Vénus en fleurs

Chapitre 1

L'expression de désespoir inscrite sur le visage de Freyja s'était gravée dans la mémoire de Faolàn. Aussitôt qu'elle s'était levée, qu'elle était sortie en courant, paniquée et en pleurs, il l'avait suivie. La discussion avec Kild lui était soudain revenue et il avait eu peur. Putain de peur. Peur que Freyja agisse sans réfléchir, poussée par les sentiments. Peur de la voir défaillir, disparaître. Le coeur de Faolàn avait battu la chamade, la sueur lui avait coulé le long du front, dans le dos. Vila l'avait rappelé ; Kild l'avait supplié des yeux de suivre la jeune fille.

Et maintenant, il est là, en plein milieu d'une forêt déserte, essoufflé et sans aucune trace de Freyja. Faolàn jure et grogne, se tourne à la recherche d'une trace quelconque, d'un signe de présence.
"Freyja ! Freyja !", hurle-t-il dans le vide sans obtenir de réponse. Il avance un peu et aperçoit des traces de pas. Des traces de pas qui pourraient être à n'importe qui. Il soupire et commence à les suivre. D'abord, il s'enfonce dans la forêt. La neige recommence à tomber et le jeune homme frissonne. S'il ne se dépêche pas, les flocons vont faire disparaître les quelques traces encore visibles, celles que le vent n'a pas encore avalée. Les arbres défilent à côté de ses yeux, identiques, similaires, pas de Freyja.

"Freyja !", appelle-t-il de nouveau, anxieux. Mais où est-elle ? Seul un oiseau solitaire lui répond et Faolàn jure de nouveau, cette fois plus fort. Brusquement, il quitte la forêt et se retrouve sur un chemin plein de boue glacé, coincé entre les champs.
"Freyja! Gamine! Mais où est-ce que tu es allée te planquer, bordel !"
Peu à peu, Faolàn sent la colère le gagner. Pourquoi est-ce qu'il lui courait après, d'ailleurs ? Certes elle n'était pas bien, mais elle avait complètement sur réagit. La mort d'un frère qu'elle croyait disparu de toute façon depuis une éternité n'était pas la nouvelle la plus catastrophique! Il grince des dents. Pourtant, une petite voix dans sa tête lui hurle de continuer sa recherche. Quelque chose ne va pas. Faolàn avance, encore et encore, précautionneusement, pour ne pas glisser. Les champs passent à leur tour et soudainement, Faolàn se retrouve au milieu de nul part. Quelques arbres peuplent une grande prairie couronnant des falaises.
"Freyja ?"

Rien. Faolàn déglutit. Il avait du se tromper de traces. Freyja n'est pas là. Il lève les yeux au ciel, la sueur lui humidifie les tempes - il l'essuie d'un revers de main et soupire. Il doit la retrouver. Il doit. Il avance un peu pour s'assoir quelques minutes, décide de s'installer au bord et de laisser pendre ses jambes. Son dos craque lorsqu'il se baisse lorsque brusquement, son regard est attiré par quelque chose. Une silhouette en contre-bas, allongée dans la neige.

Les mains de Faolàn se mettent à trembler, ses jambes aussi, son visage devient pâle.
"Freyja ?", murmure-t-il d'une voix étouffé tandis que ses yeux cherchent encore à comprendre ce qu'il voit. Ça ne pouvait tout simplement pas être vrai. Ce n'est pas Freyja, ce n'est pas elle, où alors elle est juste allongée, endormie... Lentement, comme au ralenti, Faolàn descend le petit sentier menant au pied des falaises. Ce n'est pas Freyja. Ce n'est pas Freyja. Il s'approche de la silhouette. Des boucles brunes entourées de sang s'enroulent dans la neige et le jeune homme ferme nerveusement les yeux. Non, non, non... Il s'approche un peu plus. Lorsqu'il se trouve directement à côté, il baisse lentement les yeux pour regarder le visage. Son coeur se fige.

Comme une poupée dans la neige, Freyja a les paupières closes, les lèvres doucement ouvertes et légèrement souriantes. Son corps est dans une position étrange, un peu de travers. Sa tête aussi est tordue dans un angle anormal.

Faolàn tombe à genoux tandis qu'il tend une main incertaine vers l'épaule de la jeune fille inerte.
"Freyja", souffle-t-il, "Freyja, réveille-toi. "
Elle ne bouge pas d'un millimètre et la peur commence peu à peu à manger Faolàn de l'intérieur.
"Freyja, réveille-toi!", répète-t-il, cette fois plus fort. Il la secoue, un peu, plus, lui tapote la joue, lui ordonne d'ouvrir les yeux. Rien n'y fait. Non! La respiration de Faolàn accélère, devient haletante, erratique. Il presse sa bouche contre celle de Freyja, tente de lui insuffler de l'air.
"Mais réveille-toi, bordel !"
Une larme roule le long de sa joue tandis qu'il appuie son visage contre la poitrine de la jeune fille. Pas un mouvement. Pas une pulsation. Le jeune homme se cramponne à la tunique de Freyja, refusant encore de faire face aux faits, refusant de voir le sang dans la neige, d'entendre le coeur qui ne bat pas.