32. La vie est un long rêve

187 38 10
                                    

" La vie est un long rêve et c'est le réveil qui nous tue." J'aimais cette citation car elle sous-entendait que la vie était quelque chose de doux et de cotonneux.

Mes yeux s'ouvrirent sur une pièce obscure et crasseuse. La soleil qui perçait à travers les volets éclairait de petits grains de poussière en suspension.

Comme j'aurais aimé croire en cette citation. Ici, tout semblait triste, froid et figé.

Je me levai de mon lit et descendis les escaliers qui menaient à l'étage inférieure. Toute la maison baignait dans un silence religieux et angoissant. Plusieurs cartons octroyèrent mon passage tandis que je me dirigeais vers la cuisine. Nous allions bientôt déménager de cette maison qui nous rappelait trop de souvenirs douloureux. J'arrivai dans la cuisine où déjeinait ma famille. La vie n'est pas un rêve : maman prend des anti-dépresseurs, des larmes tombent dans le bol de petit frère et l'angoisse sert la gorge de papa. 

Tout dans la pièce, du carrelage à l'éclairage, avait une allure de fin du monde, comme une page tournée, un rêve brisé ou un espoir perdu. 

Je me détournai de ce désolant spectacle et sortit de la maison. 

Au lycée, je vis Thomas, sans doute le garçon le plus parfait que j'ai rencontré. Un de mes meilleurs amis, bien que j'aurai aimé plus que de l'amitié entre nous. J'aurais aimé aller vers lui, sentir la chaleur de son contact et lui avouer tout ce que je ressentais pour lui. Mais je ne pouvais pas, j'étais bien trop invisible désormais. 

Au détours d'un couloir, je croisai Lidia sans lui adresser la parole. Elle s'était trouvé de nouvelles amies maintenant, bien mieux que moi et plus heureuses. Je n'étais pas en colère, ça me rendait juste triste de savoir que plus rien ne serait comme avant. 

Vers midi, je l'entendis pleurer dans les toilettes en murmurant mon nom. 

J'avais l'horrible impression d'être un rouge inutile dans un immense engrenage. Je restais immobile tandis qu'autours de moi le monde bougeait et tout changeait. Tout sauf moi. 

Mes pieds foulèrent l'herbe humide. Je m'assis par terre et me mis à arracher les pétales d'une fleur fanée posée à côté de moi. 

Comme j'aurais aimé être quelqu'un. Comme j'aurais aimé pouvoir peser dans ce monde. Comme j'aurais aimé attraper les mains qu'on m'avait tendu mais que j'avais ignoré. Comme j'aurais aimé voir ma vie comme un rêve. 

A côté de moi, pâle comme un linge, Thomas pleurait toutes les larmes de son corps. J'avais envie de le prendre dans mes bras mais je savais que je ne le pouvais pas après avoir creusé un trou béant dans son coeur. Ses larmes me firent comprendre que je n'étais pas aussi inutile que je le pensais. J'avais ma place dans ce monde que j'avais déréglé en cessant d'être un rouage. J'aurais pu compter, faire la différence et être celle que j'avais toujours voulu être. Tant de choses aurait pu se produire si j'avais pris le temps d'y croire. 

Toujours en pleurs, Thomas s'éloigna de ma tombe tandis que mes yeux restaient collés à la grande cicatrice verticale qui traversait mon poignet. 

"La vie est un long rêve et c'est le réveil qui nous tue." 

Ma vie aurait pu être un rêve mais il est trop tard pour moi, je me suis déjà réveillée.



J'écris ce texte pour vous dire que le suicide n'est pas la bonne solution. Je sais bien que parfois on traverse de mauvaises passes, qu'on est au fond du gouffre et qu'on a l'impression qu'on ne va jamais s'en sortir. Mais c'est faux, on finit toujours par revoir la lumière. Il y a toujours quelqu'un pour qui vous comptez, quelqu'un à qui vous manquerez. Rappelez-vous que même si on se sent parfois comme une poussière dans un univers trop grand pour nous, personne n'est inutile. On a tous notre place sur terre. Alors gardez bien en mémoire que le monde ne peut pas marcher sans vous, c'est impossible. Parce que vous êtes importants. Vous êtes indispensables. Vous êtes magiques. 

SubversiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant