Chapitre 2

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Durant des heures, l'homme effectue diverses opérations, ordonne, coupe, coud, saigne. Faolàn reste là, observe sans un mot en tenant fermement la main de Freyja. Il est pâle, inquiet et de temps en temps, son coeur rate un battements lorsqu'il entend les bruits des opérations. Des bruits de peau qui se déchire et d'os qu'on remets en place. Elle n'est pas encore morte. Kild, lui, est incapable de rester à côté. Trop de sang pour lui. Il s'est installé à table, s'est versé un verre de vin et attend. Vila est introuvable.

Finalement, le médecin épuisé a fini son travail. Il se relève, range son matériel après l'avoir soigneusement essuyé. Freyja ne bouge toujours pas.
"J'ai fait ce que j'ai pu", grommelle le guérisseur en secouant la tête. Faolàn ferme les yeux, quelques secondes puis se lève à son tour, posant doucement la main de Freyja à côté de son corps.
"Je sais.", murmure-t-il et accompagne l'homme à l'extérieur. Kild relève la tête lorsqu'il les aperçoit.
"Alors ?", demande-t-il.
"Je ne sais pas. Elle est toujours inconsciente. Il va falloir attendre, mais je ne pense pas... Je ne pense pas qu'elle va s'en sortir. Sa tête est salement amochée et ses os aussi ont pris un sacré coup. Je ne comprends même pas comment elle peut encore être vivante et si par miracle elle venait à se réveiller... ", il secoue la tête, "Elle risque d'être infirme."
Bordel. Faolàn grimace à l'idée de Freyja incapable de bouger. Peut-être qu'il vaut mieux qu'elle ne se réveiller pas, finalement - Kild semble avoir les mêmes pensées. Le médecin lui donne encore quelques instructions puis les hommes se saluent gravement et il s'en va. Faolàn s'installe en face de Kild et baisse les yeux un instant.
"C'est tellement injuste, n'est-ce pas ?", le vieil homme murmure, " Moi, j'ai vécu une vie paisible et ennuyeuse. Je n'ai jamais manqué de rien et me voilà, vieux et en pleine forme mais ne pouvant rien faire de grandiose de ma vie, destiné à mourir sans laisser de trace. Et puis d'un autre côté, il y a des gens comme la petite. Des gens pleins de vie - on pense qu'ils peuvent tout encaisser, tout survivre, on est ambitieux pour eux parce qu'on sait qu'ils ont ce quelque chose de différent dans leur coeur : et finalement, ce sont eux qui partent les premiers. Ce n'est pas juste."
Faolàn déglutit et hoche la tête.
"Je suis désolé, Kild. J'aurais dû la trouver plus vite. J'aurais dû t'écouter."

Le vieil homme sourit tristement.
"Ce n'est pas de ta faute mon petit. Ne te tourmente pas avec des si. La vie est imprévisible et ce qui doit arriver arrive. Tout simplement."
"Je... Je vais voir comment elle va.", murmure Faolàn et se lève pour retourner aux côtés de Freyja. Il lui caresse tendrement le visage.
"Tu as intérêt à rouvrir ces yeux.", lui souffle-t-il avant de l'embrasser sur le front. Il l'imagine sourire à cette remarque. "Tu n'as pas d'ordre à me donner, brute." Il s'allonge à côté d'elle. Elle paraît si petite, si vulnérable, une minuscule poupée pâle et blessée. Il pose doucement un bras autour d'elle, en évitant ses blessures. Il entend Kild rentrer.
"Peut-être que si tu lui parles..."
Faolàn soupire. Peut-être que le vieil homme à raison.
"Je lui dis quoi?", grommelle-t-il et le vieil homme rit un peu.
"Ah, mon garçon, quel mauvais amant tu fais! Tu as si peu d'imagination."

Faolàn grogne. Mais au fond, Kild a bien raison. Il ne sait pas comment aimer, il ne sait pas se perdre dans des heures de promesses et de mots d'amour. Le vieil homme sourit.
"Tu n'as qu'à lui raconter des histoires."
"Des histoires ?"
Faolàn grimace intérieurement. Kild rit à nouveau et hoche la tête. Ensuite, il se retourne sans un mot de plus et quitte la pièce, laissant Faolàn en tête à tête avec la jeune fille inconsciente. Il soupire et s'approche un peu plus de Freyja.
"Il était une fois... ", commence-t-il, se sentant ridicule et un peu désemparé, n'ayant aucune idée où commencer, "Il était une fois une jeune fille. Une petite orpheline un peu idiote et naïve, avec des cheveux bruns et des yeux noisettes. Elle vivait dans un minuscule village avec des maisons atroces, à l'orée d'une forêt. Un jour, par une nuit d'hiver, des brutes sanguinaires vinrent à détruire sa vie paisible faite de ragots et de violettes. Ils emmenèrent la petite orpheline et se débarrassèrent de toutes ces maisons hideuses : elle plaisait beaucoup à l'une des brutes. Cependant, elle, ne l'aimait pas beaucoup et se fit un plaisir de lui rendre la vie difficile."

Vénus en fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant