Chapitre 6 : Éphémère mais éternelle

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C'est avec une hâte incontrôlable qu'Ombelline se prépara ce mercredi après-midi de juin. Il faisait beau et plutôt chaud. Elle s'habilla d'un jean clair qu'elle assortit avec un chemisier blanc, avec les bordures en dentelle. Elle enfila un gilet gris et mit une paire de tennis puis coiffa ses cheveux châtain clair en un chignon flou et laissa quelques mèches folles s'échapper. Elle souligna ses grands yeux émeraude d'un trait de crayon, prit son sac à dos et observa son reflet dans le miroir de sa chambre. Elle se trouvait plutôt jolie mis à part sa mine fatiguée. Ombelline se dirigea d'un pas rapide vers l'arrêt de bus. Elle ne vit pas Tristan et pensa qu'il devait être en retard. Mais lorsqu'elle s'approcha, elle remarqua un papier scotché sur le banc.
"Pour Ombelline avec deux ailes".
Elle ramassa la feuille et parcourut les lignes, écrites avec une écriture soignée, à la plume bleue.
"Salut Ombelline, descend à l'arrêt du colonel Georges et rejoins moi à la fontaine.
Tristan avec deux T éloignés."
Elle sourit et son impatience gagna en puissance. Une vague d'excitation déferla dans ses veines. Elle monta dans le bus et s'installa à sa place habituelle, près de la fenêtre. Elle se demandait ce que son ami lui avait réservé, et rien que cette idée lui procurait des frissons.

La voix préenregistrée annonça "Colonel Georges" et Ombelline descendit de l'autobus pour se diriger vers la fontaine où elle avait rendez-vous. Une jolie place aux dalles de pierres claires était entourée de magasins et une fontaine se trouvait au milieu de la place. Des oiseaux perchés sur les statues de pierre appartenant à cette fontaine, buvait les filets d'eau qui coulait de la bouche des chevaux de granit. Elle s'assit sur le rebord de la fontaine et attendit. Elle vit Tristan s'approcher, vêtu d'une chemise et d'un jean bleu.
"Alors, mon petit papier t'a plu ? Demanda le jeune brun
- Oui, je me demande encore ce que tu me prépares !
- Regarde cette place. À l'horizon, tu peux apercevoir des montagnes, mais si tu baisses un peu les yeux, qu'aperçois-tu ?
- La cathédrale ?
- À gauche ?
- Le parc ?
- Plus à droite !
- Le grand bâtiment avec des sculptures, des briques rouges et des ornements ?
- Oui ! S'exclama son ami
- Euh, c'est la librairie St Georges ?
- Oui ! Continua Tristan, hystérique.
- Ah ! C'est là qu'on va ?
- Oui ! Je t'avais promis de t'y emmener. Sache que je tiens toujours mes promesses !
- C'est bon à savoir ! Rigola-t-elle
- Allons-y !"
Ombelline, que le bonheur avait gagnée, sautilla dans tous les sens et manqua de peu de renverser quelques personnes. Tristan était amusé du comportement de son amie, elle avait les yeux brillants de joie et d'excitation !
Ils arrivèrent devant la librairie réputée en une dizaine de minutes.
"Connais-tu l'histoire de cette librairie ? Questionna le jeune homme
- Explique.
- Le colonel Georges, d'où le nom de l'arrêt, était un passionné de livres. À la fin de sa carrière militaire, il revint dans son village natal, et fit construire une librairie à son image : puissante, imposante et calme. Il y passa le restant de ses jours et on dit qu'il aurait même écrit quelques ouvrages, en exemplaires uniques évidemment.
- Wouah, elle est cool cette histoire !
- Étonnante plutôt ! Pouffa don ami."
Ombelline acquiesça et suivit Tristan qui s'engouffrait dans l'édifice.

Elle eut le souffle coupé en admirant l'intérieur. Toutes les étagères étaient en bois de chêne et les ouvrages qui y reposaient étaient classés par ordre alphabétique. Le plafond était si haut qu'on pouvait croire qu'il touchait les étoiles. Un balcon intérieur, en marbre blanc faisait le tour du bâtiment, au-dessus des rayonnages. Et encore au-dessus, il y avait un autre balcon.
"Les balcons intérieurs que tu vois, ne sont pas très larges, des bancs en bois sont posés contre le mur tout les deux mètres pour pouvoir feuilleter les livres.
- C'est une bibliothèque un peu...?
- Et bien les gens qui sont assis sur les bancs lisent les ouvrages qu'ils ont achetés. Ils passent à un comptoir pour payez puis ont accès à l'escalier pour aller aux balcons.
- Ah ouais, c'est vraiment magnifique.
- Tu es contente ?
- Ravie. Sourit son amie."
Tristan l'entraîna vers les rayonnages.
"Choisir un livre, celui que tu veux, je te l'offre. Déclara le jeune brun
- Non, ils doivent coûter une fortune en plus je vais crever dans un mois, c'est ridicule... lâcha la jeune fille, désinvolte
- Je t'interdis de dire ça, cria son ami, tu vas choisir un livre que je vais t'offrir.
- Si tu veux, excuse-moi. Murmura-t-elle"
Tristan la prit dans ses bras et s'excusa aussi. Suite à cela, son amie parcourant du regard les étagères et repéra un livre à la tranche argentée. Elle s'en approche et constata qu'il était recouvert entièrement de fil d'argent. Elle le prit avec délicatesse et souffla pour enlever la poussière. Il n'y avait pas de résumé, juste le titre. Et celui-ci inspira la jeune fille qui ouvrit l'ouvrage avec prudence, de peur que quelque chose ne sorte du livre et l'attaque. Elle huma l'odeur du papier ancien et remarqua que le livre était très bien conservé et datait pourtant d'il y a environ un siècle. Elle parcourut du regard quelques pages et déclara :
" Je le prends.
- Tu es sûre ? Tu n'as même pas regardé d'autres étagères ? Fit Tristan
- Je suis sûre à deux cents pour cents.
- Bien, dans ce cas-là, allons à la caisse."
Elle suivit son ami et découvrit un comptoir en marbre portant l'inscription suivante : "Lire c'est se concentrer sur les problèmes des personnages plutôt que les siens, lire c'est devenir ami avec des personnages plutôt que les personnes nous entourant, lire, c'est devenir le personnage principal du livre, sans nous, un livre n'est rien, sans son lecteur un livre ne sert à rien, il n'est qu'un vulgaire bout de papier et d'encre, il accepte de prendre vie seulement si une âme tourmentée vient s'y perdre. C'est ça la lecture.
Colonel Georges."
"Cette phrase est magnifique... souffla Ombelline
- Je l'aime beaucoup. Répondit son ami"
Ce dernier avança près du comptoir et paya l'ouvrage que son amie tenait encore entre ses mains, de peur que l'on ne lui vole. Elle montra le livre à l'employé et celui-ci tapa sur sa machine à écrire puis annonça le prix et Tristan tendit quelques billets. Les deux jeunes amis quittèrent cet endroit empreint d'histoire.

Ils se dirigèrent vers le bus, et montèrent dedans en validant leur carte. Ils allèrent s'asseoir à leurs places préférées. Cela pourrait paraître étrange mais ce bus n'était jamais plein et bon nombre de places étaient toujours disponibles.
Ombelline serrait toujours son précieux cadeau contre elle. Le brun prit la parole.
"Tu as aimé cette après-midi ?
- J'ai adoré Tristan, c'était très gentil à toi.
- Tu n'as pas fini d'être surprise, la semaine prochaine on part ensemble tu n'as pas oublié ?
- Non, je compte les jours qui me séparent de cet instant ! Où irons-nous ?
- Surprise... chuchota le jeune homme
- J'aime tes surprises ! Par contre je déteste les fêtes surprises. La dernière fois que ma mère en a organisée une, j'ai pleuré comme une madeleine par ce que toute ma famille était présente, ainsi que les quelques amis que j'avais. Après la fête, j'ai annoncé que j'étais atteinte d'une leucémie et lorsque j'ai vu ma grand-mère et ma tante pleurer, j'ai encore pleuré avec elles. Plus jamais, les fêtes surprises hein !? Ciao, good-bye, hasta la vista, au revoir !
- C'est sûr que ça laisse un souvenir un peu triste...
- Tu es prévenu au moins !
- Effectivement ! Rigola Tristan."
Ils sortirent du bus et se dirigèrent chez eux après s'être dit au revoir et que le jeune homme ait entendu les nombreux remerciements de la part de son amie.
"Au fait, c'est quoi le titre de ton livre ? Demanda-t-il
- "La chouette aux ailes d'argent". Sourit Ombelline en lui faisant un clin d'œil."
Pour Tristan, elle était une chouette oui, une chouette fille pleine de rêves qui luttait tant bien que mal de rester en vie, chose vaine. Elle résistait avec des ailes d'argent, brillantes et solides. Tellement solide que ses propres ailes la traînaient vers le sol, mais elle continuait de se battre. Une chouette aux ailes d'argent...

Le lendemain matin, Ombelline s'apprêtait à sortir de chez elle lorsqu'on sonna à la porte.
Elle alla ouvrir se demandant qui pouvait bien sonner et se dit que cela devait être le facteur. Elle ouvrit la porte et remarqua avec surprise que c'était Tristan.
"Tu as séché ? Lui demanda-t-elle
- Oui, pour te voir ! Et toi tu n'es pas censée être au lycée ?
- Oh, j'avais pas l'esprit à ça et puis ça sert plus à rien...
- Tant mieux, on va pouvoir passer la journée ensemble et trouver quelque chose de dément à faire !
- Ouais ! On va aller où ?
- J'ai une petite idée... fit son ami avec une lueur malicieuse dans les yeux"
Ombelline esquissa un sourire et laissa le jeune homme en plan le temps d'aller chercher des affaires. Deux minutes plus tard elle était dehors en train de fermer la porte d'entrée. Une vraie tornade !
Ils se dirigèrent inconsciemment vers l'arrêt de bus et attrapèrent ce dernier de justesse.
Tristan mit un bandeau sur les yeux de son amie et ils marchèrent pendant quelques minutes, il guidait Ombelline.
Lorsqu'il enleva le bandeau, la jeune fille s'émerveilla devant cette étrange boutique aux pierres noires. Ils entrèrent et discutèrent longuement avec le vendeur. Tristan s'assit sur un fauteuil et le tatoueur commença son dessin. Vint le tour d'Ombelline, la douleur était supportable et elle était tellement heureuse qu'elle ne sentait rien. Elle avait hâte de voir le résultat, elle n'avait pas encore l'âge mais Tristan avait amadoué le responsable en lui expliquant leur histoire.

Après avoir remercié et payé l'artiste, ils sortirent de la boutique et les deux amis observèrent leur tatouage. Ils avaient décidé de se faire tatouer une étoile filante sur l'intérieur du poignet. Une étoile avec un trait fin derrière, très minimaliste. Tout simplement car une étoile est éternelle dans le sens où elle va mourir bien après celui qui l'observe et une étoile filante est éphémère, passagère. C'est donc le symbole parfait pour décrire leur amitié...

Nda :
Alors ce chapitre ? La librairie ? Le tatouage ? Exprimez vous ! :)
Bye NinaGarance ! <3

Étern'aile Où les histoires vivent. Découvrez maintenant