∴
Liliane est blottie contre sa mère. Cela fait cinq jours qu'elles n'ont que très peu bu et pas du tout mangé. Dans le vélodrome d'Hiver à Paris, c'est à peine si l'on peut bouger. Ils sont plus de huit mille personnes à y être enfermées. Les enfants geignent, les parents sont impuissants. Madeline serre sa petite dans ses bras. Liliane a une toute petite main qui se perd dans celle de sa mère. Elle est douce et chaude. Cette main console Madeline et l'immunise contre l'inquiétude et la tristesse.
Liliane fredonne sa chanson, celle que Madeline a composée pour elle.
- C'était une petite souris, qui gambadait dans les champs d'épis. Elle attendait la venue de son papa attendu. Elle mangeait toute la journée du blé, sans se douter que son papa allait très bientôt rentrer...
- LILIANE !
Madeline se réveille en sursaut. Elle se cogne la tête sur une latte de bois en voulant se redresser brutalement. Ses vêtements lui collent à la peau. En dépit de la chaleur infernale dans la baraque, Madeline est gelée. Elle se recouche auprès d'Ida pour lui voler un peu de sa chaleur corporelle.
- Toi aussi, tu fais des cauchemars ? retentit une voix surélevée.
Une tête dépasse du lit au-dessus du sien. À cause de l'obscurité, elle ne distingue pas son visage. Sa voix rauque lui fait deviner que cette femme n'est plus jeune.
- À peine ai-je fermé les yeux qu'ils reviennent me hanter, continue cette dernière.
Madeline tremble légèrement. Elle boit ses paroles sans toutefois lui répondre.
- C'est ta fille, Liliane ?
- Oui.
- L'amour que porte une femme à son enfant est sincère. Enlever un enfant à sa mère, c'est comme lui arracher une partie d'elle-même. Maintenant, tu dois dormir. Le sommeil soulage toutes les peines du monde.
C'est sur ces belles paroles de cette inconnue que Madeline parvient à se rendormir.
🌹
- RÉVEILLEZ-VOUS ! UNE SÉLECTION !
Dans la baraque, c'est la panique. Les femmes se dépêchent de se mettre debout. C'est la première fois que les françaises passeront une sélection. Elles voient les anciennes se pincer les joues et se piquer le doigt pour en extraire une goutte de sang qu'elles s'appliquent sur le visage.
« Crois-tu que je suis assez grosse ? » et « Je ne suis pas trop mince ? » sont les phrases qui reviennent le plus souvent. Les françaises observent les anciennes agir. Elles parlent le polonais et l'allemand, mais se font assez bien comprendre par les françaises.
Une main empoigne le bras de Madeline.
- Tu sembles beaucoup trop fatiguée. Réveille-toi vite.
C'est la femme à la voix rauque de cette nuit. Elle fronce les sourcils lorsqu'elle s'aperçoit que Madeline est blême. Elle plaque son dos de main sur le front de Madeline.
- Tu es brûlante. Tu as attrapé quelque chose. Pourvu que ce ne soit qu'un microbe et non le typhus.
En effet, Madeline est étourdie. Elle s'accroche au bras d'Ida qui l'aide à se tenir debout.
- Il faut que tu paraisses en pleine forme. Fais rougir tes joues. Agite-toi un peu ! Sinon, c'est la chambre à gaz.
Madeline se redresse. Elle pince ses joues du bout des doigts et mime un air neutre, non accablé.
VOUS LISEZ
Le SS qui aimait une juive
Ficción históricaLes soldats SS n'aiment pas les juifs et les juifs n'aiment pas les soldats SS. Il en a toujours été ainsi depuis le début du règne nazi. Lors de la Shoah, Madeline Gumpertz est une juive de nationalité française. Veuve et mère, elle sera d'abord dé...