24 heures avant la fin (les 5 sens)

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Le toucher


Elle entra en fredonnant un air que je ne connaissais pas. Ô, mon ange de résurrection, tu ne peux imaginer à quel point ta voix m'emplit de bonheur. Je suivais la mélopée à travers toute la pièce. Elle s'éloigna un court instant, toujours en chantonnant. J'entendis de l'eau couler, puis sentis le poids de son corps affaisser le sommier. Elle s'était assise juste à côté de moi. Quelques gouttes qui égrènent un tintement métallique avant la stupeur, l'extase, le ravissement de mes sens sursaturés : la fraicheur d'une étoffe humide sur mon front.

Il chantonnait toujours, mon ange de l'éveil. Je frissonnai de plaisir sous la caresse sur ma gorge, ma bouche s'éreinta à son contact, mes joues s'embrasèrent de volupté ; je m'abandonnais, offert, extatique, transporté par cette toilette intime.

Elle souleva le drap qui me recouvrait et je sentis un courant d'air frais me cajoler sur tout le corps. Il faut croire que j'étais nu dessous. Qui se soucie de la pudibonderie des morts ? Les senteurs lavande du savon se mêlaient à son parfum et lorsqu'elle attaqua le reste de mon corps, je succombais. Pas une partie de mon anatomie ne fut épargnée. Elle nettoya d'une main experte mon intimité recroquevillée, j'en frissonnais de mon corps immobile.

Jamais contact chaste ne m'avait apporté plus de plaisir. Je compris à force d'effleurements que la vie s'accrochait à mon âme. Je pouvais sentir mes neurones fourmiller sous mon crâne et visualisais le miracle de mes synapses créant de nouveaux réseaux.

Frétillant de bonheur sous la serviette qui me séchait énergiquement, je fis mes adieux à la grotte et à ses crabes mal cuits, à mon petit promontoire rocheux qui me ruinait les fesses et ...

Quelqu'un entra dans la pièce.

" Ah je savais que tu étais toute seule."

Une voix d'homme, presque un murmure rauque. Le bruit humide de lèvres et de langues qui se trouvent. Des froissements d'étoffes. Pas la peine d'ouvrir les yeux pour comprendre ce qui se passait. Ils étaient occupés à se galocher et à se tripoter juste à coté de moi, ne m'attachant pas plus d'attention qu'à un vieux meuble. Je l'entendis déjà gémir mon ange de résurrection, elle était pas assexuée celle là, c'est sùr.

" Nan arrête je ne veux plus le faire ici. Elle marqua une pause, trèbucha sur les mots, ça ... ça me gène, tu sais."

" Bah celui-là, il pourra plus venir raconter ce qu'il a vu. Pauvre vieux. Tu l'as préparé pour le final ?

" Il ne me reste plus qu'à le raser et ce sera bon"

Je sentis l'homme s'approcher de moi.

"Tu sais là où il va, personne ne se plaindra de son look. Il soulèva le drap. Je savais qu'il m'observait. N'oublie pas de l'habiller, c'est trop dégeu ces ciacatrices."

Mon ange ne répondit pas.

"Au fait il te reste moins d'une heure pour le préparer, c'est c'que j'étais venu te dire. La famille va arriver, tout le monde est prêt."

Un dernier bruit de baiser, une porte que claque puis il sortit de ma vie.

"Pauvre vieux. Dire que je t'ai toujours connu ici et qu'au lever du soleil on va te débrancher."

Pauvre fou ! Je ne compris pas sur le coup le sens de sa phrase et la laissais me raser, enivré par le menthol de la mousse à raser.

Elle fredonnait topuours le même air. Elle s'interrompit puis poursuivi son monologue d'une voix rêveuse.

" Il est beau hein ! mon Roger ! Quand il me touche c'est plus fort que moi, je ne peux pas lui résister. Elle chuchotait. Je suis vraiment amoureuse cette fois."

Le silence nous enveloppa avant que la sentence tombe.

" Bon ! Te voilà enfin présentable."

Elle me prit la main. Elle était fraîche et douce.

" Si tu m'entends, lorsqu'on te débranchera toute à l'heure, laisse toi emporter sans te débattre vers la mort et n'oublie pas d'implorer Son pardon pour tout le mal que tu as fait"

La porte claqua à nouveau. J'étais seul.

C'est ainsi que mon ange de résurrection me brisa le coeur et me condamna à mort.

Lorsqu'elle revint, haletante, ses talons précipités résonnant dans le couloir, elle avait oublier de m'habiller ; je hurlais et hurlais encore, me débattant de toutes les forces de mon corps immobile.

Le Monstre et moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant