Métro

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Il y a maintenant deux ans que je me suis installée en banlieue parisienne. Si je me retrouve à vous raconter ça c'est pour avoir des avis sur des trucs étranges que j'ai découverts... Le plus simple c'est que je vous raconte tout depuis le début.

J'suis étudiante et comme beaucoup j'ai eu la joie de chercher un appart' sur Paris. Je suis allée de désillusions en désillusions jusqu'à finir par échouer dans une banlieue de Seine Saint Denis. J'vais pas mentir, au départ j'étais pleine d'a priori, mais au final c'est plutôt cool. La fac me laisse pas mal de temps pour glander et j'ai rapidement sympathisé avec le mec qui vit sur le même palier que moi. J'suis du genre tête brûlée et parfois franchement inconsciente, lui est toujours posé et réfléchi, malgré cette différence on s'est tout de suite bien entendu.

Le métro m'a toujours attirée. Ça à l'air con dit comme ça, mais j'ai commencé par compulser des sites classiques comme Wikipédia, j'ai profité des journées du patrimoine pour visiter la régulation de la RATP et un dépôt ferroviaire, tout en posant des questions l'air de rien. Puis ma curiosité m'a poussée à fréquenter le milieu des vandales qui eux connaissent toutes les ficelles pour se balader de manière sûre. C'est mon voisin qui avait quelques contacts, si bien qu'à peine un mois après mon emménagement j'ai commencé à arpenter les rails du métro la nuit.

J'ai appris les codes à mon tour : le troisième rail, le wagon nettoyeur, ceux de la maintenance, le fonctionnement de la brigade ferroviaire qui patrouille souvent avec des chiens, les subtilités des lignes automatiques. J'ai appris où sont les entrées « safe », comment me saper, où mettre les pieds. J'avais toujours un petit sac à dos avec mon portable, une clé de chez moi, mes clopes, une carte d'identité, des piles de rechange pour ma lampe ainsi qu'un couteau et des plans aussi bien du réseau que de la surface.

J'ai pris de l'assurance au fil du temps et j'ai commencé à me balader seule. Au début je me contentais de parcourir les rails entre deux stations, puis j'ai progressivement été de plus en plus loin. Ces promenades nocturnes à l'heure où le réseau ferroviaire est en théorie interdit au public sont rapidement devenues addictives, autant qu'un shoot d'héro. Dès que je sautais du quai pour rejoindre les rails et commencer mes explorations, j'étais aussi excitée qu'une gosse. Cependant à ce moment là je manquais encore un peu de moyens pour rentrer aussi aisément que je le souhaitais.

Puis l'hiver est arrivé. Mon pote a un grand côté humaniste et est assez idéaliste, et quand il m'a proposé d'aider aux maraudes du Samu Social avec lui, j'ai ri. Mais j'me sentais redevable, sans lui je crois que je n'aurais jamais pu devenir une visiteuse nocturne. Malgré le fait qu'on n'était pas dans la même équipe ce n'était pas spécialement déplaisant, c'était même plutôt intrigant, j'y ai pris goût. La nuit qui tombe, le froid et les histoires de la rue. J'ai fini par avoir quelques liens avec les SDF, j'avais le droit à des bribes d'histoire que j'écoutais avec respect tout en réfrénant ma curiosité avide de détails.

C'est vers janvier que les choses ont commencé à changer. L'hiver est devenu plus rigoureux et des "habitués" ont commencé à manquer à l'appel. Curieuse, j'ai posé des questions un peu partout en obtenant toujours des réponses vagues : "il est parti de la Capitale", "elle a eu une place en foyer", "ça arrive qu'il parte quelques jours, te bile pas". L'équipe avec laquelle je travaillais n'avait pas l'air plus inquiète que ça, mon pote non plus, alors j'ai fini par laisser tomber. Lorsque les maraudes ont pris fin au printemps, j'avais perdu de vue une dizaine de SDF. Il y avait eu des décès à cause du froid comme tous les ans, alors peut-être que...

Puis l'année est passée doucement, je fréquentais toujours deux à trois nuits par semaine le réseau ferroviaire, j'avais réussi à chopper un passe-partout à bon prix ce qui me permettait de rentrer beaucoup plus facilement. J'écumais les coulisses de la RATP avec joie. Je gardais à présent une bombe de peinture sur moi et posais mon blaze assez régulièrement aux côtés de grands noms du milieu en étant aussi intimidée et fière qu'une gamine.

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