Chapitre IV

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Lorsqu'ils entrèrent dans le petit bureau, la compassion n'avait pas quitté les yeux de Mme Dufour. Pauline sentait le regard de l'inconnu la scruter au travers des carreaux teintés. Alors il retira ses lunettes, et Pauline vit ses yeux, un savant mélange de sept nuances de bleu. Pourquoi lui semblait-il avoir déjà contemplé un regard identique ?
Son angoisse croissait en même temps que sa curiosité. Cet homme disait être le dernier membre de sa famille encore en vie, mais elle ne voyait pas quels liens pouvaient les unir. Peut-être son cousin ? Son oncle ? Son parrain ? Rien d'autre ne lui semblait plausible. Elle se souvient alors de la conversation qu'ils avaient eu au téléphone : il avait suggéré que Nikolaï et Isabelle Stavinsky étaient ses parents adoptifs. Le lien de parenté pouvait donc se trouver bien plus proche qu'elle ne l'avait cru.
Une foule d'image vint alors à elle. Assise dans un rocking chair grinçant, elle réchauffait ses mains sur une tasse qui dégageait des arômes saisissants. Quatre enfants d'une dizaine d'années couraient autour d'elle, leurs longs cheveux translucides ondulant derrière eux ; une voix derrière elle, virile et calme, lança : "Lia ! Jério ! Amenez vos cousins ici." Elle se retourna : Maïssa lui souriait, attendant que les enfants le rejoignent. Lorsqu'ils furent tous les quatre autour de lui, il prit les cadets par la main et lui adressa un clin d'oeil avant de disparaître dans une pièce brumeuse, derrière elle.
Elle revient alors à elle. Soudain lasse, elle se demanda, pleine de tristesse : "Mais qui es-tu, Maïssa ?". Rien de tout cela n'avait franchi ses lèvres et pourtant, l'homme esquissa un sourire triste.
Pauline frissonna d'appréhension. Un mauvais pressentiment la saisit, et bien qu'elle ait envie de suivre Maïssa pour obtenir certaines réponses, elle aurait préféré revoir ses parents. Adoptifs ou non, les étreindre une dernière fois et les interroger sur cet homme.
Mme Dufour s'installa derrière son bureau, où s'ouvrait son dossier scolaire, et invita un certain M. Rézim à s'asseoir.
Pauline regarda autour d'elle ; Maïssa prenait place. Au regard complice qu'il lui lança, elle devina aisément que ce nom était faux. Et vue la désinvolture avec laquelle il l'employait, elle devina que sa famille avait plus à lui apprendre qu'elle ne l'aurait cru.

Rézim ? Quelle idée.Toujours assise sur le fauteuil beaucoup trop dur, elle le regarda s'asseoir à sa gauche puis interrogea la directrice du regard. Cette dernière déglutit puis pris la parole.

- Pauline, je vous présente M. Stéphane Rézim. Il dirige une école, et comme vos parents ne peuvent plus ni vous loger, ni assurer votre scolarité, il a pensé que vous offrir une place dans son internat vous permettrait un suivi scolaire suffisant. Vous allez donc partir avec lui, il vous emmènera chercher quelques affaires chez vous, puis vous conduira à votre nouveau lycée.

Pauline resta sans voix. Il avait menti à cette pauvre femme sur toute la ligne. A moins qu'il ne lui ait menti à elle, pour la persuader de le suivre sans résister ?

Elle finit par articuler quelques mots pour avoir l'air un tant soit peu concernée par la situation :

- Et les week-ends, et les vacances?

- La maison est ouverte toute l'année, me répondit-il, un sourire amusé aux lèvres.

- De toute façon je n'ai pas le choix, n'est-ce pas, trancha-t-elle ?

Tour à tour ils haussèrent les épaules et affichèrent un air désolé.

Mme Dufour tendit finalement son dossier scolaire au jeune homme, qui l'examina avec attention, puis signa un papier que lui tendait la directrice.
Maïssa se leva, et après quelques salutations d'usage il quitta le bureau, Pauline sur ses talons.
Ils s'engagèrent dans les couloirs en silence. Pauline ne pouvait s'empêcher de reluquer son guide par petits coups d'oeil plus ou moins furtifs ; sous les devants froids de sa tenue et son attitude, il dégageait une douceur certaine. Il était même vraiment beau, à tel point qu'elle ne put s'empêcher de déplorer intérieurement leur lien de parenté.
Mais elle se reprit tout de go lorsqu'elle vit qu'il se mordait la joue pour ne pas rire, et se ramena à des affaires plus graves. Elle le fixa alors avec insistance, jusqu'à ce qu'il lui jette un coup d'oeil impatienté.

- Ce n'est pas le moment. Sauf si tu tiens à ce que tous les petits fureteurs de ce lycée entendent tout ce que je vais te révéler ?

Elle leva les yeux au ciel et le suivit en silence, fixant ses talons et rongeant son frein. Ils atteignirent le hall au moment de l'interclasse ; tous les élèves étaient présents, Célia et sa bande aussi bruyants qu'à l'accoutumée. Tous se retournèrent et les lorgnèrent sans gêne, murmurant, chuchotant et même en sifflant sur leur passage. Maïssa semblait avoir senti la gêne de Pauline ; il avait remis ses lunettes et pris des allures de garde du corps au vu de sa carrure et de sa prestance. Quel étrange défilé ils offraient à la vue de ses abrutis... 

Ils accélérèrent le pas et passèrent rapidement les portes, puis le portail. Une belle voiture noire aux vitres teintées était garée en double file. Un attroupement s'était formé tout autour. L'un siffla, puis murmura:

- C'est la Melkus RS2000 !

L'admiration suintait de cette voix, mais celle qui renchérit paraissait blasée.

- Celle de 2012 ? Bah. Qu'est-ce qu'un richou viendrait faire ici ?

- Celle de 2015, petit. 

Ils s'interrompirent en entendant la voix de Maïssa et prirent un air ahuri en voyant Pauline y prendre place. Tous la fixaient, estomaqués.
Elle leur adressa un sublime doigt d'honneur. Elle s'installa et Maïssa abaissa la portière. Elle contempla l'intérieur, revêtu d'un tissu noir au toucher très agréable, semblable à celui d'un riche velours. Les bras croisés, elle toisa Maïssa qui avait pris place derrière le volant. La radio s'alluma ; le volume était bas, à peine un bruit de fond.
Elle ne le lâcha pas du regard, sachant qu'il en était parfaitement conscient et s'en sentait mal à l'aise.
Cinq minutes plus tard, il craqua.

- Très bien ! Puisque tu es trop impatiente pour attendre plus longtemps, qu'est-ce que tu veux savoir ?"


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Bonjour, bonjour !

Je suis désolée, pour ce chapitre un peu court... 

Je vous souhaite une bonne lectrure ! ^^

N'hésiter pas à poser des questions, ou à donner vos avis dans les commentaires ! ;)

Elfaluciole

KleïaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant