Prologue

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Salem

"Alors Seb. Tu veux quoi ??

-Ben, papa, ze peux prendre un zéclair z'il te plaît ?

- Si tu veux, Seb. Et c'est un éclair, pas un zéclair."

Le garçon avait le nez collé contre la vitre froide qui blanchissait à chacune de ses expirations.
Deux traits de buée sortaient de ses narines et marquaient la vitrine et ses cheveux bruns ébouriffés se collaient à sa petite tête. Ses yeux brillaient lorsqu'ils se posaient sur chacune des pâtisseries exposées devant lui.
Son père, derrière lui, couvrait son sourire de la main, faisant mine de masser sa barbe foncée.

"Un éclair alors s'il vous plait ! m'adressa t-il alors.

- Tout de suite, Monsieur !"

Le tintement des pièces dans lesquelles il triait pour trouver la somme nécessaire, au creux de sa main, était l'un des seuls bruits que l'on entendait dans la boulangerie-pâtisserie, si on oubliait que les deux vieilles amies qui venaient prendre du pain régulièrement papotaient de la pluie et du beau temps devant l'entrée. Deux vraies commères.

Je pris la monnaie que le père de famille me tendait et sélectionna le plus gros éclair pour le petit.

"Voilà pour vous !"

Mes yeux se posèrent sur l'homme qui venait d'entrer. Petit, habillé de vert et rouquin, il me fit directement parvenir l'image d'un petit farfadet sorti tout droit d'un conte de drakes et de vouivres.
Ses traits étaient durs, il avait un nez en trompette et des rides lui fissuraient le visage. Ses yeux bleus vidés d'âme étaient ombrés par une capelle verte kaki ; il avait un manteau trop grand pour lui, ferme comme la cape d'un vampire mal léché. lorsqu'il entra, les deux femmes se turent, le suivant du regard.
Il fixait le mur derrière moi, le regard vide.
Le temps se suspendit, l'enfant et son père s'arrêtèrent lorsqu'ils se retournèrent.
C'est alors que d'un mouvement d'épaules, l'homme en vert ôta son manteau.
Nous fumes tous pris d'épouvante : l'homme portait une sorte de bombe artisanale, relié à un gros minuteur numérique, qui affichait 20 : 37. Des branchements de toutes parts. Une grosse caisse au niveau de son ventre. Comme dans les films. Mon cœur rata un battement, un sifflement bourdonna dans mes oreilles. L'homme ouvrit la bouche et hurla, en levant les mains au ciel, et j'aperçus un revolver dans celle de droite.

"Tout le monde les mains en l'air, sinon je tire ! J'hésiterai pas ! Je veux pas de flics ! "

Le père de l'enfant se mit devant son fils, les deux amies se regardèrent et crièrent, l'enfant était pétrifié, nous obéîmes tous .

De là où j'étais, de derrière la vitrine, je pouvais apercevoir le regard furieux de l'homme armé, dirigé vers le père de l'enfant.


" Joue pas au malin avec moi, toi !"


Bouche ouverte, je ne pouvais plus respirer. J'avais une boule dans la gorge, si grosse que l'air ne pouvait s'infiltrer.

L'homme armé prit le bras du père de sa main libre et le tira de manière à ôter toute défense au petit, mais le protecteur ne bougea pas.


"Hola, papa veut protéger fiston. Tu risques gros avec moi ! Et je vais vite fait te le faire comprendre !"


Abattant sauvagement  son revolver sur la tempe du père, qui gémit de douleur, il se mit derrière lui et recula à bout portant, l'arme virée vers la tête de l'homme.


SalemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant