chapitre 2 : Les aiguilles d'une montre.

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Je cours sans m'arrêter.
Alpha alpha alpha, ce mot qui revient sans cesse. J'espère que c'est juste un jeu. J'implore je ne sais qui, je ne sais quelle puissance, pour que cela soit juste un cauchemar et que lorsque je me reveillerai, tout soit redevenu normal.

Je n'ai jamais été très convaincue d'une force supérieure qui guiderait nos décisions mais en ce moment précis, je me rappelle que mes parents au moment de crise implorent un Dieu miséricordieux et d'amour.

J'avoue que cela m'a toujours chagrinée et renforcée mon incrédulité. J'avais toujours trouvé que c'était hypocrite et égoïste de leur part de se mettre tout à coup à prier quand ça leur chantait ou encore quand ils avaient un problème. Et une fois la crise ou la tempête passait, ils rembalaient ce Dieu dans un carton.

Je refoule mon indignation, je m'occuperai de mes parents plus tard.

Pour l'instant, j'essaye de convaincre ce Dieu que moi au moins je ne suis pas hypocrite. Que ça aille mieux ou mal, je ne l'avais jamais embêté mais en ce moment j'ai vraiment besoin de lui. J'implore ce Dieu d'amour et miséricordieux pour qu'il me sorte de cette galère.

Oh Dieu ait pitié de moi. je t'en supplie, sors moi de cette situation. Je sais que je n'ai jamais cru en toi mais ça sera peut être l'occasion que je m'y mette.

Dieu si tu n'es pas très occupé avec les problèmes des autres, j'ai besoin de toi. J'espère que t'as un carnet ou un agenda où tu notes les problèmes prioritaires parce que mon problème est vraiment très très très prioritaire. Ça se voit en plus. Tu le vois non? Dis moi que tu le vois.
Je me met à pleurer. Je suis à bout de force.

Je n'arrive plus à avancer. Je parle toute seule comme une folle, mes pieds ne veulent plus me porter. Je crois que je suis dans la liste d'attente de Dieu puisque pour l'instant je suis toujours perdue. Je ne l'en veut pas. Je ne partais pas dimanche à l'église avec mes parents alors je pense qu'il se venge un peu. Après tout, il fait ce qu'il veut.

Je n'arrive pas à me defaire de ce mot "alpha". Le film de la mort avait commencé avec cette inscription. Je me rappelle maintenant de ce film. De cette femme égorgée devant moi. Je me rappelle de cette pancarte immaculée de sang me renvoyant l'image d'une femme rousse, âgée d'une trentaine d'année, égorgée.
La plupart de film se termine par "fin" ou "the end" mais ce film de la mort s'était terminé par un chronomètre.

L'heure tournait. Les minutes et les secondes défilaient sous mes yeux. La pancarte immaculée de sang m'avait chronométrée.

J'étais désormais chronométrée.

La pancarte avait certes disparu, mais je revoyait encore la scène. Mon nom s'était dissoud laissant place à l'inscription alpha et puis les images de la femme commencèrent à défiler.

Elle était rousse, belle, petite de taille, habillée en tailleur. Assise à mes côtés. J'avais fermé les yeux me persuadant que ce n'était pas moi dans ce train à côté de cette femme. Je regardais le film de la mort défilé en étant au coeur même de l'action. On dirait un acteur qui va au cinéma pour regarder son propre film. Je refusais de croire que j'étais à l'intérieur. Ces images renforcaient mes maux de tête.

Le billet à la main, la femme rousse avait posé un journal devant moi. J'avais senti l'odeur de son parfum.
En prenant place, son coude m'avait frôlée. Elle était dans sa bulle, occupée avec son téléphone. Elle passait plusieurs coup de file. Elle devait être directrice dans une grosse compagnie puisqu'elle donnait des directives à ses interlocuteurs. Elle n'était pas une cheffe comme les autres. Rien avoir avec "le diable s'habille en prada", rien avoir avec ces chefs prétentieux et orgueilleux qui ecrabouillent tout à leur passage, se prenant pour des dieux.
Elle, elle donnait des directives avec le sourire aux lèvres. Elle avait l'air sympathique. Je pense qu'elle devait être aimée de tous. Enfin, c'est ce que je pensais avant qu'elle soit égorgée.

Elle regarde vers la fenêtre, elle soupire. Elle a l'air fatigué. Ses yeux sont pâles, la journée a été rude je pense. Je scrute son visage et vois des poches sous ses yeux et une certaine tension sur son visage. Je pense q'elle n'a pas bien dormi ces derniers jours.

J'ai observé cette femme tout le long du trajet.

Terminus du train. Elle descend et récupère sa voiture. J'ouvre la portière et m'assoie côté passager. Je me rend compte qu'elle ne me voit pas, elle n'a rien entendu. Derrière toute cette beauté, je pressens la souffrance. Elle roule calmement, regardant de temps en temps le paysage se défilait.

On entre dans une petite ville bornait des arbres. Je ne connaissais pas cet endroit. Ça me plaît bien.

Elle s'arrête devant une station essence et fais le plein. Elle sourit au monsieur et remonte dans sa voiture. Quelques minutes plus tard, on se retrouve devant sa maison. Elle débarque directement à la cuisine par la porte du garage.
Je m'installe dans le petit salon. Sa maison est bien épurée, elle est belle. Ça sent la modernité et l'élégance: pierre et marbre, Bois, papier peint, feu de bois.

Le dîner est servi entre sept et huit heure et demie.

Après avoir fini de manger, elle se lève, fait la vaisselle et va vers la fenêtre et l'ouvre en grand. Elle fixe le lac immobile au loin. Sa maison est au milieu d'une petite forêt. Elle aime la tranquillité. Moi, à sa place j'aurai flippé de vivre dans un milieu aussi silencieux.
On a l'impression que le temps s'est arrêté dans cette maison.
Elle vit seule. Seule dans une grande maison.
Pensait-elle à fonder une famille? À avoir des enfants? À se marier?

J'avance vers elle. L'air est vif.
Je la touche mais elle ne me sent pas. Je m'en doutais.

Elle rentre dans la cuisine, sors la bouteille de vin et se sert.

Et puis je l'ai vu. Je venais de soutenir son regard. Lui aussi m'avait vu.
Je me croyais invisible mais non. Il m'avait bien vu.
Terrifiée, je restais un moment sans bouger.
Il me dépassa et avança vers elle.

Il eut un frémissement dans la maison. Elle entendit le bruit des pas, se retourna et puis ce fut la fin d'une belle carrière bâtie par tant d'année de dur labeur.

Les éclats de verre éparpillés, le vin renversé, elle gisait par terre, une traînée de sang longait son corps.

Il m'a regardée et a refermé la porte.

J'étais là, pétrifiée. Je venais d'assister à une scène atroce sans intervenir. je me sentais mal. Je n'acceptais pas le fait de l'avoir perdue. Je me sentais attachée à cette parfaite inconnue dont j'avais découvert la vie et apprécié en une journée.

Je ne comprenais pas la raison de ma présence dans cette maison. Et puis pourquoi je n'avais pas été tuée moi aussi puisqu'il m'avait vue.

Pourquoi moi? Que dois je faire? Pourquoi m'avoir choisie pour voir une telle cruauté?
...

Un bruit sourd me tire de mes pensées, Je prends ma tête entre mes mains et je lutte contre le vide.

Cette pancarte renvoyait-elle ma propre image? Suis je cruelle?
Je n'ai jamais eu des envies de meurtre. Pourquoi moi? Pourquoi moi?

Je ne fais que courir et je me retrouve toujours au même endroit. Quelqu'un a décidé de m'enfermer dans ce monde où aucun issu de secours n'est possible.

Je pense à mes parents qui doivent s'inquiéter pour moi. Je me sens mal, je regrette d'être sortie. Je regrette d'avoir suivi cette pancarte. Et puis, seule une fille bizarre peut faire des choses pareilles.

Je suis bizarre, bizarre, bizarre. Je me le répète sans cesse.

Soudain, tout me semble familier. je me rappelle de la rue d'à côté, de ma rue, du chemin que j'avais emprunté.

Un instant j'étais perdue au milieu de nul part, me souvenant de rien, de personne et tout à coup je réapparais dans une rue qui m'est familière.

Qu'est ce qui se passe?

...

- Helena !

- Helena, réveilles toi ...

- Astride réveilles toi ...

Enfermée (En Reécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant