Chapitre 3

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Chapitre III

"He has a simple and beautiful nature. (...) Don't spoil him. Don't try to influence him. (...)Mind, Harry, I trust you." (The Picture of Dorian Gray, Ch. I)

Par chance, presque au moment du malaise de Dorian, Basil avait entendu Victor rentrer de son congé matinal. Il était onze heures passées. Le peintre avait pris soin de dissimuler le portrait avec la lourde étoffe violette brodée d'or qui lui servait de rideau avant d'appeler le domestique.

L'évanouissement de Dorian s'expliqua facilement par l'atmosphère confinée de la pièce, l'heure tardive à laquelle il était rentré la veille, le peu de nourriture qu'il avait consommé depuis et les signes d'agitation qu'il avait manifestés toute la matinée. Basil affirma que Dorian avait voulu lui montrer cette pièce pour avoir son avis sur un éventuel réaménagement. Une fois qu'ils eurent ramené Dorian dans sa chambre, le peintre monta refermer la porte avec la clé que Dorian avait laissée tomber. Victor du reste ne posa pas de questions. Son maître ne tarda pas à reprendre ses sens, et le majordome demanda s'il ne convenait pas cette fois de faire venir un médecin.

Dorian, effarouché, secoua la tête en signe de refus, mais Basil venait d'avoir une idée. Cet incident pouvait leur faire gagner du temps.

- Allez chercher le médecin, Victor, approuva-t-il en rassurant Dorian d'un regard.

- Faites ce qu'il dit, céda Dorian d'un ton las.

- Tout de suite, Monsieur.

Lorsque le serviteur eut quitté la chambre, Basil regarda Dorian.

- Ecoute-moi, dit-il. La visite du médecin te donnera un prétexte pour ne pas sortir pendant quelques jours. Donne-lui une ou deux raisons bénignes à ton malaise et tu sais bien qu'il n'ira pas chercher plus loin. Si Wotton cherche à te voir aujourd'hui, Victor dira que tu ne reçois pas de visites. Demain matin, tu écriras à Wotton que tu es souffrant mais que tu acceptes sa proposition et que tu le verras dès que tu iras mieux. J'ai besoin de temps pour trouver de quoi le contrer.

- D'accord...

Dorian fixa sur Basil ses grands yeux bleus. Il avait l'air d'un naufragé.

- Avons-nous vraiment une chance d'y parvenir en si peu de temps ?

- En tout cas, dit Basil, je sais qui pourrait nous aider.

- Qui cela ?

- Je préfère ne rien te dire pour le moment.

Dorian n'insista pas. Il se sentait soudain très las. Il se laissa aller en arrière sur ses oreillers.

- Est-ce que ça va ? S'inquiéta Basil.

- Basil...

- Oui ?

« Pardonne-moi d'avoir agi avec toi comme je l'ai fait » pensa Dorian. Il murmura :

- Merci d'être là.

Le visage du peintre trahit la surprise, puis une émotion qu'il s'empressa de dissimuler.

- De rien, répondit-il d'un ton neutre.

Le médecin arriva un quart d'heure plus tard. Dorian fit un effort pour l'accueillir avec son plus beau sourire. Il prétendit simplement manquer de sommeil, avoir quelque peu abusé du brandy au dîner la veille au soir, et commis l'imprudence de sauter le breakfast.

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