Maudite, Reine de la rose noire. [Tome 1]

Chapitre 40

Figée, Nela fixa Jack. Elle n'était pas sûre de vouloir entendre ce qu'il avait à lui dire. Elle prit alors une grande inspiration pour se donner du courage, s'asseyant sur sa chaise de bureau, prête à affronter la réalité.

— Dis-moi que ce n'est pas ce que je crois, je t'en supplie Jack, dis-moi que ce n'est pas pour ça que tu es étrange ces derniers temps, dis-moi que cette rose ne t'appartient pas...

— Respire Nela, je ne suis pas celui que tu crois. Fleure est venue me trouver cette nuit, elle était en larmes...

— Non... non, ce n'est pas possible.

— Je suis désolée Nela, Fleure est celle que la rose blanche a choisie.

— C'est ça le bouquet de roses dans sa chambre, alors ?

— Non, rien à voir, c'est un cadeau de ses parents ça, note l'ironie de la situation. La vraie était sur son lit, et la marque s'est entièrement formée sur son avant-bras à son contact.

— Ce qui veut dire... ?

— Ce qui veut dire qu'elle est en entière capacité à mettre fin à ce cauchemar à moins que...

— À moins que je la tue, mettant moi-même fin à ses jours. En quoi serais-je meilleure que ce monstre si je la tuais, hein ? Et qu'est-ce qu'il se passerait ensuite ? Tu crois vraiment qu'une fois cette âme abattue, AlKatir va me laisser tranquille et retourner en paix dans l'au-delà ? C'est absurde. Jamais je ne causerai de tort à ma meilleure amie, et puis tu oublies que je suis immortelle, comment pourrait-elle faire ?

— Je ne sais pas, mais réfléchis un instant. Mets-toi à sa place une seconde. Fleure est une fille bien, intelligente et altruiste, le bonheur des autres passe toujours avant le sien et aujourd'hui, elle a le pouvoir de sauver la vie de millions de personnes en évitant une énorme guerre. Qu'est-ce qui l'empêcherait de s'en prendre à toi tant que tu es encore vulnérable ?

Jack se leva sous le regard encore perturbé de Nela. Il lui déposa un doux baiser sur le front, caressant sa joue du bout de ses doigts. Lui laissa la rose sur son lit avant de partir.

Anéantie, Nela songea aux paroles de son petit ami, il disait sûrement vrai. Que devait-elle faire ? Se laisser abattre, fuir ? Prendre la vie de sa meilleure amie ? C'était inenvisageable, Nela n'était pas une tueuse. Elle leva sa manche, observant la marque presque achevée sur son bras. Il était grand temps de trouver un plan. Il fallait agir vite. La seule solution pour le moment était la fuite, ça ne réglerait pas le problème certes, mais au moins, ça gagnerait du temps.

***

Après une nuit agitée par divers cauchemars, Nela passa le seuil de sa porte, prête à rejoindre ses amis au déjeuner quand elle tomba nez à nez avec Fleure. Toutes deux se fixèrent sans savoir comment agir. La situation devait-elle vraiment avoir un impact sur leur relation ? Visiblement c'était inévitable, aucun mot ne sortait de leurs bouches, toutes deux s'analysèrent, cherchant à savoir ce que pensait l'autre sans oser lui parler. Nela trouva une Fleure fatiguée en face d'elle, des cernes violets venaient habiller ses yeux, ses traits étaient tirés par l'inquiétude, sans oublier son sourire si chaleureux porté disparu ce matin. Son regard descendit ensuite sur sa marque, plus brillante que jamais. Fleure aussitôt baissa sa manche pour essayer de la cacher. Puis partit prendre sa douche en marmonnant des excuses à peine audibles.

Attristée par cette amitié perdue, Nela ne prit pas la peine de déjeuner, elle préféra partir au bord de mer pour profiter du calme, se laisser bercer par le bruit des vagues, en rêvant d'être, juste un instant, une fille banale. Dans quelques jours, la rose noire l'emporterait, elle le ressentait. Le sang qui coulait dans ses veines devenait de plus en plus foncé, ses yeux la brûlaient, laissant apparaître dans ses iris des tâches jaunâtres qui lui brouillaient la vue... Et puis cette douleur au creux de l'estomac qui devenait chaque jour un peu plus intense...Tout n'était plus qu'une question de temps, il suffisait d'une seconde d'inadvertance pour que tout explosât... Nela devait absolument se concentrer sur elle-même, rester vigilante. Impérativement. En aucun cas elle n'avait pas le droit de perdre son sang-froid.