Le lendemain matin, tout le personnel s'est retrouvé dans le bâtiment d'entrée. Nous nous tenions tous à l'intérieur, échangeant des regards fatigués ou nerveux, alors que nous attendions que Zimmerman arrive et ouvre la trappe qui dissimulait l'échelle. Je pouvais voir une peur presque palpable dans le regard de certains d'entre nous, tandis que d'autres n'avaient pas le moins du monde l'air affectés par les événements de la nuit précédente. Zimmerman est arrivé cinq minutes après 10 heures, s'excusant pour son retard alors qu'il passait la porte du bâtiment. Il a ouvert la trappe et, sans aucune hésitation, a commencé à descendre l'échelle, s'enfonçant dans les noirs abysses. Il avait presque l'air enthousiaste.
J'ai été le premier à suivre Zimmerman dans sa sombre descente dans l'installation. J'avais l'impression que plus bas je progressais, plus l'obscurité m'enveloppait, comme si elle avait voulu m'engloutir tout entier. M'enfonçant toujours plus profondément, j'ai eu la sensation que l'endroit était... différent, d'une certaine façon. Alors qu'il n'y avait auparavant que de sinistres couloirs de béton, il y avait à présent quelque chose d'autre... Quelque chose qui rendait leur étrangeté plus tangible, plus réel. J'appréhendais, comme si une horrible et macabre scène nous attendait là, en bas, mais je continuais pourtant de descendre, malgré mes peurs et mon hésitation. Ce n'était plus un simple bunker un peu effrayant, un mal véritable l'habitait maintenant, et sa malveillance planait dans les ténèbres, je pouvais le sentir. Nous le pouvions tous.
J'ai finalement senti que mon pied touchait le sol et ai poussé un silencieux soupir de soulagement d'être enfin sur la terre ferme. Presque au même instant, les ampoules ont pris vie, inondant la pièce de leur chaleureuse et bienvenue lumière. J'imagine que Zimmerman avait allumé le courant. Je me suis accordé quelques secondes pour examiner la salle de contrôle. Elle était exactement telle qu'on l'avait laissée la veille, j'en ai silencieusement remercié le ciel. C'était presque comme si rien d'inhabituel n'était jamais arrivé. J'ai chassé ces pensées en me remémorant les écrans pleins de neige de la nuit dernière. J'ai laissé mes yeux balayer lentement les écrans le long du mur, anticipant les horribles et sinistres scènes qu'ils pourraient dévoiler. Mon attention a d'abord été attirée par les écrans 1 et 3, qui ne montraient que de la neige. Cela aurait pu être le soulagement, si mon regard n'était pas tombé sur l'image statique de l'écran 2. La chambre 2 était toujours entière et tout semblait parfaitement intact. Je n'ai pas pu m'empêcher de lâcher un hoquet de stupeur quand j'ai remarqué la seule chose qui était différente : la femme était étendue au milieu de la petite salle de béton, une expression de pure terreur figée sur son visage décharné alors qu'elle gisait sur le dos, silencieuse et sans vie.
La colère est apparue sur le visage de Zimmerman quand il l'a vu, et il a ordonné que le second moniteur soit éteint. Son ordre a été exécuté. Personne n'a posé de question, ce n'était pas comme si qui que ce soit voulait contempler l'horrible scène plus longtemps. Il a également demandé à ce qu'on envoie l'équipe de sécurité vérifier les deux salles restantes si l'image ne revenait pas sur les écrans 1 et 3 dans les deux heures. Les membres ont acquiescé à l'ordre. Ils l'ont fait comme s'ils n'avaient pas peur, mais je pouvais voir le contraire au fond de leurs yeux.
Seul le "tic tac" de l'horloge, subtil, bruyant, résonnait dans la salle de contrôle alors que je fixais les écrans. Une heure et une cinquantaine de minutes étaient passées, et la neige occupait toujours les écrans 1 et 3. Tous les autres membres de l'équipe travaillaient, moi excepté. Le projet n'ayant pas encore fait de blessés parmi le personnel, je n'avais pas grand-chose à faire à part attendre que quelqu'un ne se blesse lui-même.
Zimmerman, quelques uns de ses collègues et moi-même étions les seuls à occuper la pièce. Ils murmuraient silencieusement entre eux à l'autre bout de la salle tandis que je passais le temps à lire ou à réfléchir à la situation dans laquelle je me retrouvais. J'avais clairement fait une erreur en venant ici, le corps gisant dans la salle 2 en était une preuve suffisante. Et seul Dieu savait ce qui nous attendait dans les salles 1 et 3.
Mes pensées ont brutalement été interrompues par le retour de l'image sur le moniteur 3.
Les yeux de tout le monde se sont écarquillés face à l'image redevenue claire. Ce que l'écran diffusait était.... horrifiant. Un humanoïde.... une chose se tenait au milieu de la pièce, fixant directement la caméra, immobile. Il portait la même tenue que celle qu'avait revêtue le sujet d'études numéro 3, mais ce n'était certainement pas le même homme que celui qui était entré dans la pièce. Ce qui a attiré mon attention en premier, ce sont ses yeux. Ils étaient d'un noir profond, faisaient deux fois la taille de ceux d'un humain normal, ils semblaient si.... antiques, si froids. Sa tête avait aussi grossi avec ses yeux, d'une manière symétrique et déconcertante. L'entité avait également perdu tous les cheveux qu'elle avait eus un jour, et même à travers l'écran je pouvais percevoir à quel point sa peau n'avait plus rien de naturel, lisse et brillante qu'elle était. La chose avait apparemment pris en hauteur et en stature, cela se voyait à la tenue qui paraissait maintenant bien trop petite pour son porteur. Ses membres s'étaient particulièrement allongés, ses bras tombant presque au niveau de ses genoux.
Ce que nous regardions n'était en aucun cas le même homme que celui qui était entré à l'intérieur.
La peur. La peur était tout ce que je ressentais alors que je continuais de fixer l'écran et la chose dans cette pièce. Et ma peur semblait être partagée par tous autour de moi, ce qui m'a réconforté quelque peu. Cela peut sembler horrible à entendre, mais c'était assez satisfaisant de voir que Zimmerman et ses collègues pouvaient aussi ressentir la terreur. Mais dans le même temps, c'était plus qu'inquiétant de constater que cela ne faisait pas partie du "plan" de Zimmerman. Quelque chose avait foiré.
Tous, nous fixions toujours l'écran malgré notre angoisse; c'était presque comme si nous étions en transe. Ma peur déjà bien présente a continué de grandir et s'est diffusée rapidement à travers mon corps entier, alors que je me perdais dans les yeux de la créature, piégé dans son regard terrifiant, hypnotique. Après ce qui m'a semblé être une éternité, j'ai réussi à arracher mon regard de celui de la créature et de l'écran. Ce faisant, j'ai senti ma peur considérablement diminuer.
Quelques instants plus tard, Zimmerman a envoyé son équipe de sécurité jusqu'à la porte du sujet 1, comme il l'avait ordonné plus tôt. L'équipe de sécurité a obtempéré sans poser de questions, armés uniquement de matraques et de pistolets.
Je me suis concentré sur la progression du groupe d'hommes à travers les couloirs sur le chemin de la salle 1, les suivants grâce aux caméras. Même à travers ces caméras de qualité pas si haute que ça, ce n'était pas difficile de deviner que ces hommes étaient effrayés par ce qui les attendait. Leurs têtes étaient baissées alors qu'ils marchaient; ils n'avaient plus la même confiance que celle qu'ils affichaient au début de ce projet. Ils ressemblaient à de petits garçons terrifiés, envoyés vers une terrible guerre.
Finalement, ils ont atteint la porte. Nous les voyions parfaitement, eux et la porte, via la caméra du couloir. L'un d'entre eux a dit quelque chose à travers son talkie-walkie et a fait un geste en direction de la caméra. En réponse, l'un des collègues de Zimmerman a actionné la porte. Les hommes avaient déjà saisi leurs pistolets à peine le bouton enfoncé.
Doucement, la porte a commencé à s'ouvrir. Tous, nous regardions avec impatience le groupe d'homme s'approcher de la porte, leurs armes braquées vers l'intérieur. Soudainement, sans avertissement aucun, nous avons entendu un hurlement déchirant. Et alors que quelque chose jaillissait de la pièce, droit sur les hommes, l'écran s'est changé en neige. Immédiatement, on a pu entendre des cris résonner à travers les couloirs, vite suivis par des coups de feu distincts.
Nous ne pouvions rien faire à part attendre. Après quelques minutes, les cris et les coups de feu ont cessé. Nous attendions, espérant, priant que la chose, quelle qu'elle soit, qui avait bondi hors de la pièce ne soit pas celle qui rejoindrait la salle de contrôle.
Quelques minutes ont encore passé et trois des hommes sont revenus, portant le corps du quatrième. De larges coupures couvraient son torse et son visage était déchiqueté; on ne pouvait même plus discerner qui il était, ou même s'il était humain. J'étais habitué aux images sanglantes, étant médecin, donc la masse de viande sanguinolente, de chairs déchiquetées qu'ils transportaient ne m'a pas ému. Mais beaucoup autour de moi ont pâli et rendu leur déjeuner. Les membres de l'équipe de sécurité affichaient tous une expression vide de toute émotion, mais leurs yeux étaient encore emplis de terreur. L'un de ces hommes a finalement levé le regard vers nous, nous fixant de ses yeux écarquillés. "C'est mort" a-t-il enfin lâché, murmurant à peine d'une voix tremblante d'effroi.
—————————————————————————————————————————Plusieurs heures avaient passé. Le nom du défunt était Franck; on l'a enterré dehors, dans la froide terre d'Alaska. Deux des hommes ne présentaient aucune blessure, physique tout du moins. Le troisième était en vie, mais à peine seulement. Son corps était couvert d'entailles sanglantes, et l'un de ses yeux avait été arraché de son orbite. Je m'efforçais de le stabiliser, de justesse. Les deux autres hommes ont vaguement expliqué ce qui s'était passé. Apparemment, le sujet 1 avait sauté sur Franck après que la porte se soit ouverte; seulement, ce n'était plus vraiment le sujet 1. D'après eux, ça avait une face horriblement crispée et de longues griffes tranchantes.
Ils ont assuré avoir tiré plus d'une douzaine de fois avant que ça tombe enfin mort, et ils ont encore vidé quelques chargeurs pour s'assurer que ça l'était vraiment. Ce n'est que lorsqu'ils en ont été totalement certains qu'ils sont revenus.
Après avoir soigné le blessé, je suis retourné vers les écrans. Même terrifié comme je l'étais par ce qu'ils pouvaient dévoiler, j'avais besoin de les regarder. Le sujet 3 était le dernier restant et j'avais besoin de le voir, d'être sûr que la créature était toujours dans sa pièce. Cela ressemblait plus à une cellule de prison qu'à une pièce ordinaire à présent, c'était cependant probablement une bonne chose.
Les caméras donnant sur la pièce du sujet 3 et sur les couloirs environnants ne montraient toujours que de la neige. Personne n'a été envoyé pour les réparer ou même pour vérifier les environs ; nous avions juste à espérer que le sujet 1 était bel et bien mort.
L'image du troisième écran était toujours la même que lorsque je l'avais quittée : le sujet 3 était toujours en train de fixer directement la caméra, de nous fixer nous. Il était toujours exactement dans la même position, et s'il n'y avait pas eu de ventilateur dans le coin de la pièce, j'aurais pu croire à une image statique. D'une certaine façon, j'ai été soulagé en le voyant, soulagé qu'il soit encore dans la salle, qu'il ne se soit pas échappé pendant que personne ne regardait.
Après que tout se soit calmé, j'ai remarqué quelque chose de très inhabituel. Il y avait comme... un bruit étrange, émanant de je ne sais où. Au début, c'était à peine perceptible. Je ne l'avais entendu que grâce au silence total de l'infirmerie. Mais comme le temps passait, le son s'amplifiait lentement. Après une heure, il était assez audible pour que tout le monde l'entende aussi. Et après deux autres heures, son volume avait tant augmenté que l'on a pu déterminer quel était ce bruit. C'était une chanson. L'un des membres du personnel l'a identifié comme étant "Living in the Sunlight" de Tiny Tim. Apparemment, son père adorait cette chanson et l'écoutait fréquemment. La musique semblait se jouer en boucle, se répétant sans cesse. Mais bien que nous avions été capables d'identifier le son, nous demeurions incapable d'en identifier la source. Nous savions que ça ne venait pas des haut-parleurs, puisque nous les avions éteints. Cela semblait provenir des murs eux-mêmes.
Alors que le temps passait, la musique a commencé à tous nous rendre nerveux ; je passais le plus clair de mon temps à l'infirmerie pour veiller sur mon patient ou dans la salle de contrôle. La peur planait dans l'air, et la présence bien reconnaissable des ténèbres et du mal en était sans aucun doute la cause. Le sujet 3 n'avait toujours pas bougé, il gardait son regard fixé sur la caméra, sans même ciller. J'avais constamment l'impression qu'il me fixait moi directement, qu'importe l'endroit où je me trouvais dans la pièce. Je pense que les autres ressentaient le même effet, puisqu'ils semblaient tous beaucoup se déplacer à travers la pièce sans raison apparentes.
Quelques heures ont passé, la chanson était devenue si forte que l'on devait presque crier pour communiquer. Nous avions essayé de trouver la source du son, afin de pouvoir éteindre enfin la musique, mais sans résultat, la source était totalement introuvable. Cela a ajouté une irritation extrême à notre peur déjà bien présente.
Il était aux alentours de 20h30 quand le sol lui-même s'est remis à trembler, tout comme cela s'était produit la nuit précédente. La panique a commencé à se répandre parmi les employés, moi inclus, tandis que les tremblements s'intensifiaient.
À cet instant, j'ai eu soudainement un pressentiment et j'ai regardé instinctivement l'écran du sujet 3. Il n'était plus là. Au même moment, comme par une sinistre coïncidence, la lumière s'est arrêtée net. Et heureusement, la chanson également.
Depuis le retour de l'équipe de sécurité, la panique avait lentement gagné l'ensemble des employés et Zimmerman était impuissant face à cela. Quand les lumières se sont éteintes, le calme apparent que chacun tentait de conserver a volé en éclats et la peur a étreint nos coeurs à tous.
Les lumières secondaires de secours ont bientôt pris le relais, et j'en ai silencieusement remercié le ciel. Les ampoules étaient faibles mais me permettaient d'y voir clair.
La panique complète nous a saisis quand plusieurs de mes collègues se sont mis à hurler et à se précipiter vers l'échelle pour tenter s'échapper. Mais ils étaient bien trop nombreux à vouloir s'y précipiter en même temps et aucun d'entre eux n'a été capable de grimper bien haut sur l'échelle sans se faire pousser au sol par un autre prenant sa place. Zimmerman a intimé à chacun de se calmer, mais même sa personnalité de dominant, bien qu'intimidante, ne lui a été d'aucun secours en ces lieux et ses demandes sont tombées dans des oreilles sourdes. C'était le chaos le plus total. Il n'a pas fallu longtemps avant que tous ne commencent à se blesser les uns les autres dans leurs tentatives désespérées d'atteindre l'échelle, de sortir de cet endroit ; je ne pouvais qu'attendre, adossé à un mur, ma propre opportunité de grimper l'échelle.
Tous les cris se sont bientôt tus, tandis que le vrombissement familier de cette troublante chanson grossissait de nouveau, plus rapidement cette fois. Et cette fois, il était évident que le son venait directement des couloirs labyrinthiques. On a arrêté de se battre et de hurler, et chacun a reporté son attention vers la porte qui menait auxdits couloirs.
La chanson s'est intensifiée, devenant plus forte qu'elle ne l'avait jamais été jusqu'à présent, forçant certains d'entre nous à se couvrir les oreilles dans l'espoir de retrouver le silence. Puis, soudainement, la musique s'est complètement arrêtée
.
Le silence. Il a empli la salle alors que nous fixions tous l'épaisse porte de métal, anticipant ce qui allait en sortir. Il m'a semblé que des siècles se sont écoulés dans cette attente. Mais en réalité, le silence s'est brisé quelques secondes plus tard.
D'un coup, la porte a violemment explosé et la musique est repartie, plus forte que jamais. Ça a été si soudain, si violent, que beaucoup d'entre nous sont tombés au sol, agrippant leurs oreilles en essayant de bloquer le bruit. Je n'ai levé les yeux qu'une fraction de seconde vers l'embrasure de la porte, et là se tenait une grande silhouette à la peau lisse et aux longs membres, et aux yeux si sombres, si malveillants, qu'on ne voyait qu'eux dans la faible lumière.
Après avoir évalué mes possibilités, j'ai jeté un autre regard à la créature, juste à temps pour voir la chose attraper Zimmerman et le couper en deux d'un simple et fluide mouvement, aspergeant la pièce et tous ses occupants de son sang, de ses intestins, de ses organes. Je n'étais pas étranger au sang, mais ça a été trop pour moi à supporter : je me suis penché et ai vomi partout sur le froid sol de ciment.
L'échelle était mon seul espoir de survivre. Je me le répétais alors que je me forçais à me redresser. Et comme mes yeux se relevaient en même temps que le reste de mon corps, j'ai pu voir la chose arracher et déchiqueter des morceaux de corps tandis que tous se dispersaient pour lui échapper. La chose était distraite, et aussi horrible que cela puisse paraître, c'était mon unique chance de monter cette échelle. J'ai obligé mes jambes à bouger vers l'échelle, tentant d'ignorer les cris terrifiés de mes collègues et l'insupportable volume de la musique. Je pouvais entendre des coups de feu accompagnés de cris et de sons terribles de chairs qui se déchirent quelque part dans le désordre sonore. J'ai jeté mes mains en avant et ai senti une vague de soulagement m'envahir en sentant mes doigts s'enrouler autour des froids et durs barreaux de l'échelle de métal. Je m'y suis agrippé et ai commencé à grimper aussi vite que je le pouvais dans mon état désorienté, tout en priant que le monstre ne me remarque pas, ne m'arrache pas à l'échelle, me ramenant au milieu du massacre.
J'avais l'impression qu'à chaque instant j'allais sentir une de ses mains lisses s'enrouler autour de ma cheville pour m'envoyer à la mort, mais je suis finalement arrivé en haut sans encombres. Je n'avais absolument aucun doute quant au fait de devoir sceller la trappe, et la chose à l'intérieur, même si cela signifiait une mort certaine pour mes collègues. Je ne pouvais pas permettre à cette chose de s'échapper. J'ai saisi l'épaisse plaque de métal et ai commencé à la pousser de toute mes forces, essayant de la fermer, de sceller le complexe souterrain.
En dépit de son épaisseur et de sa masse, la trappe a été facile à basculer, et cela n'a pas demandé beaucoup d'efforts pour qu'elle recouvre l'ouverture, à ma surprise et malgré mon état de faiblesse. En quelques secondes, l'ouverture était complètement scellée par une solide plaque de métal.
Je m'effondrais sur le côté, vomissant encore une fois alors que la fatigue s'abattait sur moi. Et alors que j'étais étendu là, j'ai soudain réalisé quelque chose : à part ma respiration laborieuse, la seule chose que je pouvais entendre était l'écho lointain de cette chanson venue des profondeurs.
Je sentais que je risquais de perdre le reste de ma raison si je restais ici allongé à écouter la musique, je me suis donc forcé une ultime fois à me dresser sur mes jambes afin de rejoindre le chalet de bois où j'avais passé la nuit précédente. J'y avais laissé mes affaires et c'était surtout là que se trouvaient les clés de mon camion.
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De la quinzaine de membres qui composait le personnel de cette expérience avortée, je suis le seul qui ait survécu. Je ne suis jamais retourné sur les lieux où toutes ces choses atroces ont eu lieu, et je ne compte pas le faire. Le projet était très secret et Zimmerman était le seul à en connaître les détails. Et pour autant que je le sache, personne n'a eu vent de ma participation en dehors de moi-même. En fait, je suis sans aucun doute le seul qui sache ce qu'était vraiment l'expérience Harbinger, le seul à savoir ce qu'il s'est réellement passé.
À présent, vous êtes sans doute en train de vous demander pourquoi je vous ai dévoilé à tous cette histoire, alors qu'aucun d'entre vous ne devrait être au courant. Peut-être vous attendez-vous à ce que je vous mette en garde, de ne pas prendre à la légère ce que vous ne comprenez pas, ou quelque chose dans ce goût-là. Je ne l'espère pas, car je n'ai ni discours ni leçon à vous offrir.
J'ai commencé à entendre un bruit plus tôt dans la journée. J'ai presque immédiatement reconnu cette mélodie comme une chanson trop familière, qui me hante. Je n'ai même pas cherché à déterminer sa source, je savais que ce serait inutile. Plus la journée a passé, plus le bruit s'est amplifié. C'est assez fort à présent pour que j'en discerne les paroles. Je suis incapable d'échapper à la voix de Tiny Tim. Elle m'a suivi partout où j'ai fui.
Le sujet 3 vient pour moi, et je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps en ce monde.
Je suppose que vous vous imaginez que j'ai juste voulu vous raconter l'histoire de l'expérience Harbinger afin qu'elle ne soit pas perdue pour toujours. J'espère que vous tirerez des leçons de ce que je viens de vous raconter, mais nous savons tous que vous ne le ferez pas.
Soyons honnêtes, vous ne croyez pas un seul mot de mon histoire. Et je ne vais pas vous en blâmer. Je n'y aurais pas cru moi-même à votre place.
À vos yeux, ce n'est rien de plus qu'un moyen de vous faire frissonner. Vous étiez probablement en train de vaquer sur internet quand vous avez cliqué sur ce lien, avant de vous retrouver ici, où que ce soit, en train de lire cette histoire.
Et pour être franc, je me fiche que vous me croyiez ou non.
Même si vous le faîte, cela ne vous empêchera sans doute pas d'essayer de découvrir la vérité derrière des ténèbres que peu d'entre nous ont aperçues. Cela n'a certainement pas empêché Zimmerman. Si vous voulez un conseil, souvenez-vous de ce qu'il lui est arrivé quand il a cherché à percer la vérité.
Je prie pour qu'aucun d'entre vous ne la découvre jamais; je prie pour qu'aucun d'entre vous n'ait à contempler le mal que j'ai contemplé. J'espère que vous vivrez tous dans l'ignorance de ce qui rôde derrière le voile de ce que l'on ne comprend pas.
C'est ici à présent. Je peux sentir ses yeux noirs me brûler, comme je l'ai senti il y a toutes ces années.
Je suis tout autant à blâmer que Zimmerman pour cette monstruosité qui parcourt à présent librement le monde, même si je ne suis pas celui qui l'a créée.
Je suis désolé.
Je vous en supplie, pardonnez-moi.Found on CFTC