2 ~ Black Water

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Je badge mon écran contre le lecteur et quitte le Sub, prenant la direction de la Banque Alimentaire du Terrier en compagnie de quelques habitants. C'est un gigantesque baraquement tout en bois et en pierre, presque aussi grand que notre hôpital et j'imagine qu'au début de la vie sous terre, la Banque Alimentaire a dû connaître son âge d'or, nourrissant toute la population du Terrier autrefois bien moins modeste. Seulement aujourd'hui la plupart des étalages sont vides, poussiéreux et parfois en ruine.
Les aliments, cultivés et produits dans les serres de la Bulle, sont livrés tous les lundis et jeudi, en priorité à la Rûche, puis dans les quartiers riches de l'Est et de l'Ouest avant de terminer dans les quartiers défavorisés. Autant dire qu'il ne reste plus grand choix.

Je me place dans la queue, préparant mon écran tandis que les habitants défilent devant moi. Chacun récupère la part qui lui est attribuée, sa taille variant en fonction du nombre d'individus par baraquement, du revenu du foyer mais aussi en fonction de l'approvisionnement. Si nous sommes sûrs de trouver à manger le lundi, ce n'est pas toujours le cas le jeudi.
L'homme âgé devant moi scanne son écran, attendant patiemment que les employés lui apportent son panier de provisions, à peine plus grand qu'une boîte à chaussure. 

« Je suis désolée Monsieur Fabre -S'excuse une employée, la mine abattue- mais nous n'avons rien de plus pour vous aujourd'hui...

- Ce n'est rien mon petit -Dit-il d'une voix chaleureuse en tapotant la main de la jeune fille- Je repasserai jeudi, ne vous inquiétez donc pas. »

Je le connais peu mais je sais qu'il vit seul et qu'il ne travaille plus, ne gagnant plus assez d'argent pour se nourrir correctement. Il récupère son panier et repart avec un large sourire, sans prêter la moindre attention aux regards désolés alentours.

Quand vient mon tour de badger, je sens mes joues brûler. Vivant dans un baraquement de quatre personnes, avec deux salaires au dessus de la moyenne et une bourse d'étude, je récupère un panier presque trois fois plus gros que celui de Monsieur Fabre, que j'accepte en baissant les yeux.

Le personnel ne me dit rien, c'est la règle après tout. Même lorsque je refais la file en sens inverse, je sens les regards envieux ou mauvais, mais personne ne dit rien encore une fois.

Rapidement j'arrive à hauteur de Monsieur Fabre, lequel traverse d'un pas mal assuré le sol accidenté.

« Est-ce que je peux vous aider ? -Je demande en lui prêtant mon bras comme appuis-

- Volontiers. » 

Alors qu'il aurait pu zieuter mon panier, il n'en fait rien, prenant mon bras avec soulagement et continuant de sourire. Pour ma part, je ne peux m'empêcher de regarder son panier. Quelques légumes rabougris, du riz, des céréales, un peu de savon et du lait d'avoine. Le tout en quantité infime.

« C'est peu n'est-ce pas ? -Dit-il avec un petit rire alors que je m'empresse de regarder ailleurs- Mais au moins j'ai de quoi manger.

- C'est tout de même incroyable que vous ne puissiez pas avoir le droit à plus -Dis-je avec un certain malaise- Vous avez passé votre vie à travailler...

- C'est vrai, mais je ne travaille plus et je n'ai plus besoin d'autant de force qu'auparavant.

- Dans quoi travailliez-vous ?

- J'ai commencé comme pilote de Sub avant que certains ne deviennent automatisés, puis j'ai fini à la station d'épuration de la Bulle.

- J'y suis allée une fois avec l'École lorsque j'étais enfant -Dis-je en me souvenant des gigantesques cuves reliées à la roche par des gouttières, mais également de l'odeur atroce- 

HuntersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant