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9 ... barbouillé de sang jusque dans ses cheveux ...

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Musique en média : Dead Man's Bones - Lose Your Soul


Faustine et les autres étaient réveillés depuis des heures, on les avait fait coucher parmi les pierres, en bordure du labyrinthe dont ils étaient sortis. Les bêtes avaient monté la garde une bonne partie de la nuit, mais avaient disparu peu avant l'aube.

Le soleil se levait dans le ciel quand une dizaine d'hommes était revenue à la place des créatures. Le même nombre.

Oh, ils pouvaient continuer à nier l'évidence tant qu'ils le voulaient, ça ne changerait rien à la vérité. Ces choses-là n'étaient pas humaines bien qu'elles en aient l'air.

« À table », gueula une voix malveillante.

Un bruit sourd suivit les deux mots. Faustine lissa machinalement son sourcil en zieutant l'espèce de daim couché dans la poussière. La bête avait été égorgée sauvagement, rien à voir avec une belle entaille à l'arme blanche. Le cou était littéralement charcuté et la jeune femme fut prise de hauts de cœur quand l'odeur fraîche de la mort la prit au nez.

« Je crois qu'ils veulent qu'on mange », avança Alban et elle sentit son cœur se soulever un peu plus.

« Comment on est censé faire ? » dit-elle d'une voix blanche. Comme les autres elle mourrait de faim, mais sans couteau et sans feu ça semblait compliqué. En fait, la simple idée de toucher le mammifère sans vie lui retournait l'estomac.

Alban n'eut pas le temps de répondre à sa question. L'un des humains de leur groupe, un garçon robuste aux cheveux coupés ras s'approchait prudemment du cadavre.

Il plongea une main dans l'entaille... et quand il en ressortit ses doigts ensanglantés, il entreprit de les lécher. Il poussa un gémissement puis, sans crier gare, plongea la tête la première dans la dépouille.

Un frisson de dégoût horrifié parcourut les rangs humains quand il fut clair qu'il s'était mis à boire goulûment.

« C'est un des miens », rigola un des hommes malfaisants qui observait la scène. « J'ai peut-être oublié de le nourrir sur les derniers jours... »

« Sainte Marie mère de Dieu », murmura une petite voix à côté de Faustine.

La formule eut le mérite de stopper ses nausées. Elle tourna la tête vers sa voisine, étonnée de voir une autre fille. En fait, il y avait carrément trois autres filles.

Celle qui venait de parler avait des allures de bigote. Sa chemise à fleurs hideuse, boutonnée jusqu'en haut, était rentrée dans une jupe qui lui tombait au genou. Une main pieuse agrippait une croix dorée montée sur une petite chaîne en or autour de son cou.

Les cheveux blonds de la fille étaient plaqués sur son crâne et retombaient dans son dos en une tresse longue et étroite. Tout en regardant la scène, elle remuait ses lèvres pâles. Faustine devina qu'elle récitait des prières. La bigote cherchait sans doute à éloigner le mal... On se serait cru en plein film d'exorcisme.

« Fais pas attention à Céleste », dit l'une des deux autres filles, celle aux cheveux bouclés. « Elle est complètement maboule. »

« Il y a de quoi », fit remarquer Alban en lançant un coup de menton vers le garçon qui avait cessé de s'abreuver et s'acharnait maintenant à tirer sur la peau de la bête pour en révéler la chair.

La tâche était ardue. Les bruits mouillés et répugnants que faisaient ses doigts en glissant sur la peau ensanglantée témoignaient de la difficulté de l'opération. Aucun d'eux ne voulait penser à ce que ferait le garçon quand il aurait suffisamment tiré.

La fille qui venait de parler tourna complètement le dos au spectacle et leur fit face avec un aplomb surréel étant donné la situation. « Bref, moi c'est Margaux, et elle- », elle lança un pouce vers la troisième fille qui les ignorait plus ou moins, « C'est Céline. Céline et Céleste, marrant hein ?! »

Alban eut un sourire réservé, quant à Faustine elle se passa de commentaire. Mais elle ne put s'empêcher de noter le haussement de sourcils de Margaux lorsqu'elle déclina son propre prénom. Ouais, Céline et Faustine c'était marrant aussi, hein. Parce que ça rimait.

Pendant ce temps, l'autre fou furieux, barbouillé de sang jusque dans ses cheveux blonds tout court, s'aidait de ses dents en grognant sous l'effort. Faustine fut à peine surprise de voir qu'il avait été rejoint par d'autres gosses de leur groupe.

Quelque part en elle, en dessous de tout son dégoût, la faim lui taraudait assez l'estomac pour qu'elle les envie presque.

Greudge observait la scène, aux côtés de Sanathe. Le visage dur du chef de meute ne laissait rien paraitre. Pourtant Greudge savait que ces yeux noirs et froids étaient en train d'évaluer les Glanés.

Ce daim, c'était le premier test. Et pour l'instant, ils étaient tous en train d'échouer.

Sauf cinq.

Greudge détailla le grand blond, le premier à s'être jeté sur l'animal. Le gosse n'avait pas froid aux yeux. Il avait faim et était prêt à faire ce qu'il fallait pour survivre. Greudge attendrait quand même encore un peu avant de parier sur lui.

Comme Sanathe, il s'intéressa ensuite au reste du groupe, il y avait ceux très prometteurs qui semblaient à deux doigts de craquer. Ils salivaient devant la chair fraîche, mais leur conditionnement humain les empêchait d'agir. Une fois qu'ils auraient surmonté la répugnance, tout irait mieux, en principe.

Après tout, manger n'était que la première étape, encore fallait-il qu'ils gardent tout ce sang et cette viande crue dans leur estomac. Avec les humains, l'alimentation posait toujours problème.

À côté de lui, Sanathe croisa les bras sur sa poitrine, ses poings si serrés que le sang refluait de ses mains. Intrigué, Greudge suivit le regard réprobateur du chef et ses yeux noirs tombèrent sur les femelles. Voilà ce qui chiffonnait réellement le grand manitou.

Les quatre filles avaient fini par se regrouper. Il reconnut la petite brune de Spline et Reidge, elle parlait avec la gamine bouclée comme un mouton, arrivée parmi les derniers Glanés. Venaient ensuite la fille aux cheveux courts et, enfin, la petite créature frêle à la longue tresse.

Celle-là aussi, Greudge s'en souvenait bien. La première fois qu'il l'avait vue, il s'était dit que c'était inutile de la ramener. Elle pleurait et tremblait de tout son maigre corps et l'avait regardé avec une terreur absolue en baragouinant des phrases incompréhensibles.

Pendant deux secondes, il s'était demandé si les abrutis qui l'avaient capturée ne s'étaient pas plantés. Mais en se concentrant, il avait capté l'odeur si particulière de l'Essence. La part du Loup était faible, mais elle était là. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il y en aurait assez.

Il regarda encore la femelle. Si frêle. Ses longs cheveux pâles étaient plaqués nettement sur sa tête, même plusieurs jours après son enlèvement. Il imagina un instant le contraste qu'aurait le sang sur sa peau diaphane et sentit la chaleur affluer entre ses jambes.

Il fut surpris de découvrir que la fragile délicatesse de la jeune femme blonde l'excitait. Ce n'était jamais arrivé auparavant. Non sans raison. Il n'y avait pas de place pour les êtres aussi chétifs dans ce monde.

Greudge aurait dû n'éprouver que mépris et dégoût pour cette chose malingre sans courbes désirables, ni aptitude apparente à la survie.

Une telle femelle ne valait rien.

Et c'était exactement la conclusion que venait de tirer Sanathe en regardant la petite blonde.  

La part du LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant