Ubloo (Partie 3).

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J'observais les lignes blanches disparaître l'une après l'autre sous le capot de ma voiture en parcourant l'autoroute. Plus je les regardais, plus j'avais l'impression qu'elles ne formaient qu'une seule et même ligne floue plongée dans un océan de bitume, et alors il fallait que je tourne le regard pour qu'elles soient à nouveau séparées.


J'ai tendu le bras vers le siège passager pour attraper ma bouteille de gin. C'est triste de voir à quel point je suis devenu doué pour tirer le bouchon d'une main pendant que l'autre tient le volant. J'en ai pris une grosse gorgée pour finir la bouteille, puis je l'ai balancée à travers la vitre côté conducteur avant d'entendre le bruit satisfaisant des éclats de verre.

« Ça ne pouvait être qu'un micro sommeil », me répétais-je sans cesse. Je ne sais pas si je commençais à perdre la raison, ou si j'avais déjà trop bu pour ce midi et que je divaguais ; mais j'avais en quelque sorte ce besoin de rationaliser le fait que j'avais vu Ubloo sans l'entendre pousser son cri.

Au final, j'ai attribué ça à des hallucinations causées par le manque de sommeil, et je me suis dit que j'essayerais d'avoir au moins 5 bonnes heures de sommeil cette nuit. Ces dernières semaines, je tournais autour de 4 heures de sommeil ou plutôt, je dormais aussi longtemps que mon corps parvenait à supporter ces terrifiants cauchemars.

En regardant dans mon rétroviseur, j'ai jeté un œil à la boîte qui contenait les affaires de Robert Jennings. Aujourd'hui, j'allais enfin savoir de quoi le livre parlait. Je ne pourrais vous dire combien de temps j'ai passé à comparer cette écriture aux dizaines d'extraits de langues diverses que je stockais sur mon ordinateur, et ce n'est qu'après un incroyable coup de chance que j'ai compris ce que c'était réellement.

Je m'étais posé au bar d'un hôtel en Pennsylvanie lorsqu'un homme était venu s'asseoir près de moi. On a discuté quelques minutes, mais je crois qu'il n'était pas rassuré par mon apparence plus que négligée. Finalement, on buvait dans le calme, quand il a soudain brisé le silence.

« Vous savez lire cette merde ? » a-t-il dit tout sauf gracieusement.

« Malheureusement non », soupirais-je. « En fait, pour être honnête, j'essaye d'identifier de quelle langue il s'agit. »

« Oh. » Il a regardé sa bière en grattant l'étiquette. « Ça vous embête si je je regarde un peu ? »


« Non bien sûr, mais faites attention, d'accord ? » J'ai fait glisser le livre vers lui avec précaution. Il l'a ouvert et a feuilleté les premières pages.

« Eh bien, ce que je peux vous dire, » a-t-il commencé, « c'est que c'est une sorte d'écriture africaine. ».

Mes oreilles se sont dressées en entendant cela.

« Africaine ? » j'ai demandé, plein d'espoir.


« Ouais. J'ai été gardien de nuit au musée d'histoire naturelle à New York, et je suis presque sûr d'avoir vu une connerie du genre là-bas."

Je n'ai même pas pris le temps de remercier l'homme. Je lui ai pris le livre des mains, et j'ai foncé jusqu'à ma chambre d'hôtel pour me mettre au boulot. J'ai dû écrire pas loi de 500 e-mails cette nuit-là, avec un petit extrait du livre en pièce jointe, et j'envoyais ça à tous les professeurs d'histoire Africaine, conservateurs de musée et traducteurs de langues africaines dont j'avais pu trouver l'adresse.

C'est comme ça que j'ai rencontré Eli.

Eli était un professeur d'histoire Africaine à la retraite vivant à Natchez dans le Mississippi. L'e-mail qu'il m'a renvoyé m'avait paru un peu surprenant, mais c'était surtout excitant. Il m'a expliqué que cet écrit que j'avais en ma possession était dans une langue quasiment éteinte, et qu'il avait appris à la traduire pour un professeur pendant sa thèse. Je lui ai dit que je lui offrirais n'importe quelle somme d'argent s'il acceptait de m'aider à traduire ce livre, mais seulement si je lui remettais en mains propres et qu'il le lisait directement. Je ne pouvais pas risquer de perdre le livre à cause de la poste, et en plus, Natchez était pile sur ma route pour rejoindre la maison en Louisiane.

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