~Chapitre 3: Ici, ils tuent les gens~

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Ici, ils tuent les gens. C'est cette phrase que Madeline ne cesse de se répéter.

Le corps de la femme est toujours là, immobile dans la boue. C'est sous le regard horrifié des nouvelles prisonnières que le corps est soulevé par deux anciennes captives. Elles la trimballent, l'une par les pieds et l'autre par les épaules.

Ces deux femmes sont maigres. Madeline le voit à la façon dont les os de leur figure sont plus visibles. D'ailleurs, toutes les femmes qui étaient dans cette baraque avant leur arrivée sont maigres. Elles paraissent malades et dépourvues de caractéristiques humaines.

Les jambes de Madeline sont meurtries. Son estomac crie famine et elle sent qu'elle ne pourra pas tenir longtemps ainsi debout devant les gardiennes. Leurs chiens crachent des aboiements terrifiants sur les prisonnières. « Ce sont les chiens du démon » se dit Madeline en pensée. Ida est à ses côtés. Les femmes forment des lignes bien droites et Madeline est au premier rang. Ça fait plus de deux heures qu'elles sont là. « Que va-t-il se passer désormais ? » se demande Madeline. « Va-t-on nous abattre, comme cette pauvre femme ? ».

Une grande gardienne au teint clair et au regard cruel s'approche du groupe. Elle tient fermement d'une main un fouet menaçant et prêt à être lancé vers l'une d'entre elles. Les autres gardiennes cessent leur marche autour des prisonnières et se placent à l'arrière de cette grande gardienne. Cette dernière parcourt le groupe du regard.

- Ich bin Helga Ackert. Ich bin der Chef Wächter der Lager Auschwitz-Birkenau.

Madeline traduit mentalement « Je suis Helga Ackert. Je suis la chef des gardiennes du camp d'Auschwitz-Birkenau. ».

- Einer von euch kann mir bringen ?

«L'une d'entre vous peut me traduire ? ». Sans hésiter, Madeline lève un bras. La chef-gardienne la toise et lui fait un signe de tête.

- Cette femme dit qu'elle est Helga Ackert. Elle est la chef-gardienne du camp d'Auschwitz-Birkenau.

À peine la phrase de Madeline terminée, les jambes d'une pauvre détenue fléchissent. Ses genoux touchent le sol mou et son corps s'écroule. Elle a perdu connaissance. Elle n'a donc pas entendu la chef-gardienne s'approcher d'elle et lui tirer une balle dans le crâne.

Au coup de feu, toutes les femmes sursautent, sauf Madeline. Elle reste droite en regardant la scène. Elle ne sera plus jamais étonnée de rien car, comme l'a dit le jeune colonel, l'humanité n'existe plus.

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Le midi, les prisonnières ont droit à un petit bol de soupe. Cette soupe à l'odeur désagréable et à la couleur répugnante leur sert également de dîner. Madeline se force à la manger. Elle finit par l'engloutir sans toutefois retenir des grimaces de dégoût.

- C'est l'horreur ! Je donnerais n'importe quoi pour un bon potage fait maison, se plaint une dame.

- Elle pue autant que l'air qui nous entoure, renchérit une autre.

Madeline écoute les lamentations de ces femmes. Depuis trois jours, elle est dans cette baraque bouillante à les écouter discuter de leur vie d'avant ou de leur envie de nourriture. La faim est omniprésente. Le « café » du matin, la « soupe » du midi et le « morceau de pain» ne comblent pas son estomac qui meurt d'envie d'un vrai repas. Madeline peut quitter la baraque à son souhait, mais les odeurs sont beaucoup plus fortes à l'extérieur. Elles proviennent soit des latrines tout près de la baraque, ou bien des cheminées qui ne cessent d'échapper une fumée noire et malodorante. La sécurité est beaucoup plus présente à l'intérieur. 

Le SS qui aimait une juiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant