23 heures avant la fin

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  Le silence

  Tout se fige.

  Je ne les entends plus.

  Je sais qu'il est penché au-dessus de moi, je sens les lames de sa haine déferler sur mon corps défaillant. Je sens leur présence à tous.

  Le tube froid qui me viole la gorge depuis la nuit des temps a cessé de pulser.

  Je suis dans le présent. Cet infime instant qui délimite le passé du futur. Une seconde de plus et je serai à mon tour le passé.

  Le temps ne s'arrête jamais, malheureusement, même pas pour me regarder partir.

  Mes poumons se bloquent.

  Mon coeur, petit soldat courageux, n'abandonne pas la lutte et se bat de plus en plus fort.

  Je ne ressens rien.

  Son rythme s'accélère encore, il pulse en un rythme endiablé, sur le tempo d'un requiem frénétique. Je sais qu'il va bientôt s'éteindre, épuisé.

  Et pourtant je ne ressens rien.

  Une explosion de lumière. Une clarté éclatante submerge tous mes sens. Ça y'est, c'est la fin! La lumière divine qui vient m'emmener. Je me laisse emporter, non je n'irai pas en enfer, mon fils que je n'aurai jamais connu, je m'en vais rejoindre les anges et la félicité éternelle.

  Un halo de pénombre défie la lumière. Une tache sombre trouble mon apparition.

  Puis je comprends, c'est le visage de Dieu qui emplit mon champ de vision. Il est penché sur moi et me souris. Tiens ! Dieu est black !

  " Ah! Tu as enfin ouvert les yeux père ! C'est encore mieux. Tu vois, je souris de te voir crever ! Si tu savais la joie que je ressens"

  Je comprends enfin. Je vois. Je n'en veux plus au monde, je peux le quitter avec l'image de mon fils qui me regarde en souriant.

  " Garde les yeux ouverts, regarde je suis penché sur toi comme un bon fils qui fait ses adieux à son père bien aimé, ils ne peuvent pas te voir. Garde les yeux ouverts puis ferme-les à jamais."

  Je ne t'en veux pas mon fils. Je ne sais pas pourquoi tu me hais, je ne sais pas le mal que je t'ai fait, mais si ma mort peut tout effacer, je l'accepte, regarde je souris.

  Je sens ma vue s'obscurcir à nouveau. Les pulsations de mon coeur frénétique résonnent jusque dans mes tempes. Son visage s'éloigne et sombre dans la noirceur.

  Pas de lumière pour m'accueillir, pas d'anges triomphants ou de chérubins aux trompettes joyeuses, juste la noirceur.

  Soit ! Viens La Mort, je suis prêt.

  J'attends, je serre le poing.

  "Nom de Dieu, redémarrez vite ! Il a bougé."

  " Oh c'est vrai, regardez il serre le poing."

  Je vous l'ai déjà dit ? Mon réveil ne fut pas paisible.

  J'ouvrais les yeux, mes cinq sens retrouvés. Je les entendais applaudir et se congratuler.

  Moi, je ne voyais que lui. Le visage de mon fils, les yeux fixés dans les miens, la bouche tordue d'un rictus de haine.

  Malgré le raffut des appareils redémarrant, du corps médical affluant dans ma chambre et de mon coeur contre mes tempes, je distinguai correctement se simple mot murmuré :

  "Monstre !"

Le Monstre et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant