Chapitre 8

42 1 6
                                    


Chapitre VIII:

"I worshipped you. (...) in such mad worships there is peril, the peril of losing them, no less than the peril of keeping them..." (The Picture of Dorian Gray, Ch. IX)

"If you drink much from a bottle marked "poison", it is almost certain to disagree with you, sooner or later." (Lewis Carroll, Alice's Adventures in Wonderland)

Basil bondit dans le fiacre en criant l'adresse au cocher. Il se moquait éperdument d'avoir l'air d'un fou. L'impensable venait de se produire. Il entendait encore le murmure pressé de Victoria à la table du café : « J'ai trouvé quelque chose, Basil. J'en suis certaine ! »

Elle avait pris tous les risques pour fouiller le bureau de Wotton, et la porte fermée à clé, tout comme celle de la plupart des meubles intérieurs, n'avait nullement fait vaciller sa résolution.

«Les femmes ont une arme imparable », avait-elle expliqué à Basil avec un sourire malicieux, « l'un des outils les plus efficaces quand il s'agit de forcer une serrure. Avez-vous jamais entendu parler de cette chose merveilleuse qui s'appelle une épingle à cheveux ? »

Le document était à l'abri dans un coffre, à présent, et Basil en avait réalisé plusieurs copies manuscrites par sûreté.

Le papier découvert par Victoria attestait assez clairement d'un procédé malhonnête et dépourvu d'honneur. Henry n'aurait aucun intérêt à le voir découvert. Basil comptait bien menacer de le faire parvenir à chacun des clubs fréquentés par Lord Wotton, voire aux journaux, si jamais il refusait de délivrer Dorian de leur horrible marché. La partie était presque achevée, et elle serait gagnée, Basil en était sûr à présent. Wotton ne sacrifierait jamais sa réputation, quelle que puisse être l'intensité du désir pervers qu'il éprouvait pour Dorian.

Ils avaient réussi. Basil avait conscience d'avoir contracté une dette éternelle envers Victoria.

Le fiacre s'arrêta devant la maison de Dorian. Basil paya précipitamment le cocher avant de sonner à la porte avec une frénésie d'adolescent ivre.

Victor lui ouvrit. A l'instant même où il vit le majordome, Hallward comprit que quelque chose n'allait pas.

- Mr Hallward ! S'écria le domestique, je m'apprêtais à venir vous trouver...je ne sais que faire, Monsieur !

- Que voulez-vous dire ? Souffla Basil avec angoisse. Que se passe-t-il ?

- C'est Monsieur mon maître...commença Victor.

- Quoi, qu'y a-t-il ? Est-il souffrant ? Réagit aussitôt le peintre en blêmissant.

- Je le crains, Monsieur. Il a fait venir le médecin ce matin, et tantôt il s'est enfermé dans sa chambre, comme c'est sa coutume ses jours-ci...et je l'ai entendu crier, mais le verrou est poussé, Monsieur. Impossible d'entrer ! Mr Gray ne répond pas à mes appels !

- Il faut immédiatement trouver un moyen ! S'écria Basil en se précipitant à l'intérieur.

Il gravit l'escalier quatre à quatre, Victor sur ses talons, et tambourina à son tour à la porte en appelant Dorian. Seul un gémissement de détresse lui parvint.

Un flot d'adrénaline se répandit dans les veines de Basil.

- Il faut enfoncer la porte, décida-t-il. J'en prends la responsabilité !

A eux deux, ils réussirent à faire sauter le verrou, et trébuchèrent sur le seuil de la chambre.

Une odeur d'opiacé saisit Basil à la gorge.

Une touche de lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant