintenant, imagines des fleurs dans ton paysage. Il y en a beaucoup ?
-Pleins! Des tas de fleurs partout autour du cube! s'exclame-t-il.
-Hého du calme ! Tu peux me donner un chiffre à peu près ?
-Euh...je ne sais pas. Trente.
-Ouloulou..
-Qu'il y a-t-il ? interroge Hugo qui semble avoir vu ma détresse.
-Rien, tu verras.
Ayant déjà fait le test avant, j'interprète au fur et à mesure les résultats qu'il me donne. D'après mes analyses, cet individu n'est pas normal.
-Ces fleurs, sont-elles loin du cube?
-Nan, toutes proches. Je dirais même qu'elle touche le cube.
-Okaaayy. Bien. Soudain, une tempête se déclenche. Est-elle loin du cheval, du cube, ou encore des fleurs ?
-Nan, elle est juste à côté.
-Est-ce que tu as peur ?
Il semble hésité.
-Oui.
-Bien, c'est fini! Procédons maintenant à tes résultats.
-Ça a marché ?
-Carrément ! Ça a complètement marché sur toi. Alors, tu te souviens du cube ? Il représente la taille de ton égo. Autrement dit, le tien fait à peu près la taille de la cathédrale.
Hugo éclate de rire en se tordant le bide.
-Je t'avais dit que j'avais un égo énorme!
-Je te crois maintenant ! Ensuite, tu te souviens de l'échelle ? Tu as dit qu'elle était contre le cube, pas vrai ? Et bien cela signifie que tu es proche de tes amis.
-Bien sûr.
-Si elle avait été loin du cube, ça n'aurais pas marché.
-Et pas seulement de mes amis.
-On continue. Ah oui, le cheval. Tu as dit qu'il ne portait pas d'équipement, cela veut dire que tu es quelqu'un de libre, qui n'obéit à aucune règle !
-Évidemment! Je suis un sauvage, je te rappelle.
-Passons à la partie la plus comique.
-Les fleurs. Je savais bien qu'il y avait quelque chose de louche avec ces fleurs.
-En effet. Le nombre de fleurs correspond au nombre d'enfants que tu veux plus tard. Conclusion, tu vas te coltiner trente mômes zarbis qui vont pleurer dans tes bras et quand ils te diront "Papa, c'est qui ton préféré ??" toi tu diras, "C'est toi mon préféré fiston !". Espèce de gros faux-cul! Et puis tes gosses, tu les appelleras par des numéros tellement ils seront nombreux. Il y aura n°3, n°4...n°17! Et...Hugo?
Apparemment Hugo rigole tout seul sous la table.
-Aaaaaah mon dieu! Tu m'as tué!
-C'est pas fini! Tu as dit qu'elles étaient juste à côté du cube, ce qui veut dire que tu les veux maintenant !
-Haaaaaa noooon!
-Quoi, tu ne veux pas d'enfants ?
-Si, mais pas maintenant. Je veux attendre d'avoir un logement, un emploi, un femme. Surtout une femme. On n'est pas obligé de se marier. La plupart des mariages finissent tous en divorce, mais pas avec moi. Après je respecterais le choix de ma copine, si elle veut la bague au doigt, la robe blanche tout ça, je lui offrirais. Les enfants ça se décide ensemble. Personnellement, j'aimerais bien avoir un petit garçon et une petite fille.
Moi aussi!
...Pour les prénoms, je n'ai pas encore choisi.
-Si j'ai une fille, je veux qu'elle s'appelle Charlotte.
-C'est mignon, acquiesce Hugo en souriant. Et pourquoi tu as choisi ce prénom ?
-Parce que tu peux faire pleins de jolis surnoms avec. Il y a Chacha, Chachou, ou Cha tout simplement. Et puis, ça ressemble un peu à Charlène.
-Je vois. Il est vrai que c'est vraiment très mignon.
-Et si c'est un garçon, je choisirai Hugo.
Assis en face de moi, Hugo ouvre des grands yeux en entendant son nom. On dirait qu'il n'en revient pas.
-Tu aimes mon nom?
-J'adore ton nom, Hugo. Je pourrais le répéter à longueur de journée. Hugo, Hugo, Hugo...
Hugo dépose sa main sur ma joue. Je sais qu'il a envie de m'embrasser mais je n'ai pas envie de faire ça maintenant.
-Au fait, on avait pas fini ! Il manquait la tempête !
-Ah oui, c'est vrai, dit-il en retirant sa main.
-Elle représente ton stress. Tu m'as dit qu'elle était toute proche, ce qui signifie que tu stressé actuellement.
-Tu te trompes, ton petit test n'a pas tout juste finalement. Je me sens bien quand je suis avec toi Mélanie. Tu es certainement la personne avec qui je me sens le mieux.
-Je crois qu'il est l'heure d'aller en cours.»
J'ai attrapé sa main, et nous nous sommes quittés devant le cloître.
