Prologue - Une Cérémonie Maudite

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Le clan Kurama n'avait qu'un seul et unique héritier : Norihito. Ce jeune homme n'était connu et respecté uniquement parce qu'il était le fils des Kurama, et non pour son identité authentique. Cela l'exaspérait, l'agaçait à un point phénoménal !
Seulement, son supplice était loin d'être fini. Un soupir passa les lèvres du jeune homme à la peau mate lorsque sa mère, qui lui avait fait don de ses cheveux argentés, prit la parole :

« Oh, Norihito ! Mon fils, n'est-ce pas aujourd'hui, le jour de votre sacrement ? Vite, vite ! Allez rejoindre votre Père ! Savez-vous où il est ?
- Oui, je le sais, Mère. Il est dans le Jardin, aux alentours du bassin ...
- Soit, si tu le sais, n'attends pas plus ! Hâtes-toi à sa rencontre ! Après le sacrement, mon fils, tu sais que tu sera enfin ... ! »

Il ne prit pas la peine de l'écouter plus et acquiesça, préférant lui couper la parole avant que d'autres responsabilités ne s'accaparent de ses petites épaules, aussi offertes par sa Mère. Elle lui avait même légué sa taille, chose dont il aurait pu se passer ! Encore fallait-il qu'il ne soit pas plus petit ... Après ces réflexions, Norihito s'arrêta, apercevant son Père. Père qui ne lui a pas donné un seul trait.

« Mon fils, je crains que cela ne soit ta dernière chance. Tâche d'être enfin digne de moi. »

Ce fut son dernier échange avec son Père avant la cérémonie. Ni un mot de plus, ni un mot de moins. Un autre soupir passa les lèvres du jeune héritier, dépité par l'attitude de son soi-disant Père, maintenant éloigné. Les ' Adieux ' étaient faits. Enfin, les adieux ... ça, c'était d'après ce qu'il savait. En effet, d'après les manuscrits qu'il avait lu avec son serviteur, cette cérémonie avait lieu tous les cinquante ans, et après celle-ci, le ' sacrifié ' perdait l'appétit, la parole et n'avait plus aucune envie. Il en était arrivé à une conclusion : L'âme sacrifiée avait quitté l'enveloppe charnelle qui l'abritait. Cette cérémonie maintenait soi-disant la paix avec les Dieux, mais elle sacrifiait l'âme d'un honnête héritier ... ça, peu de personne s'en souciaient. Qu'ils en aient connaissance ou non.

Une main se posa sur son épaule et fit sursauter Norihito, le coupant dans ses pensées. Lorsqu'il se retourna, il vit Minamisawa Atsushi, son serviteur et ami d'enfance, qui en savait autant que lui sur la cérémonie. Il ne cachait donc pas son inquiétude, encore moins sa profonde tristesse.

« Qu'allez-vous faire à présent, Norihito ... ?
- Que devrais-je faire d'autre si ce n'est d'y aller ?
- Mais ! Vous savez ce qu'il adviendra de vous si vous ... !
- Atsushi, coupa froidement le jeune Kurama, avant de reprendre un ton plus doux. En tant qu'ami, j'espère sincèrement que le jour viendra où tu seras heureux.
- Cela m'est impossible ! Sans vous ... que vais-je faire, sans vous ? le désespoir déforma son visage. Moi qui ...
- Vous savez pertinemment que j'aurais aimé rester plus longtemps à vos côtés.
- Non, je vous en prie, ne dites pas cela ... »

Les larmes, prêtent à ruisseler, firent trembler les lèvres du serviteur, qui s'approchait de son maître. Ses yeux renvoyaient déjà une tristesse infinie, ce qui fit frissonner Norihito. Comment cet homme pourrait-il s'en remettre s'il est anéanti avant même que le sacrement ait lieu ? Il sentit la main du plus grand sur sa joue, ne fit aucun mouvement.

« Vous savez pertinemment à quel point je vous aime.
- Cessez, Atsuhi ... ! »

Avant même qu'il ne puisse continuer sa phrase, ledit Atsushi avait déjà déposé un baiser, plus timide qu'il ne l'aurait cru, sur les lèvres du plus jeune. L'homme aux cheveux violets avait déjà clos ses yeux pour profiter de la sensation, ignorant à quel point le cœur du pauvre héritier s'envolait en miettes. Violemment, Atsushi se fit repousser, coupant ainsi le baiser.

« Vous avez tout intérêt à m'oublier, Minamisawa. De toutes manières, ma vie prendra fin ce soir, alors soyez sûr de faire votre vie avec une jeune femme digne de ce nom. Car malheureusement pour vous, je suis un homme. »

Après ces froides paroles, il tourna les talons en laissant son ami dans un état de choc. Était-ce la bonne solution ? Pouvait-il se permettre de telles paroles alors que, lui-même, crevait d'envie de se jeter dans ses bras ? Mais à quoi bon lui offrir son corps et sa vie si ceux-ci ne dureraient plus que quelques heures ? Non, il avait fait le bon choix. Partir sans se retourner, en ignorant les peu de sanglots qu'il avait entendu, c'était la bonne chose à faire, retenir ses propres larmes, c'était la bonne chose à faire. Ignorer la douleur et l'horrible marteau qui s'enfonçait dans son cœur était la bonne décision.

C'est ainsi, infesté de chagrin, que Kurama Norihito se rendit à la cérémonie de sacrement. Ce qu'il ne pouvait pas savoir et ne saurait certainement jamais, c'était qu'à cet instant précis, son ami de toujours s'était entaillé les veines et se laissait mourir petit à petit, dans le seul et unique but d'accueillir son maître avant qu'il n'arrive dans l'au-delà ... mais lui aussi était prêt à mourir, pour les atrocités qu'il avait balancé à son précieux ami. Les villageois étaient tous présents, en dehors du temple, prêts à accueillir le nouveau Chef du Clan Kurama, ignorant les cris de douleur. Après tout, il faut souffrir pour être un homme.
Le jeune homme hurlait, se laissait aller à pleurer, tous ses regrets, tandis qu'une aiguille lui entaillait le dos. Les plaies n'étaient pas profondes, mais c'était comme s'il se faisait happer. Son âme ... une horreur. Il souhaitait partir. Il n'avait jamais voulu cela. Jamais. De violentes larmes salées coulaient de ses yeux bleus, sur ses joues, avant de s'écraser sur le plancher, se mélangeant à sa marre de sang ... Le moine récitait une prière. Inconnue aux oreilles de l'albinos bleuté.

Puis plus rien. Juste du Noir.

Et son corps partit en cendre devant les yeux hébétés du Moine en Chef.

○ • ○ • ○

Voilà un vieux truc que je viens de réécrire, presque entièrement. Je n'ai rien de spécial à dire si ce n'est que j'espère que cela fera un minimum chavirer votre cœur ou que cela animera votre passion. Que cela soit momentané ou non.

Juste du noir et des cendres.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant