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Le Standartenfürher SS Kurt Seeger est assis avec trois autres SS. Il est dans leur habitude de jouer aux cartes et de fumer une bonne cigarette durant leur heure de pause.
Tous ces SS, Kurt les déteste. Il les voit comme des assassins tuant des milliers de personnes chaque jour. Il se dit qu'il ne vaut pas mieux qu'eux, que lui aussi fait partie de ces assassins. Par contre, lui seul ne tyrannise pas. Il leur évite le plus de souffrance possible. Il est ce qu'on appelle un gentil SS.
Comme d'habitude, le SS Rolf Schmitt use de ses talents pour tromper ses adversaires. D'après Kurt, ce SS est le pire d'entre tous. Il ne cesse de vanter ses «exploits» qui sont de jours en jours plus cruels que les précédents. À sa gauche se trouve le plus vieux SS d'Auschwitz : le SS Friedrich Hahn. Enfin, à sa droite, il y a le SS Wilhelm Frank. Celui-ci ressemble beaucoup à Kurt, de sorte qu'il est beaucoup moins horrible que Rolf et Friedrich. Il occupe comme poste l'accueil des prisonniers. Si Kurt avait à choisir celui qu'il détestait le moins, ce serait Frank.
Kurt s'allume une clope et la glisse entre ses lèvres. La fumée a le pouvoir de le détendre quelque peu. La lumière du coucher de soleil traverse la petite fenêtre du baraquement des SS.
- Tu crois pouvoir me remplacer cette nuit ? demande Frank à Kurt.
Il arrive qu'à Auschwitz, les SS se remplacent mutuellement. Kurt est de nature bonne, mais il hésite à accepter. Il devait déjà rester très tard ce soir, et lui rajouter du temps signifie un prisonnier de moins à évader ainsi qu'une nuit blanche.
- Pourquoi ? demande Kurt.
- Je sais que tu ne me dois rien, mais ma femme est malade et elle a besoin de moi.
Cette déclaration provoque une rage que Kurt tente de dissimuler. Il a envie de lui dire qu'il y a des centaines de femmes qui sont malades tout près et qu'il y en a des milliers qui souffrent probablement plus que sa femme à lui. Frank ne voit pas les choses comme Kurt les voit.
Kurt baisse la tête pour cacher son mal. Si n'importe qui apprenait qu'il avait pitié de ses prisonniers, il passerait un mauvais quart d'heure. Il relève la tête et la hoche.
- Je vais le faire.
Kurt n'a jamais voulu de ce travail. Il est prisonnier de ces grilles tout autant que les déportés qui y sont enfermés. Seulement, lui peut en sortir. N'importe quand, il peut aborder Rudolf Höss, le dirigeant d'Auschwitz, pour lui donner sa démission. Mais très vite, il serait remplacé par un second Standartenführer SS mauvais avec les prisonniers. Et ce nouveau SS ne risquerait pas sa vie pour sauver ces derniers, tandis que lui oui.
Kurt possède un petit appartement à Oświęcim, ville où se situe Auschwitz. Son père, qui est un grand dirigeant nazi, l'a contraint à accepter un poste à Auschwitz. Le jeune homme ne se doutait aucunement de ce qui se trouvait ici. Et surtout de ce qui s'y produisait. Il était un homme et pourtant, il ne pouvait pas retenir ses larmes lorsqu'il voyait la souffrance que les SS infligeaient aux prisonniers. Il ne comprenait pas comment un homme était capable de faire du mal à un autre. Il lui avait été impossible de manger pendant des jours sachant que d'autres ne mangeaient pas. Puis, un beau jour de mai, il était tombé sur un prisonnier couché sur le sol. Un SS l'aurait abattu. Lui, il avait pris un pain qu'il gardait comme petit goûter et le lui avait tendu. Heureusement, personne ne l'avait vu. Il avait ensuite décidé de simuler son assassinat. Il l'avait déguisé en SS pour ensuite le cacher dans sa bagnole. Il l'avait ensuite mis en sûreté pendant quelques jours dans son appartement, et l'avait amené loin d'Auschwitz. Depuis ce jour, il avait fait la même chose à chaque fois qu'il rentrait chez lui. Ainsi, il se sentait mieux à l'intérieur.
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Le SS qui aimait une juive
Ficción históricaLes soldats SS n'aiment pas les juifs et les juifs n'aiment pas les soldats SS. Il en a toujours été ainsi depuis le début du règne nazi. Lors de la Shoah, Madeline Gumpertz est une juive de nationalité française. Veuve et mère, elle sera d'abord dé...