Chapitre 5

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Chapitre V

"- Tell me more about Mr. Dorian Gray. How often do you see him?

- Every day. I couldn't be happy if I didn't see him every day." (The Picture of Dorian Gray, Ch. I)

« Il relut sa lettre. Elle lui parut bonne. » (Gustave Flaubert, Madame Bovary)

Basil n'aurait su dire précisément ce qui l'avait réveillé. Il se rendit vaguement compte qu'il avait donc fini par succomber au sommeil, avant de se redresser dans le grand lit. Un bruit dans le corridor. Plus audible à présent. Mu par une sorte d'instinct, Hallward se leva, ôta son vêtement de nuit et passa prestement sa chemise et son pantalon de la veille. La main sur la poignée de la porte, il hésita, l'entrouvrit légèrement. Pas de doute, quelqu'un avançait dans le couloir en frôlant les murs. Une sensation étrange, entre la peur et l'excitation, serra la gorge de Basil. Il fouilla dans son sac pour en sortir des allumettes, attrapa la lampe à huile qu'il ralluma et s'empara d'un coupe-papier serti de pierres fines qui se trouvait sur la table de chevet. Il ouvrit la porte et se glissa dans le corridor...

Une silhouette blanche se tenait au milieu du couloir. Un frisson parcourut Basil qui leva sa lampe...de grands yeux apeurés le fixèrent. Dorian !

Basil poussa un soupir de soulagement. Il desserra ses doigts crispés sur le manche du coupe-papier et se sentit soudain stupide. Bien sûr, c'était Dorian ! Pas un quelconque cambrioleur, et encore moins l'apparition fantomatique digne d'une nouvelle de Poe qu'il venait de s'imaginer !

- Dorian, murmura-t-il, mais que fais-tu ?

- Je ne sais pas, balbutia Dorian, l'air hagard. Je ne sais pas...je ne pouvais pas rester là...dans ma chambre...je ne pouvais pas...

- Tu as fais un cauchemar ?

Dorian secoua nerveusement la tête.

- Quoi, alors ? S'enquit Basil avec douceur. Tu penses à Wotton ?

- Oui, admit Dorian d'une voix étranglée, mais ce n'est pas cela qui...

Basil le fixa avec un serrement de cœur. Comme il paraissait fragile dans son vêtement de nuit blanc, sa chevelure blonde éparse et floue dans la lumière de la lampe ! Ses mains délicates tremblaient et ses pieds nus semblaient prêts à la fuite. Ses pieds nus !?

- Mon Dieu, tu es fou, Dorian ! S'écria Basil. Retourne au lit ou mets-toi au moins quelque chose aux pieds, tu ne peux pas rester comme ça dans ce couloir glacial !

- Non ! S'écria Dorian, une soudaine note d'impérieuse urgence dans la voix. Il agrippa le bras du peintre. Basil, je dois te parler !

- Tout ce que tu voudras, acquiesça Hallward, mais pas dans ce froid ! Il faut que tu te couvres !

Dorian consentit à se laisser entraîner dans la chambre la plus proche -celle de Basil- et l'artiste s'empressa d'envelopper le jeune homme d'une couverture assez longue pour lui couvrir aussi les pieds. Dorian étant à présent assis sur le lit, Hallward s'installa dans un fauteuil.

- Pourquoi ? Souffla tristement le jeune homme.

- Que veux-tu dire ? S'étonna Basil.

- Pourquoi es-tu comme ça avec moi ? Si attentionné, si prévenant ? Tu crois que je le mérite ? Après ce que je t'ai fait ? Après tout ce que j'ai fait ?

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