Chapitre 14

4.3K 436 10
                                    

Presque en transe, Freyja, Allande et Pranan retourne à la charrette puis se remettent en route. Puis soudainement:
"Freyja ?", la voix de Pranan toujours aussi mal assurée. Elle se tourne vers lui et sourit doucement. Il la regarde, comme sous le choc.
"Je ne comprends pas. ", finit-il par murmurer et elle fronce les sourcils. Pranan pousse un rire dénué d'émotions, "Tu... Tu es censée me détester, pas me sauver. Et puis... Qu'est-ce que c'est cette histoire de frère? Je ne comprends pas. Et... Tu n'es pas censé être vivante!"

Freyja se fige.
"Comment...ça ?", souffle-t-elle, "Pourquoi suis-je supposée te détester ? Et pourquoi me veux-tu morte ?"
Pranan ferme les yeux. Il a les mains qui tremblent lorsqu'il se passe sa langue sur les lèvres gercées.
"Freyja... Je... Tu ne te souviens pas de ce qu'on t'as fait?"
Elle hésite puis secoue la tête.
"On s'est déjà rencontré ?"
En face d'elle, Pranan pâlit.
"Par tout les dieux", souffle-t-il.
"Quand ça ?", demande la jeune femme, avide d'informations mais Pranan secoue la tête.
"Ce n'était pas très... Intéressant. On s'est rencontré dans... Dans ton village." L'excitation sur le visage de Freyja disparaît et elle prend un air un peu déçu.
"Ah."
Le jeune homme se racle la gorge puis continue: "Mais on...on m'a dit que tu avais sauté d'une falaise et que tu avais succombé aux blessures."
Freyja sourit.
"Non. J'ai survécu miraculeusement."
Pranan hoche la tête tandis que quelque chose semble éclairer ses yeux.
"J'en suis...heureux."
Freyja continue à sourire, puis baisse les yeux sur ses mains.
"Pranan, je n'ai pas menti lorsque j'ai dit que tu étais mon frère."
Le jeune homme se redresse et fronce les sourcils.
"Je n'ai pas de frère et soeur.", dit-il et Freyja grimace.
"C'est une histoire un peu compliqué."
Pranan attend sans rien dire et elle se racle la gorge.
"Je.. Je pensais que je n'avais qu'un frère, Tore. J'ai appris il y a peu de temps qu'il s'est suicidé mais juste avant, un vieil homme qui connaissait ma famille m'a révélé que... Ma mère avait accouché d'un troisième enfant et en est morte - je pensais que l'enfant n'était jamais venu au monde. Cependant, mon père ne voulait pas de lui et une famille l'a adopté en échange d'une somme d'argent."

Le jeune homme la regarde un instant, figé, jusqu'à ce que l'information l'atteigne totalement. Ses épaules tombent en avant et il ferme les yeux, un sourire fatigué sur le visage.
"Bordel.", murmure-t-il, "Si j'avais su."
Freyja lui sourit à son tour et s'avance un peu timidement.
"Est-ce que... ", elle rougit un peu, "Je peux te prendre dans mes bras ?"
À nouveau, Pranan la regarde stupéfait puis il secoue la tête sans un mot et l'attire contre lui. Freyja sourit un peu plus fort et se presse contre son torse.
"Ça fait du bien de savoir que je ne suis plus seul.", souffle Pranan en pressant son visage contre les cheveux de la jeune femme et ferme les yeux.

Freyja serre son frère un peu plus fort. Sous son visage, elle sent ses côtes, son coeur fort. De temps en temps, elle le sent retenir sa respiration.
"Je te fais mal ?", souffle-t-elle et il secoue la tête sans hésitation.
"Non. Non, ne t'inquiète pas."
Freyja soupire.
"C'est eux, n'est-ce pas? Qui t'ont fait mal ?", demande-t-elle et Pranan sourit presque à l'innocence dans sa voix.
"Oui. Mais ça aurait pu être pire."
Le corps de Freyja se tend un instant mais elle ne dit rien. Le roulement de la charrette et le battement du coeur de Pranan contre sa joue la calme.

Ça va aller.
Tout va s'arranger.
Ça va aller.

Freyja n'a plus peur. Elle a retrouvé son frère. Elle allait retrouver son passé. Au-dessus de sa tête, le soleil se couche et peu à peu, sa conscience la quitte et elle s'endort, ne pensant ni au cauchemar, ni au prix qu'elle va devoir payer pour ce bonheur fraîchement gagner.

~***~

Pranan sent Freyja lentement s'endormir contre lui. Il garde les yeux fermés et inspire profondément.
Toute la situation lui paraît si irréaliste. D'abord Freyja qui arrive. Freyja qu'il croyait morte et brûlée. Freyja pour qui Faolàn s'était refermé en lui-même. Il avait cru à un fantôme. Et puis ensuite, Freyja qui Le sauve, qui prend sa défense. Après tout ce qu'il lui avait fait.

Vénus en fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant