Connaissez-vous cet instant, celui où vous oubliez tout; vous oubliez ce qui se passe autour de vous, vous vous oubliez vous même, vous rêvez profondément et vous ne réfléchissez plus à rien.
Cet instant où un poids pèse sur vos paupières, un instant qui vous aurait parut infiniment grand, qui délasse votre corps et vous purge de tout problèmes et tracas susceptibles de nuire à votre doux rêve.Un crissement strident retenti, un frisson parcourt mon corps. Surpris et apeuré j'ouvre les yeux subitement et émerge. La lueur du jour m'éblouit, cet éclat instantané fit dilater mes pupilles, et quelques instant furent nécessaire afin que je puisse retrouver l'intégralité de mes esprits.
Cela n'était qu'un foutu rêve, retour subit à la réalité, ma sieste est terminée.
Je me lève soudainement, attrape ma valise placée dans le filet au dessus de ma tête, en prenant la précaution de ne pas assommer la vieille dame qui avait passé le voyage assise à côté de moi, qui n'a d'ailleurs pas encore ouvert les yeux et réalisé que l'arrivée était imminente.
J'ouvre la porte vitrée de ma cabine avec grande précautions... Je m'étais d'ailleurs battue pour avoir une place assise. Un contrôleur adossé à la paroi branlante du couloir, qui avait sans doute passé une grande partie du voyage debout leva son couvre-chef comme signe amical qui signifierait: "merci d'avoir accepté de faire votre voyage dans notre train miteux".
Je souris.La lumière provenant du couloir m'attire vers la sortie.
Je descendis du wagon et me trouva sur le quai, au milieu d'une précipitation d'homme et de femmes dont les valisettes claquèrent entre elles. En face de moi un homme plutôt grand, a l'habit atypique, sûrement un des chefs de gare, inscrit en gros caractères à la craie blanche sur une ardoise "18 AOÛT 1946"; soit exactement onze mois et seize jour après l'armistice de la Grande guerre.
De grandes lettres dorées occupant une large partie du mur de briques surplombaient les quais. Avec un peu de recule je pu distinguer "GARE SAINT LAZARE - PARIS - 8e".
Je soupir, replace sur ma tête ma vieille casquette en cuire tanné que j'avais hérité de mon père, pris mon bardât sous le coude et me dirigeas vers l'entrée principale en longeant la voie du quai numéro 3.
Encore une fois je ne réfléchis à rien, me laisse bercer par le bruit sourd de la foule qui se presse autour de moi, un bruit qui pourtant aurait fait chialer plus d'un gamin.
Une mèche blonde s'échappe de ma casquette, je la replace derrière mon oreille et replonge dans mon rêve à yeux ouverts.Je ne laissais rien derrière moi, ni famille, ni frère ni sœur, ni tante ou oncle, personne n'avait besoin de moi et je n'avais besoin de personne; je laissais mes affreux souvenirs à Majastres.
Et l'unique chose dont j'avais réellement besoin était d'un nouveau départ.