Chapitre 38 : Un enfer

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L'amour ? Un véritable amour, c'est celui qui ferra battre notre cœur. Celui qui nous aimera pour ce que nous sommes. Cet amour ? Je crois l'avoir eu, un jour. Je n'ai surement pas su le prendre. L'occasion s'est présentée à moi, et je me suis enfuie. Les vibrations de mon cœur pour lui était si fortes. Si intense. Chaque jour où je l'apercevais, mon sang circulait à une vitesse folle. Aujourd'hui, mon cœur bat de la même vitesse. Cependant, mon sang est glacé. La main au-dessus de la poignée, j'attends. Mes muscles sont crispés et mon corps tremble dans son intégralité. Cette sensation est complètement affreuse. J'inspire et expire. J'essaie de respirer tranquillement et sereinement sans vraiment avoir de résultat.

- AAAH !!!

Encore un cri. Je ne dois plus hésiter. J'ouvre la porte et retrouve Aaron accroché à ces draps, transpirant. Des gouttes de sueur sont fortement prononcées sur son front. Que lui arrive-t-il ? Un cauchemar ne devrait pas le faire réagir de la sorte. Du moins, cela ne serait pas aussi prononcé. J'avance d'un pas incertain à côté du lit. Ma main glisse le long de son bras. Je suis complètement tétanisé devant ce corps turbulent. Je sers avec douceur son épaule et secoue en prononçant son prénom :

- Aaron.

Rien. Il n'ouvre pas une seule fois les yeux. Pourtant, son agitation grandie. J'essaie une nouvelle fois plus fermement.

- Aaron !

Soudain, ses yeux s'ouvrent. Le regard remplit de frayeur. Il attrape mon poignet et dirige son regard noir dans ma direction. La peur me prend. Mon cœur s'affole. Mon sang se glace. J'essaie de détacher sa main de mon poignet, mais en vain. Sa poitrine se lève et s'abaisse avec une rapidité affolante. Ses doigts se crispent plus fort, puis relâche. Ses yeux s'adoucissent et d'une voix grave et pourtant si faible, il me dit :

- Holly ? Que... Que fais-tu ici ?

Aucun mot de sort de ma bouche, mes yeux sont toujours rivés sur mon poignet. Le contact de sa peau sur la mienne me fait un effet de brûlure. La chaleur de sa paume contre ma peau glaciale me donne quelques picotements. Prenant appui sur son coude, il se décale et m'attire dans son lit.

- Qu'est-ce que tu fais, réussi-je à articuler.

- Viens-là.

Je laisse mon corps s'étaler à ses côtés. Mais, malgré tous mes efforts, je reste complètement crispé.

- Holly ?

-Ou... Oui ?

- Tu devrais te détendre, j'ai l'impression d'avoir un bâton dans mes bras. Tu dois dormir, tes yeux sont fatigués.

J'essaie de me détendre et ferme les yeux. J'entends ses respirations devenir plus calme. Il n'est pas sur le point de s'endormir, mais je dirais plutôt qu'il s'apaise. Son corps se détend. Une petite odeur d'alcool s'échappe. À cette pensée, je me crispe de nouveau. La première fois où j'ai dormi avec Kylian, c'était aussi la première fois où je l'ai rencontré. Du moins, dans mes souvenirs. Je ne me suis jamais souvenu de notre échange à la soirée. Je me demande si notre rapprochement s'est fait naturellement ou si j'ai étais distante ? Le bras d'Aaron me sert un peu plus fort de lui. À ce contact, mes yeux s'ouvrent brutalement. Je suis complètement figé. Respire, me dis-je. Ce n'est rien, et pourtant, j'ai l'impression de trahir Kylian. Comme si je ne méritais pas de vivre une minute de bonheur. La perte d'Ethan ne nous a pas que bouleversé, elle nous a aussi séparés, détruit. Je referme les yeux par fatigue et commence à m'endormir. Je me tourne du côté d'Aaron, pose une main sur son torse et ma tête sur son épaule. Ma respiration devient régulière quand tout au loin, j'entends sa voix. Aaron me raconte son cauchemar et la raison de ses hurlements :

- C'était l'enfer. Les gens tombaient un à un. Je ne pouvais rien faire. Sans savoir où j'avançais à cause des arbres et l'obscurité de la nuit, je marchais sans voir. La lune n'était pas avec nous, la pluie ne cessait de tomber, s'abattant sur la terre jusqu'à ce qu'elle devienne de la boue. Cette saleté s'attachait à nos chaussures. Nos pas devenait de plus en plus dur et lourd. L'enfer s'abattait sur notre sort. J'avançais toujours à l'aveugle jusqu'à ce que je marche sur un obus. J'ai étais violemment propulsé en avant. Ma jambe droite était recouverte de sang. Quant à l'autre...

Sa voix s'abaisse au fur et à mesure qu'il me raconte sa douleur. Un cauchemar qui le hante, et pourtant, rien de tout cela ne s'est passé. Il est à mes côtés, physiquement il est intact, mais moralement... C'est l'inverse. Mes yeux toujours fermés, je l'écoute continuer :

- L'autre n'y était plus. Je n'avais plus ma jambe gauche. Mes cris résonnent toujours dans ma tête. Mais malheureusement, il n'y a pas que mes cris, il y a aussi ceux des autres combattant. Ceux de mes amis. Chaque fois où je pars au combat, je sais pertinemment que je pourrais y rester. Je pourrais ne plus jamais revenir auprès de ma sœur. Mais aussi de tous ceux que j'aime.

- Mais tu es toujours là...

Ma voix faible est sortie de nuls parts. Elle était à peine audible, néanmoins son corps se détend. C'est alors que je sais qu'il m'a entendu.

- Repartiras-tu ?

Sa question me surprend et pourtant, je ne montre rien d'apparent. Je ne répondrais pas à sa question. Pas que je n'ai pas envie, mais que je ne sais même pas la réponse moi-même. Est-ce que je repartirai ? Je n'en sais fichtre rien. J'aimerais lui apporter une réponse cohérente. Je ne sais même pas ce que je ressens en ce moment même. De l'amitié ? De l'amour ? Qu'elle est la vraie réponse ? Je ne crois pas que ce soit de l'amour. Mais plutôt un manque. Le manque de lui. Le manque de Kylian. Je ne pense pas pouvoir continuer indéfiniment comme ça. Dans cet état second. Celui de la fuite. Je n'aurais jamais dû le fuir. Partir n'était peut-être pas une bonne décision. Je suis partie depuis une semaine seulement, et je regrette déjà mon choix. Le regretter aussitôt, ne signifie qu'une chose. Celui-là n'a pas était le bon. Je dois le voir. Je dois le retrouver. Je dois vivre à ses côtés. Ma place n'est pas ici. Je crois pouvoir enfin répondre à sa question. Avec toute ma bonne volonté, je réussis à articuler :

- Ma place n'est pas ici.

Battement incertain (EN PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant